Quand Verhoeven explore le Moyen Âge

Le film se situe en 1501, à la veille de la renaissance. Verhoeven nous présente un Moyen Âge violent tout en nous faisant entrevoir le monde qui ne vas pas tarder à naître, celui de la Renaissance, à travers le personnage de Steven, fils du seigneur Arnolfini qui s’adonne aux recherches, à la science et qui se tient au courant des travaux de Vinci.

Flesh+Blood c’est l’affrontement entre le monde des seigneurs et celui des soldats mercenaires qui deviennent vite hors de contrôle quand on n’a a rien à leur offrir que des promesses non tenues. Sur ces promesses vides et creuses va naître un chef de bande redoutable : Martin. Son intronisation se fait à l’occasion de la mort d’un nouveau-né dont il l’un des pères potentiels et de la découverte dans le même mouvement d’une statue de saint Martin dont il porte le nom. Saint Martin, le soldat romain, devenu chrétien, qui s’était servi de son épée pour couper son manteau en deux et couvrir de la moitié coupée un pauvre grelottant de froid est un symbole tout désigné pour prendre sous la protection de son épée ces pauvres hères. Sur cette tombe fraîche où est enterré le nouveau-né et d’où la statue vient de surgir, Martin est adoubé chef de la bande par le cardinal qui voit dans ce concours de circonstances un signe du ciel. Martin est désormais celui qui va apporter la richesse à cette bande sans but qu’on vient de priver de récompense et d’humilier.

Dès lors, la bande suit son chef, son élu divin et la statue qui, du bout de son épée habilement orientée, va indiquer la route à suivre. C’est ainsi qu’ils se font un butin en pillant le convoi du seigneur et en prenant un château fortifié. Mais tandis qu’ils suivent des signes interprétés selon le sens qui les arrange, c’est Steven qui les mettra en déroute avec pour savoir-faire sa science. Un monde est en train de s’éteindre, celui de la superstition revêtue d’un manteau religieux, un autre est en train de naître : celui des sciences.

Flesh+Blood c’est la chair et le sang de ces hommes qui s’entre-tuent, de ces femmes violées ou qui s’exhibent elles-mêmes. C’est aussi la chair et le sang de corps humain ou animal atteints par la peste. La terreur qu’elle inspire n’a d’égal que la mort qu’elle sème sans pitié autour d’elle. Mais là encore, la science saura la faire reculer, pour peu que des personnes comme Steve soient entendues.

Flesh+Blood c’est encore le face à face de ces deux homme : le jeune et savant seigneur : Steve, et le chef charismatique plus âgé et expérimenté : Martin. Au milieu des deux la jeune Agnès enlevée par la bande de mercenaires, violée mais aussi conquise par son ravisseur et qui oscille entre les deux hommes, cherchant à les préserver tous les deux.

Flesh+Blood ce sont deux heures d’action, de violence, de passion. Film charnière de la carrière de Verhoeven qui ne pouvant plus obtenir de subvention dans son pays après le tournage de Spetters, cherche des financements ailleurs. Ce film a été produit par Orion, société américaine qui produira ensuite Robocop, mais il a été tourné en Espagne et l’équipe qui l’entourait était européenne. Flesh+Blood, inaugure la collaboration de Basil Poledouris avec Verhoeven qui signe ici une magnifique BO. Collaboration qui sera renouvelée avec Robocop et Starship Troopers.

Ce film a été le plus difficile à tourner de la carrière de Verhoeven. Rutger Hauer, son acteur fétiche, qui incarne ici Martin ne voulait pas tourner ce film qu’il jugeait trop violent. Il pensait que ce rôle d’anti-héros allait nuire à sa carrière. Il a finalement cédé aux instances de son agent, mais il s’est opposé à Verhoeven durant tout le tournage, contestant les scènes et ce qui lui était demandé. Il a été suivi peu à peu par le reste de l’équipe qui s’est mis également à contester Verhoeven. Pourtant au résultat on ne s’en aperçoit pas, Hauer est convainquant ainsi que chaque acteur. La collaboration entre Verhoeven et Hauer s’est très malheureusement arrêtée à partir de ce film et il aura fallu 15 ans avant qu’ils renouent contact. Verhoeven a exprimé par la suite son regret d’avoir poussé Hauer à interpréter ce rôle malgré ses réticences.