Dans les deux cas, un sacrifice humain. Oui, une fois de plus j'ai décidé qu'il serait méprisable de parler d'une oeuvre sans lui avoir accordé la curiosité et l'attention. Comme lors de la polémique entourant Sound of Freedom, comme celle entourant Vaincre ou Mourir, j'ai souhaité voir, pour savoir, et ensuite avoir ce droit d'exprimer une perception qui soit vraiment la mienne. J'ai donc payé mon billet et je me suis assis sur ce fauteuil pour passer 1h30 à sentir le coeur brûlant du Christ tenter de me faire fondre la cervelle.
1h30 de reconstitutions plus ou moins bien jouées et inspirantes, depuis l'apparition mystérieuse du Christ à Sainte Marguerite-Marie et son méchant souffle au coeur dans la pénombre intrigante de sa chapelle, jusqu'à ce Christ séparant le petit pain à kebab Intermarché ou tremblotant sur la Croix, même après sa mort, car on se les gèle visiblement sur cette colline. Bon, au-delà de ce moment qui m'a fait pouffer discrètement, à l'image les reconstitutions sont plutôt jolies, avec comme dans le fameux Vaincre ou Mourir un manque criant de moyens plutôt bien balancé par l'audace de quelques cadrages astucieux (très serrés pour peu de décors et de figurants) ainsi que par un travail remarquable des couleurs et éclairages. Certains plans sont particulièrement impressionnants, il faut le reconnaître, témoignant d'une véritable volonté de taper dans l'oeil. 
Ces séquences d'illustration par la mise en scène de fiction côtoient des témoignages à la manière d'un documentaire d'entretiens. Le tout à travers une chronologie du récit un peu foutoir et sur lit de commentaires et d'explications théologiques franchement illuminées loin de convaincre le curieux d'une manifestation de la vérité. Ces commentaires ont bien plus le pouvoir de lui moudre la cervelle à coups de métaphores épuisantes et pour le non-croyant très libertaire (et donc curieux) que je suis, ce fut une épreuve, vraiment, de voir ce film. 
Les explications alambiquées quant aux apparitions qui ont marqué l'histoire, juxtaposées aux récits intimes de croyants d'aujourd'hui voulant témoigner du moment où eux aussi ont senti une présence, ne donnent vraiment pas le sentiment de faire face à un récit pensé pour convaincre celui ou celle qui est encore extérieur(e) à l'église et son dogme, mais plutôt pour raffermir la croyance des convaincus à coup sur éblouis par ce curieux prêche illuminé. 
Ceci dit le film semble néanmoins viser une autre population bien spécifique. Dans ce qu'il a de plus malsain à mon sens, pour pas dire d'inquiétant, il présente une poignée de convertis qui ont quasiment tous rencontré le Christ alors qu'ils traversaient une période de souffrance ou de doute existentiel. Perte d'un ou de plusieurs parents, maladie ou handicap, addiction et délinquance, insatisfaction personnelle.. Tous ou presque semblent avoir pu trouver le chemin vers la foi alors qu'ils avaient un genou à terre, peut-être même deux. Chez KTO Steven Gunnell reprend une expression et dit que c'est le meilleur moment pour prier, quand on a les deux genoux à terre. Et si cette idée peut éventuellement impressionner les spectateurs dans une situation similaire, qui ont une douleur, vivent dans une sorte de précarité sentimentale, chez ceux qui estiment se sentir plutôt bien sans avoir eu besoin de recourir à la religion, tout ceci peut apparaître comme une énorme tentative de prosélytisme fort sectaire, s'appuyant sur l'abus de faiblesse et la promesse d'un "mieux" une fois le coeur enflammé. 
