Comment ça craint, le futur. Sérieusement, ça craint à mort, je sais, seulement, plus il craint, plus j'avoue qu'il me branche. Pas tout à fait dystopique, seulement bien noir, bien sale, bien cyberpunk en fait. Le cyberpunk, c'est clairement ma came, par contre. Et le terme est bien choisi : ça se drogue, ça se tue, ça fait ses petites intrigues sans foi ni loi. C'est sûr, ça change du Space Opéra ! Bref, le tout premier Robocop, que l'on qualifiera de "vieux", n'avait pas franchement remporté mon suffrage. Il n'était pas tout à fait dans le cyberpunk que j'aime - et j'y avais trouvé la question de l'homme-machine assez vite expédiée. Pas naze, hein, mais pas conforme aux attentes que j'avais. Je suis exigeant, monsieur, madame. Bref nouvelle mouture, remake par le gars qui a fait ce film d'action à la rude que je n'ai pas vu, "Troupe d'élite", ça vendait pas forcément du rêve. Pas à cause du réal, hein, surtout parce que Verhoeven avait déjà été "remaké" récemment, et cela avait donné lieu à une petite merde tout à fait oubliable, un délire de designer pas dégoûtant à l'oeil, mais détestable à suivre. Forcément, ça a tendance à atténuer toutes envies...

Et puis, l'acteur principal, quoi, Joel Kinnaman, sorti de nulle part. Un grand dadais totalement inconnu, au visage très anguleux, qu'il est difficile de projeter dans le rôle du plus célèbre des robots-flic. La tête d'affiche manque un poil de charisme mais vous me direz, c'est l'armure qu'on est venu voir. Seulement là aussi, les premières photos sont cruellement en demi-teintes : armure noire, "remise au goût du jour" selon les marketeux de tout bord. Franchement, tout cela ne s'annonçait guère sous les meilleures auspices. Pire, l'original drainait une image de brûlot contestataire, égratignant toute à la fois les médias, les corporations et se montrant en prime bien plutôt clairvoyant concernant le futur de Detroit. Une paternité difficile à assumer, d'autant plus si ça se vautre avec violence. Ce nouveau RoboCop reprend précisément le scénario du premier, Alex Murphy se fait pulvériser, puis revient sous la forme d'un robot à l'humanité ambiguë qui va chercher à se venger... Seulement, ce renouveau va tenter d'apporter ses propres plats pour le pique-nique.
Dans l'idée, un petit contexte légèrement politisé : Micheal Keaton est le PDG d'Omnicorp, leader dans le marché du robot militaire. Un marché florissant, comme on l'imagine, vue la propension des Etats-Unis à exporter la guerre pour la démocratie à l'étranger. Un marché florissant, certes, mais pas asseze pour Keaton, oh que non : lui, ce qu'il voudrait, c'est pouvoir vendre sur le sol américain. Seulement, le robot militaire est interdit sur la terre nationale, eh ouais. Alors hop, Keaton se dépêche de trouver la tangente : un homme, dans un robot, pour vendre l'image du tout sécuritaire robotisé. L'essentiel de l'intrigue va, du coup, non plus avoir trait avec la vengeance du personnage central, Robocop, cette dernière étant même très rapidement expédiée. Ici, le principal intérêt de l'intrigue est de voir à quel point le héros se déshumanise, devient un robot et comment cela joue sur les enjeux politiques au centre d'un hypothétique coup commercial. Le tout saupoudré de quelques menues interventions de Samuel L. Jackson en présentateur aux allures d'évangéliste, prophétisant le bien-fondé de l'intervention robotique sous le drapeau.
Et en fait, c'est plutôt intéressant, ce petit parallèle. Ca m'a rappelé l'air de rien, l'ère révolue du mercenariat, avec les lois internationales interdisant leur activité sur leur propre sol... Et, du même coup, le changement de nom de cette activité pour "contractuel", histoire de ne pas se fermer un marché juteux sur le sol américain. A l'image des charmants gars de Blackwater, appelé Xe après leurs déboires en Irak, puis Academi. Des gens biens. C'est amusant comme le discours de Robocop, du coup, est peut-être moins ancré dans un contexte de "politique de proximité", avec la violence des rues en guise de cible, mais plus la politique globale de l'argent de la guerre, avec ses contractants qui tentent, en sangsue, de tirer un maximum de thunes de ces situations plus que scabreuses. Là-dessus, le film est pile comme il faut : on insiste pas dessus, le contexte passe en filigrane tout le long du métrage. Comme dit précédemment, on est davantage dans du cyberpunk puisque le contexte politique va définir du coup l'enjeu principal du film : Robocop est-il un homme dans une machine ou une machine se prenant pour un homme. La ligne de tension est conservée jusqu'au bout et, à la limite, c'est le seul point qui m'a déçu. La perte d'humanité de Murphy est vraiment tendue, c'est une crainte qui débute du moment où l'on voit "ce qu'il reste" de l'ancien flic jusqu'à la fin... mais justement, la fin statue sur la réponse - sans précision, sans explication (Spoiler : Robocop parvient à surmonter le blocage l'interdisant de s'en prendre à un membre de l'omnicorp, c'est donc bien un humain, plus fort que la machine).
Résultats, j'ai pas trop parlé de la mise en scène ni des acteurs : Joel fait le job, Abbie Cornish ne saurait être autrement que parfaite - et d'une beauté à couper le souffle, surtout quand elle est prête à tout pour voir sa famille réunie. Et la mise en scène n'est pas trop mal. Bon, les scènes d'action sont plutôt rares, j'avoue que j'ai pas trouvé tout cela particulièrement puissant, à part la scène d'action dans le noir, plutôt chouette et - bizarrement - très lisible, qui joue bien sur les clairs-obscurs. Le héros est toujours bien éclairé, lorsqu'il tire, on aperçoit sa cible, ça rend la séquence aussi jouissive qu'intéressante à suivre. C'est comme si le réalisateur n'avait pas eu les coudées franches pour tourner à sa convenance (étonnant, non ?). Le mec sait faire du film d'action mais a priori, s'est vu gracieusement contrôlé à mon avis. Enfin, c'est pas que mon avis, le réalisateur s'étant épanché de son énervement vis-à-vis des producteurs qui lui ont imposé leurs vues. Apparemment, l'expérience n'a pas été très agréable et c'est plutôt dommage, parce que le produit final est quand même bien charpenté.

Plus de peur que de mal : ce nouveau Robocop n'a pas à rougir devant son auguste parenté. Un divertissement blindé, bien plus convaincant que ce que les images laissaient voir. Et surtout, bien plus intelligent dans son propos que la plupart des blockbusters, égratignant les parasites de guerre qui tentent de faire des conflits les mannes financières de demain. Dommage que le tournage ait été si pénible pour José Padilha, son réalisateur, mais en tout cas, il pourra être fier d'avoir commis un digne successeur au long-métrage de Verhoeven.
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le 4 janv. 2015

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