C'est Jeune et ça n'Sait Pas / C'est Vieux et ça n'Peux Plus

Après un reboot /remake au féminin un peu raté mais pas complétement pourri en 2016, ce S.O.S. Fantômes : L'Héritage est, trois décennies plus tard, la véritable suite aux deux films cultes (enfin surtout le premier) de Ivan Reitman sortis en 1984 et 1989, soit au siècle dernier. C'est au fiston Jason Reitman que revient la lourde tâche de resusciter la magie des premiers opus tout en gérant les attentes d'un public de fans souvent réfractaires par principe à ce que l'on touche à leurs œuvres fétiches et celles d'un studio qui ne cache pas vraiment qu'à l'heure des sagas cinématographiques il ne cracherait pas sur une nouvelle licence bien juteuse. Et petit miracle, ce S.O.S. Fantômes : L'Héritage parviendrai presque à convaincre tout le monde tout en conservant une forme d'intégrité et de distance qui fait plaisir à voir de la part de son réalisateur.


S.O.S. Fantômes : L'Héritage c'est donc l'histoire d'une mère de famille qui élève seule ses deux enfants et qui faute de revenues suffisants se retrouve contrainte d'emménager dans une vieille ferme paumée seul héritage de son père tout juste décédé . Les deux enfants et plus particulièrement la jeune Phoebe découvrent alors une maison remplie d'équipements étranges de la part d'un grand-père qu'ils n'ont jamais connu mais qui pourrait être un chasseur de fantômes.


Il y-a nul doute des héritages plus faciles à porter que d'autres et porter celui du Ghostbusters de 1984 quand on s'appelle Jason Reitman n'est pas le plus simple surtout quand vous arrivez après un reboot assez unanimement conspué, que vous avez des hordes de fans la bave aux lèvres et le couteau entre les dents qui vous attendant pour vous écharpez avec nuance mais en moins de 280 caractères sur Twitter et que vous devez gérer une vague nostalgeek qui a fait de la culture eighties une évidente et banale plus value commerciale. Jason Reitman semble être parfaitement conscient de tout ceci mais plutôt que de servir la soupe en cochant systématiquement les cases de la checklist des attentes, il a préféré tout digérer pour tenter d'en faire un film à la fois grand public et profondément intimiste et personnel. Ce S.O.S. Fantômes : L'Héritage ne ressemble pas au film de 1984, il ne ressemble pas au produit trop manufacturée et tendance de 2016 , il a su trouver sa propre identité celle d'une nostalgie à la fois joyeuse et mélancolique et celle d'un film qui adopte le temps du deuil, de la reconstruction et du souvenir.


S.O.S. Fantômes : L'Héritage évite le piège du fan film bas du front qui voudrait cracher à la face du spectateur un bon gros divertissement bourré de références, de coups de coude complices, de clins d'œil appuyés sur fond de bouilli numérique et de version techno du hit de Ray Parker Junior. Jason Reitman va choisir au contraire de prendre tout son temps, celui d'introduire ses personnages, d'installer son cadre champêtre en opposition au cadre urbain de New York, de lentement faire ressurgir les différents accessoires mythiques des chasseurs de fantômes, de faire monter crescendo la menace fantôme et d'installer son récit dans une thématique globale autour de justement l'héritage tant celui de ce grand père que celui de toute la pop culture des eighties et de Ghostbusters en particulier. Le film par le prisme de ses adolescents qui se découvrent un grand père scientifique farfelu et chasseur de fantômes s'interroge aussi sur la place du S.O.S. Fantômes originel dans le cœur et l'esprit des jeunes générations et bien plus encore que dans celui des adultes du film souvent bien trop critiques et qui condamnent parfois avant même de comprendre. J'ai beaucoup aimé à travers tout le film ce rapport très matériel et ludique aux objets cultes du film de 1984 , comment Jason Reitman souligne l'aspect massif, imposant, physique et palpable d'accessoires qui trop souvent deviennent dans le cinéma moderne des données numériques à la consistance impalpable. Au plaisir de s'amuser avec des vieux gadgets comme autant de jouets propre à nos fantasmes d'adultes s'ajoute la pesanteur de la matière et du temps , le canon à plasma semble peser une tonne, le piège à fantômes semble bien capricieux et l'Ecto-1 qui aura du mal à redémarrer est crasseuse et rouillé. Loin de l'inconsistante rutilance de gadgets numériques immatériels, on construit aussi notre nostalgie sur le souvenirs d'objets physiques qui même vieillots, lourds et rouillés ont une existence propre et une capacité à nous faire retourner vers l'enfance. Et je défie n'importe quel fan de S.O.S fantômes de ne pas envier les gosses de cet héritage lorsque Jason Reitman leur offre la possibilité de s'amuser avec ses jouets grandeur nature. Le rapport à l'objet vecteur de souvenirs et sésame vers l'enfance étant une constante de la culture geek.


