« He’s not a guy, he’s a machine »

Attention, spoil!
Quand j’ai vu Robocop pour la première fois, j’étais adolescente et je n’en avais pas gardé un bon souvenir. Je n’en avais retenu que la violence et ça ne m’avait pas parlé plus que ça. Depuis, j’ai découvert la profondeur de l’histoire.


Murphy, est un excellent policier tué durant l’exercice de ses fonctions. Une société militaro-industrielle récupère son corps et le ramène à la vie après avoir vidé sa mémoire et l’avoir transformé en robot policier : robot cop. Il est programmé pour se conformer à des directives précises et il fonctionne 24h sur 24h.


Nous faisons connaissance avec Robocop par le biais de la caméra subjective : nous voyons ce qu’il voit, sans émotion : un écran devant lequel se penchent des personnes se comportant face à lui comme devant une bête de foire. Le film oscille ainsi entre camera objective où nous voyons Robocop agir et caméra subjective où nous voyons ce qu’il voit à travers un écran.


« He’s not a guy, he’s a machine » tout l’enjeu du drame est contenu dans cette phrase prononcée par un membre de la police. Pour les inventeurs du programme, c’est un produit, donc une source de profit. Malheureusement pour eux, parmi les policiers il y a des humains qui ne peuvent oublier que derrière ce produit il y a « quelqu’un » qui a été un humain. Il y a également ceux qui l’ont tué et qui le reconnaissent paniqués : « You’re dead ! We killed you ! ». Autant d’interaction relationnelles qui viennent réveiller quelque chose en Robocop : « who are you ? » demande t-il avec insistance à l’un de ceux qui l’a tué.
Nous nous apercevons qu’il a gardé des souvenirs, et les souvenirs font partie de l’humain, ils se rattachent à une mémoire émotionnelle, ce n’est pas un simple stockage de données. Grâce aux plans subjectifs nous voyons ce qu’il voit et à travers nous également, Robocop acquiert une dimension humaine parce que nous sommes, nous-mêmes humains.


Son humanité ne cesse de se réveiller. En particulier quand sa volonté se manifeste de manière autonome, et qu’il se met à chercher qui il est et quel est son passé, compulsant les bases de données jusqu’à tomber sur sa fiche d’identité où il est classifié : « décédé ». Les photos font ressurgir les souvenirs. Sa volonté autonome se manifeste le plus clairement au moment où il déboulonne son casque et laisse apparaître son visage. Manifestation la plus évidente de sa volonté de récupérer son humanité. Humanité vraiment retrouvée quand il devient capable de dire son nom : « Murphy » et de sourire, ce qu’aucune machine ne saura jamais faire. S’il y a bien un indice d’humanité, c’est bien le sourire qui illumine un visage !


Quand Verhoeven a reçu le script de Robocop, il n’a pas été intéressé. C’est sa femme qui lui en a montré l’intérêt. Verhoeven, sans être croyant, est attiré par la figure du Christ historique. Sa femme lui a donc montré que derrière Robocop il y avait une figure christique :



En relisant le scénario, j’ai vu qu’il parlait de résurrection. De crucifixion, de résurrection et du paradis perdu. Le paradis perdu, c’est sa famille, la crucifixion c’est quand il est tué de façon horrible, enfin il ressuscite quand il est reprogrammé. Ce sont vraiment ces trois éléments qui m’ont poussé à faire Robocop. Pas tellement les scènes d’action et ce genre de choses. Il fallait que je les fasse, soit ! Je tenais particulièrement à la scène où il retourne chez lui. Après avoir découvert qui il était avant. Pour moi cette scène montre à quoi ressemble le paradis perdu. C’est un concept mythologique, mais je le trouve très beau. J’ai fait le film pour ça.



Pour ma part, cet aspect « christique » ne me touche pas particulièrement, car nous sommes très loin malgré tout de la figure christique. Par contre, je suis plus touchée par la question que Robocop pose sur l’humain : qu’est-ce qui fait qu’un homme est un homme et qu’une machine ne sera jamais un homme. Et je suis touchée par ce personnage qui, réduit à la condition de machine et de « produit », reprend le dessus pour récupérer son humanité volée. Et il y a tant de façon de dénier à l'autre son humanité. Robocop, c'est avant tout pour moi un magnifique parcours de résilience.


Premier film américain de Verhoeven, celui-ci a pu travailler en lien étroit avec Edward Neumeier, le scénariste, qui était constamment à ses côtés durant le tournage. Il a donc pu discuter avec lui au fur et mesure que se déroulait le tournage, donner son avis et proposer des modifications. On reconnaît son style à travers le second degré qui est rarement absent de ses films et qui donne place ici à des scènes et des répliques décalées. On reconnaît aussi sa marque à travers la violence, bien sûr !
On apprécie de retrouver Basil Poledouris pour la BO. Collaboration entre les deux hommes qui avait été inaugurée durant le film précédent : Flesh+Blood.

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le 17 mars 2022

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abscondita

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