Maintenant qu'elle est accomplie la mission "Rogue One" se reflète quelque peu dans "The Force Awakens". Ces deux premières moutures Star Wars dans l'ère Disney sont aussi comparables qu'opposables.
L'une et l'autre pêchent dans l'hommage pesant qu'elles rendent à la Trilogie Originale. L'épisode VII frôlait le remake tandis que ce Préquel de l'épisode IV excède dans les clins d'œil. C'est d'autant plus frustrant concernant "Rogue One" que son premier enjeu est de se démarquer de la Saga Skywalker et c'est encore plus navrant que cette mission n'est pas totalement ratée. Pour sûr "Rogue One" trouve un souffle nouveau tout en restant fidèle à l'esprit de la franchise. Ce ne sont que des détails mais ils sont nombreux et parfois très lourds. Il s'agit surtout de présences inutiles ou maladroites de personnages iconiques de l'univers. Bail Organa et Leïa ne trouvent pas vraiment leurs places. L'utilisation de l'image de synthèse pour cette dernière et Tarkin n'est pas vraiment convaincante. C'est épatant sur le coup mais on finit par se croire dans une cinématique de jeu-vidéo. Une innovation technologique aussi remarquable qu’inquiétante. Des présences imposantes, quoique le rôle de Tarkin est important dans "Rogue One", tout comme celle de la Force, qui empêchent "Rogue One" de s'émanciper totalement du passif Star Wars. Le comble est atteint avec le caméo de C3PO et R2-D2.
Cependant "Rogue One" comme "The Force Awakens" est une réussite sur l'alliage entre reconstitution d'hommage et recréation moderne. Les vaisseaux, planètes et costumes nous replongent dans l'ambiance de la Trilogie Originale avec classe, sobriété et à des années lumières de toute ringardise. Jyn en costume Rebel (Eadu) n'est pas sans faire penser à Leïa sur Endor. Yavin 4 est magnifique ! On trouve même une référence visuelle à la Prélogie avec le château de Dark Vador sur la (probablement) planète Mustafar et elle est plutôt de bon-aloi. Cette silhouette en ombre géante ! Le tout dynamisé par des propositions ultramodernes comme la planète Scarif. Du jamais vu dans Star Wars.
Mais c'est avant tout parce qu'il a su combler son côté obscur que "Rogue One" tranche avec "The Force Awakens" et tous les précédents opus. Bien que l'on connaissait la conclusion de l'histoire on pouvait craindre de la part de Disney une fin édulcorée pour ne pas brusquer une partie du public. Il n'en est rien et c'est formidable ! Le sacrifice significatif de Jyn Erso (pétard comment elle est belle cette scène) conclut d'une manière douce-amère un film d'une rare violence.
Il s'agit clairement d'un film de guerre. Il est réussit dans sa mise en scène aussi dynamique et limpide que "Il faut sauver le soldat Ryan" mais surtout dans son traitement politique. Dans l'écriture des personnages et des évènements il y a aussi une vraie consistance et une vraie audace au service d'un propos. Les enjeux, les conséquences et les compromis se font ressentir. Le sort de la planète Jedha trouve un certain écho face à notre propre actualité géo-politique. Sans être un manifeste solennel il pose des jalons solides sur son sujet où les protagonistes sont complexes.
Il y a toujours un brin de légèreté dans ce Star Wars, il est beaucoup plus ténu, parfaitement dosé par rapport au contexte de l'intrigue et quasiment entièrement porté par le droïde K2SO drôlement pince-sans-rire ! Quelque part entre une version parlante de BB-8 et un C3PO malin. Les personnages, de l'Alliance (et ça rend le film un poil manichéen), ont tous des petits instants de décompression où ils peuvent se montrer relativement amusants, à l'instar de l'épisode VII qui excellait sur ce point.
En synthèse de cette parallèle, "Rogue One" par sa stature de film unique avance sur un rythme effréné et se perd alors dans quelques digressions, tout au contraire de "The Force Awakens" qui installait trop précautionneusement ses bases pour la suite.


Au-delà de la comparaison, il y a d'autres bons et mauvais points à distribuer.
L'ambiance musicale de Michael Giacchino est assez disparate et très lourde, hors-mis quelques notes accentuant très bien la tension.
Dans l'ensemble le casting est impeccable, la mordante Felicity Jones en premier lieu, il n'y a peut-être que Forest Withaker qui s'essouffle.
La lourdeur de certains traits appuyés dans les relations. La romance entre Jyn et Cassian, totalement inutile, la relation très romanesque entre Galen Erso et sa fille mais surtout les deux scènes de mort tire-larme façon "dernier souffle dans ses bras".
Les protagonistes de l'Empire ne sont pas franchement réussis, dans l'écriture ou la transposition à l'écran. Si l'ambition bouffante de Krennic est intéressante, le personnage n'est pas creusé dans le fond. En cela son échange avec Dark Vador est assez désolant. Un Dark Vador un peu bancal, outre la dernière scène hyper badass.
La très belle image de départ avec ces lignes stellaires qui ressembleraient à un texte défilant vu du dessous, comme le symbole annonciateur de l'ouverture vers l'envers de Star Wars.
On ressent la production difficile qui a accouché d'un montage final assez anarchique mais paradoxalement cohérent. Il n'y a qu'à revoir les trailers et tous ses plans et répliques rapidement devenus cultes qui ne sont finalement pas dans le film. L'esprit vendu est bien là mais c'est tout de même surprenant. Est-ce un choix délibéré pour différencier les images promotionnelles et l'œuvre finale ? Ou plutôt l'énième illustration d'un conflit entre l'équipe de réalisation et la maison de production ? La première option n'est pas pour déplaire, après tout, a-t-on vraiment besoin de revoir dans les films les images des bandes-annonces déjà-vues mille fois ? On essaie de renier la seconde option, surtout dans tout ce amas de blockbusters perdus entre Director's Cut et Final Cut, que l'on appelle désormais Phénomène Suicide Squad (soupir de désespoir).
Hey mais j'y pense, en fait on l'a bien eu notre "Suicide Squad" cette année...et il s'appelle "Rogue One" !

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le 18 déc. 2016

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Adam Kesher

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