En clair : tu es en souffrance, mais tu n'as pas encore compris que ta souffrance avait un sens, que Dieu te faisait vivre une épreuve afin que dans le désespoir, tu saches pousser la bonne porte, celle d'une église. Pour Steven et Sabrina Gunnell, les témoins aux passifs douloureux expriment donc cette découverte et ce changement face à la caméra : depuis la rencontre avec le Christ, la vie a un sens et ce sens, c'est en soi témoigner de son amour. A un moment vraiment, mon cerveau se liquéfiait face à l'explication de ce mécanisme, je me disais "Punaise, ils expliquent qu'ils vont mieux depuis qu'ils savent vendre ce qu'on leur a vendu. Et devenus représentants en commerce à leur tour, ils ont trouvé la sainteté, se sentent en mission, le voilà le sens qui manquait apparemment à leur vie".
Steven Gunnell lui-même lorsqu'il exprime comment il est venu à une foi si profonde explique dans certains entretiens (hors du film) qu'il n'allait pas bien, que rien ne marchait quand il tentait de rediriger lui-même sa vie et que face à l'épreuve il ne ressentait qu'aigreur et frustration, mais qu'à un moment il a dit "Ok Jesus, je te donne les commandes, à toi de jouer maintenant". Et miracle, lui et son épouse ont désormais trouvé le bonheur et le succès, en devenant producteurs-auteurs de films sur la sainteté, le charisme, le prêche, bref, sur le Christ et l'impact positif de la foi. Le sacré coeur, une sacrée mise en abyme. Le succès ou l'apaisement promis par l'engagement dans cette foi, finalement, s'illustre comme la conséquence logique d'une mise au service de l'entreprise chrétienne elle-même : je rejoins une communauté de dévots et entre dévots nous nous aimons, donc les dévots m'aiment, si je travaille bien je deviendrai carrément manager. 
Après tout les américains évangélistes créent des universités alternatives et religieuses dans lesquelles on enseigne "le leadership", soit les méthodes qui convertissent en "leader spirituel". Fichtre, c'est une pyramide de Ponzi le bidule nan ? En tous cas le film semble franchement fonctionner sur un principe similaire. Celui qui souffrait sait maintenant exploiter les marques de sa souffrance en expliquant qu'elles l'ont amené vers Dieu, et que depuis leur rencontre, il ne la sent même plus, il l'aime carrément. Sa souffrance, c'est Dieu qui l'a envoyé, une sorte d'itinéraire GPS.
Bref, c'est dingue, sincèrement je l'ai vécu comme ça ce film : une dinguerie, un tract, le prosélytisme à 150%. Du marketing d'hommes-sandwiches. S'il ne s'agissait que de raconter ce mécanisme ouvertement, dans toute sa complexité intellectuelle et avec un regard un minimum critique, j'admirerais sans doute l'opération. Mais ici rien de raisonnable dans le propos, tout est métaphore, dispersion de la réalité et témoignage d'une illumination tellement puissante qu'elle aveugle. Bénis soient mes parents, qui ne croyaient pas en Dieu et m'ont surtout transmis l'indépendance d'esprit, punaise ce film renforce l'amour que je leur porte. D'une certaine manière, je trouve une raison de lui être reconnaissant. Merci Sabrina, merci Steven.
Le coup de génie de ce genre de prosélytisme là c'est de parler d'amour, et du bonheur de ceux-là qui plongés dans l'eucharistie s'oublient eux-mêmes pour devenir les véhicules de l'histoire d'un autre, celle de Jesus. Difficile de critiquer l'entreprise elle-même sans être accusé de faire preuve de mépris ou de condescendance à l'égard des captifs, tant ils semblent sincèrement heureux de faire briller leurs chaînes. Dois-je les moquer et les secouer en espérant qu'ils changent ? Non, je ne pense pas. Qu'ils vivent leur foi comme ils l'entendent, tant qu'ils sont heureux, apaisés, humbles et altruistes, que pourrais-je trouver à y redire et dans quel but utile ? 
