Le film d'horreur est un passe-temps pour masochistes.

Vous aimez avoir peur ? Vous êtes du genre peu regardants quant à la qualité d'un film d'horreur, ce que vous voulez c'est du sursaut, des jumpscares bien salauds qui vont vous procurer la sensation d'être en vie durant... 3 secondes tout au plus, et des morts en pagaille ? Et bien tirez vous bande d'horrophages du dimanche, ce film n'est pas pour vous !


Vous savez quand on vous parle de film d'horreur et que vous n'êtes pas forcément expert en la matière comme moi, vous pensez à plusieurs choses tirées de vos expériences personnelles: le gore pas cher, le slasher ou les grands classiques. Les premiers c'est un petit plaisir coupable, de temps en temps j'en regarde, j'aime rarement ça mais je sais pas pourquoi je retiens jamais la leçon et j'en regarde toujours... Sans doute la même substance chimique addictive qu'on retrouve dans les gâteaux apéritifs et les cacahuètes. Les seconds, j'en connais pas beaucoup mais c'est l'assurance de passer une bonne soirée avec des potes autour d'une pizza et de boissons plus ou moins alcoolisées. Enfin les derniers, les classiques, c'est des trucs à la "Shining", "The Thing" ou encore "Rosemary's Baby"... Sauf que "Rosemary's Baby", je le connaissais que de réputation, je ne l'avais jamais vu...


"Rosemary's Baby" est un film qu'on ne regarde pas, on le vit. A ce titre, je ne vais pas simplement le critiquer mais partager aussi avec vous mon expérience émotionnellement parlant.



Bienvenue chez les Woodhouse's !



Dès les premières secondes de visionnages, on assiste à une vue aérienne de la ville de Manhattan sur un fond de musique... étrange !? Une voix de femme qui se contente de répéter quelques "La, La, La" en boucle. Elle a l'air triste celle là, mais bref passons à la suite.


Un couple, les Woodhouse's, décide de s'installer dans un appartement grandiose pour trois fois rien. Sans être un requin de l'immobilier, on arrive facilement à comprendre que le grand nombre d'anciens résidents fous à lier qui ont apparemment vécu par le passé dans l'immeuble doit avoir un rapport avec l'attractivité du loyer. Alors là si vous êtes quelqu'un qu'on ne trompe pas, vous pensez instantanément à ces histoires vues et revues où la famille Smith décide de bâtir sa maison sur un "vieux cimetière indien" parce que c'est moins cher... Oui c'est un peu le même délire c'est vrai... mais non ! Et encore une fois, si ça ne vous dérange pas, on va en rester là pour le coup. C'est du passé, ce qui nous intéresse c'est le présent.


On suit ensuite toutes les étapes de l'installation dans une nouvelle demeure avec ce couple, et principalement Madame Woodhouse (Rosemary de son prénom), qui se retrouve bien souvent seule à la maison. On fait la connaissance des voisins: un agréable couple de petits vieux, un peu collants mais bienveillants, ainsi que de leur femme à tout faire visiblement très contente de sa situation, qui dès le premier contact devient amie avec Rosemary. Premier contact oui, mais surtout dernier contact. La situation dérape dès le lendemain, cette dernière est retrouvée morte sur le bitume, ayant à priori mis fin à ses jours en descendant de l'immeuble sans passer ni par les escaliers, ni par l'ascenseur si vous voyez ce que je veux dire. Etrangement Papy et Mamie semblent peu affectés par la mort de leur domestique; ils ne sont peut-être pas très émotifs, qui sait ! Rosemary elle en revanche est très affectée par ce suicide, mais la vie continue pour elle, et les craintes s'estompent petit à petit...


Les Woordhouse's veulent un enfant depuis un moment maintenant. Quoi de mieux qu'être bien installés pour commencer à entrevoir sérieusement l'idée ! Néanmoins pas si évident que ça, leur vie sexuelle n'étant pas particulièrement au beau fixe. Un soir, alors que Rosemary est prise de vertiges inexpliqués, elle sombre dans un épouvantable cauchemar où elle est violée par le diable en personne. Au réveil elle apprend de son mari que ce dernier a profité de son état inconscient pour lui faire l'amour, ignorant son malaise passager. Quelques temps plus tard elle apprend qu'ils ont enfin réussi: elle est enceinte. Et c'est ainsi que les choses sérieuses vont commencer...



La peur c'est bien, le stress c'est mieux !



Est-ce que "Rosemary's Baby" est une oeuvre qui fait peur ? Pas vraiment, mais c'est bien pire que ça... A partir de la scène du cauchemar, et jusqu'à la toute dernière seconde du film, j'ai ressentis un profond malaise qui allait crescendo minute après minute... Cet élément constitue pour moi la plus grande force du film: Polanski donne ici naissance à une oeuvre dosée à la perfection émotionnellement parlant. On veut à tout prix connaître le fin mot de l'histoire même si il faut souffrir pour y parvenir. Là où le film est également très intelligent, c'est qu'on y découvre les aventures d'une femme, bien souvent éloignée de son mari, enceinte et par conséquent affaiblie et vulnérable, qui va sombrer tout doucement dans la paranoïa. On suit d'ailleurs cette histoire comme si on était à sa place, on ne connait rien ou que très peu de choses sur les agissements des autres personnes lorsqu'elles ne sont pas avec elle. Cette prise de position amplifie l'immersion dans l'oeuvre et fait qu'on partage les craintes, les peurs et les maux de Rosemary. Les personnages secondaires, qu'on avait appris à apprécier malgré leurs défauts, vont également finir par devenir tous plus menaçants les uns que les autres, et encore une fois autant pour Rosemary que pour nous. On commence à douter de la fiabilité de chacun d'entre eux... qui croire, qui suivre ?


On se retrouve totalement seuls nous aussi derrière notre écran.


La scène finale quant à elle est particulièrement infâme et clôture le film de manière magistrale, je ne vais volontairement rien vous dévoiler à ce propos pour éviter le spoil, même si je meurs d'envie d'en parler en détail. Sachez simplement que les dernières secondes sont accompagnées de la même musique que durant le générique au tout début du film, mais cette fois elle prend tout son sens. J'ai réellement eu un incontrôlable frisson dans le bas du dos en voyant de nouveau ces images froides et impersonnelles de la ville de Manhattan, l'écho de la voix triste, je peux l'affirmer maintenant, de cette femme qui chante ses peines dans les oreilles... Rien que d'y penser je me dis: quel film incroyable.



Le mot de la fin.



Je tenais également à rentre hommage à Mia Farrow qui incarne le personnage de Rosemary. Je l'ai trouvée tout simplement bouleversante, maîtrisant son rôle à la perfection. J'insiste encore la dessus, mais elle a réellement un don pour transmettre les émotions aux spectateurs, et est juste totalement parfaite pour le rôle. Le reste du casting est très efficace, je pense que je ne connaissais aucun des acteurs à vrai dire, ou alors je n'ai pas fait le rapprochement avec des films vus précédemment.


Roman Polanski est un grand nom du cinéma, il est malheureusement aussi connu pour ses films que pour ses dérapages (et encore c'est un euphémisme pour le coup...), mais on ne peut pas nier le fait qu'il a un talent incontestable pour donner vie à de réels chefs d'oeuvre.


"Rosemary's Baby" est un classique de l'horreur, le genre de film qui comme "Shining" ne m'aura clairement pas laissé indifférent, sa notoriété est fondée et si vous êtes amateurs de sensations fortes, alors n'attendez pas une seconde de plus pour filer voir cette fantastique virée démoniaque.

Psycox
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le 26 juin 2015

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Psycox

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