J'ai aussi beaucoup apprécier le rythme interne et la mise en scène classique et posée de Jason Reitman qui rompt avec un certain moule de notre époque. Le réalisateur prend le temps de laisser vivre ses personnages, son récit et son intrigue et semble considérer que notre temps d'attention de spectateurs entre deux événement peut dépasser celui d'une publicité, et ça fait franchement du bien. Même si les personnages ne sont pas d'une grande richesse psychologique, qu'ils demeurent globalement assez clichés et que le film parvient à nous les rendre presque immédiatement sympathiques, cela n'empêche pas Jason Reitman de prendre tout son temps pour nous permettre de les découvrir, les apprivoiser et les aimer. Le casting est une vraie réussite avec Carrie Coon et Paul Rudd dans les rôles des adultes et surtout le quatuor Finn Wolfhard , Mckenna Grace , Logan Kim et Céleste O'Connor qui constitue la nouvelle bande improvisée de chasseurs de spectres même si les personnages plus adolescents de Trevor et Lucky semblent plus en retrait renforçant peut être encore cette idée que l'adhésion à la magie et au surnaturel est une affaire d'âme d'enfance. Le personnage de Phoebe (Mckenna Grace) est vraiment touchant dans son besoin de trouver sa place au sein de relations humaines et sociales difficiles et trouvant dans les souvenirs de ce grand père disparu une légitimité profonde à ses aspirations personnelles presque comme un héritage génétique. Même un peu cantonné dans la figure du personnage rigolo de service le jeune Podcast (Logan Kim) réussit à être drôle sans être lourd et touchant dans sa candeur naïve à l'aventure surnaturelle. La mise en scène de Reitman bien plus ancré vers l'esthétique et la dynamique des eighties que vers le sur découpage et la mode contemporaine permet elle aussi de poser son récit et de faire vivre autant son histoire que ses moments de bravoures. La première séquence de chasse au fantômes à bord de l'Ecto-1 reste à ce titre l'une des scènes les plus grisantes et les plus lisibles en matière de mise en scène vus dans un blockbuster récent.


Concernant son grand final qui ne sera sans doute pas aussi spectaculaire que pouvait l'espérer des spectateurs en quête d'orgie fantomatique et apocalyptique viendra encore plus resserrer les enjeux de ce S.O.S. Fantômes : L'Héritage sur ces personnages et ses enjeux dramatiques autour du deuil , de l'héritage et de la mémoire collective et individuel.


Je ne suis pas a priori très favorable au principe de faire revivre des acteurs de manière numérique à l'écran en tant que vecteur un peu facile et pratique d'émotion. Dans le cas présent j'ai envie d'y trouver l'indulgence d'une légitimité et d'une cohérence thématique, le film tout entier tournant autour du souvenir, de la transmission, de l'héritage et du deuil. Le climax du film qui fait revenir à l'écran le casting original ne pouvait pas se passer de la présence du spectre diffus de Harold Ramis et le regard ému de Bill Murray dont on connait les brouilles profondes avec le comédien et réalisateur disparu vaut à lui seul de regarder ce S.O.S. Fantômes : L'Héritage. Le climax supposé spectaculaire et grisant se transforme alors un peu en crépuscule mélancolique tant Jason Reitman semble nous montrer que le S.O.S Fantômes de 1984 n'est plus, qu'il n'en demeure que les souvenirs d'une époque qui ne pourra pas renaître sans occulter le poids et le travail inexorable du temps qui fait que Harold Ramis n'est plus là et que Bill Murray, Dan Aykroyd et Ernie Hudson n'ont plus l'âge de chasser les spectres engoncés dans des costumes devenus trop petits. Toute la notion d'héritage prendra alors peut être son sens dans cette dernière séquence dans laquelle une bienveillante vieille garde semble venir guider la main d'une nouvelle génération qui s'apprête à jouer avec l'attirail de chasseurs de fantômes pour de nouvelles aventures. Non S.OS. Fantômes ne sera plus jamais le Ghostbusters de 1984, les héros sont fatigués, ils ont pris du bide et des rides et si l'aventure doit continuer il faudra accepter qu'elle ne soit que le reflet de celles et ceux qui prendront sa nouvelle destinée en main. Plus qu'une simple suite, ce nouvel opus ressemble à un pont entre deux générations conscient tout à la fois d'un respect indéfectible à l'objet du culte nostalgique et la nécessité d'aller vers de nouveaux horizons. De toute évidence Sony semble vouloir relancer la franchise S.O.S. Fantômes comme l'atteste la séquence post générique mais Jason Reitman semble avoir quant à lui magnifiquement synthétiser toutes les craintes et les espoirs de cette perspective. Il va falloir avancer sans passer son temps à regarder dans le rétroviseur, mais il faut également que persiste l'esprit diffus des origines qui sont le cœur même de l'aventure. Même Jason Reitman qui a parfaitement réussi son pari d'équilibre entre esprit nostalgique et modernité, spectacle familiale et émotion intimiste n'a visiblement pas trouvé l'adhésion unanime des fans du Ghostbusters de 1984. Bon courage pour les suivants ...


S.O.S. Fantômes : L'Héritage est un joli film et une formidable œuvre de transition qui semble nous dire que ce qui appartient au passé ne sera plus mais qu'il existera pourtant toujours et que l'avenir doit se faire avec la bienveillance de ne pas saccager nos jouets et nos rêves d'enfants. On ne tient pas là le plus drôle ni le plus spectaculaire des Ghostbusters mais assurément l'un des plus intègre, sincère, mélancolique,lucide et émouvant.

freddyK
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le 16 déc. 2021

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Freddy K

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