On connaît la chanson : énième succès pour le troisième opus à l'international, établissant même un nouveau record de recettes. Trois ans plus tard, tel une horloge suisse, Stallone sort le nouvel opus de sa saga légendaire. Presque dix ans déjà depuis le premier Rocky. Avant de partir sur ses fantasmes d'affrontements russo-américains, le réalisateur dorénavant établi de la franchise, s’appesantit sur la course inexorable du temps. Ses personnages, aussi bien Rocky qu'Apollo ont fait leur temps. Réutilisant, une fois n'est pas coutume, les derniers instants du film précédent, l'introduction se termine sur les deux boxeurs prêts à s'affronter. Ce dernier pugilat dans un gymnase similaire à leurs débuts s'arrête avant le premier coup, comme un dernier geste, un dernier élan avant de raccrocher les gants. Un vent de mélancolie souffle sur cette image terminale.


C'était sans compter sur l'ogre de l'Est, l'URSS, et ses combattants impitoyables biberonnés à la testostérone et à la vodka. Qui dit nouvel opus, dit nouveau challenger. Et Stallone de lancer la carrière du géant suédois, Dolph Lundgren, lui attribuant le rôle d'un capitaine du KGB au physique de titan. Il est intéressant de mettre Rocky 4 en parallèle de Rambo 2 sorti la même année. Les deux films sont symptomatiques d'une nouvelle ère pour le cinéma d'action américain, sous influence Reganienne. Finie la noirceur du Nouvel Hollywood et sa remise en question d'une société toujours plus schizophrène, dorénavant place à la grosse artillerie, aux héros aux muscles saillants qui dézinguent du communiste par paquets de douze. Alors que Rambo est occupé à libérer des prisonniers américains aux mains de vietnamiens sanguinaires grâce à un bodycount toujours plus stratosphérique, Rocky de son côté s'apprête à défier l'ennemi historique sur son propre territoire.


La mort tragique d'Apollo Creed sur le ring tel un Jean Baptiste Poquelin du 20e siècle provoque le courroux de son plus fidèle allié. A l’inverse de Rocky qui avait senti le vent tourner et le temps faire son office, l'ex champion du monde poids lourds désirait un dernier frisson, une ultime joute. Symbole d'une Amérique devenue arrogante, à l'image de son show au patriotisme forcené, il est écrasé par la puissance soviétique brute et dénuée d'émotion. Cela nous rappelle les grandes heures de la science-fiction américaine fifties, craignant la montée communiste, avec ses profanateurs de sépultures aux visages figés où la moindre lueur d'humanité avait disparue. Pour la première fois ce n'est pas Rocky qui essuie la première rouste du long-métrage. Mais son désir de vengeance n'en sera que plus grand. Se sentant responsable de la mort d'Apollo, comme c'était déjà le cas pour celle de Mickey dans l'opus précédent, le boxeur au grand cœur sombre. Jamais aussi à l'aise que dans le montage dit émotionnel, Stallone nous propose une séquence déchirante, où Rocky, parcourt la nuit au volant de son bolide à cent mille dollars, avant d'être assailli de flash-backs, complètement désordonnés, balayant la réflexion ou la lucidité au profit d'une passion aveugle et bouillonnante. Retour en accéléré sur dix ans de boxe, de hauts de bas, d'échecs de réussites, de joies de douleurs. Balboa la légende doit retrouver le Rocky des débuts et repartir au combat.


S'ensuit alors les traditionnelles mais non moins efficaces séquences d'entraînements chères à la saga. Rythmées par le nouveau tube de Survivor, le bien nommé Burning Heart, Rocky renoue avec sa nature sauvage et primitive. Isolé dans des paysages enneigés et vierges de toute distraction, il se prépare au choc des mondes, l'Est contre l'Ouest, concluant sa préparation au sommet d'une montagne lors d'un plan aérien dantesque. Les marches de Philadelphie ne suffisent plus, il doit désormais conquérir le monde. Occupant quasiment un tiers du métrage, le combat final est peut être l'un des moins intéressants de la saga. Toujours aussi plaisant, redoutablement monté et parvenant à rendre l'impact des coups avec une précision chirurgicale, il manque un supplément d'âme, une justification émotionnelle. Il n'est plus l'aboutissement d'une remise en question de Rocky mais seulement l'objet d'une vengeance. Le virage amorcé par le troisième épisode se confirme. Avec une durée de 87 minutes il est l'opus le plus court de la saga, conçu comme un actionner et non plus un drame sportif.


Malgré une efficacité certaine et un plaisir à consommer de l'action eighties bien bourrine, le film se conclut sur une note assez embarrassante, d'un autre temps. Après avoir retourné le public russe à la force de ses poings, Rocky déclame un discours mièvre et plein de bons sentiments sur les changements que doivent opérer les deux grandes nations. Pourquoi pas, mais sans oublier d'acclamer le triomphe du héros américain et de retourner sa veste en moins de vingt minutes comme jamais l'URSS n'a osé le faire dans son histoire. La paix dans le monde oui, mais jamais sans mon Mcdo.

PowerSlave7
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le 30 nov. 2023

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