Mais qu'ils ne viennent pas me chercher dans l'épreuve, tels des témoins de Jéhovah décidant de leur tournée du jour en lisant la rubrique nécrologique. Et qu'ils ne s'attendent pas à me voir approuver cette démarche, portée dans ce film, qui consiste à cibler les tristes, les insatisfaits, les blessés, afin de leur vendre l'illumination qui passe par "la mise au service de". Impossible pour moi d'approuver ça. Si les croyants sont à l'image de ceux que l'on découvre ici, s'ils réclament que le Christ "change leur vie" en leur amenant l'illusion d'un amour basé sur le clonage, je ne saurai me retenir de les plaindre, je l'avoue, ayant le sentiment qu'ils se sont effacés, que c'est cela qui les soulage à travers le message paradoxal "il a prévu quelque chose de grand pour toi". Mais j'insiste, je ne chercherai pas à les en dissuader. Ce qui m'est intolérable d'une certaine manière, c'est de sentir qu'en soutenant un tel film, ces croyants voudraient pouvoir me changer moi. Et sans s'apercevoir, tant ils sont confortablement aveuglés, du fait que ce récit me fout plutôt la gerbe qu'autre chose. A coup sur, c'est le démon qui rédige cette critique à leurs yeux. 
A mes yeux à moi, ce film n'avait rien à faire dans une salle de cinéma digne du paradigme laïque et républicain, c'est mon ressenti. Il ne s'agit là que d'un tract, je le répète, d'une attaque sournoise et propagandiste qui semblera impressionnante aux yeux des impressionnables, et je ne suis pas convaincu qu'en y répondant mes frangins les humains en souffrance finissent réellement "sauvés", juste convertis en fusibles ou en rouages. Si cette vision du monde apaise, celle qui dit que les épreuves ont un sens et que seul le Très Haut le connait vraiment, elle amène visiblement vers une forme de passivité concrète, l'ascèse pousse vers la contemplation.
Dans un monde si troublé, et où des dirigeants multiplient les injustices comme des petits pains, je peine à croire que l'engagement en faveur du Christ et de son message supposé ici soit un chemin salvateur, finalement c'est vers l'obéissance passive qu'il entraîne, le seul engagement suscité devenant celui d'un rabatteur. "Joins toi à moi mon cher ami, dans la vénération du Sacré Coeur, laisse-le brûler le tien, et tu enflammeras alors le monde". Mouais, copain, par pitié, mets toi la tête dans les nuages librement, va dans le chemin du Christ et tout, c'est cool, si ça te fait du bien. Je t'aime moi aussi, mais fous moi la paix, pour l'amour de dieu. Mon ami, j'en suis navré, je ne te suivrai pas dans ton illumination, car j'ai déjà trouvé mon chemin, ma croyance, mon apaisement. Que tu puisses croire en autre chose que moi ne me pose aucun problème. Ce qui me dérange c'est que dans l'étalage que tu soutiens, je ressens ta frustration : tu serais plus heureux encore si j'acceptais de gober et de véhiculer les mêmes symboliques que toi. Non ? Alors à quoi bon ce film ? "En vérité je vous le dis", ce film est loin de me réconcilier avec Dieu. 
Allons en paix, je sais que votre croyance vous permettra de prendre ce texte avec détachement, car le Christ est avec vous et il vous apaise, vous le sentez près de vous le copain. Moi, il m'a mis là pour vous mettre à l'épreuve (hin-hin, rire du malin). Après tout le film le souligne en conclusion, l'amour divin est une relation privilégiée, il ne peut sans doute pas s'établir entre tous, du moment que vous savez entretenir la flamme envers Jesus et que celui-ci vous le rend... votre contentement me satisfait. Tant que vous tolérez que ma propre vie me convienne et ne s'accomplisse pas dans l'évangélisation et tant que ce que vous cherchez n'est pas un désespéré qui puisse vous servir de faire-valoir en venant pleurer dans le creux de votre épaule...