Salo ou les 120 journées de Sodome est l’Everest du cinéphile, et un immense doigt d’honneur aux critiques de tout genre. Comment trouver de la beauté à l’insoutenable ? Quel plaisir dans le masochisme ? Pourquoi aller si loin, s’infliger un film si dégueu ? Justement. Par amour du trash ou du cinéma ? Pas seulement. Le film va au-delà, imposant au spectateur hasardeux de réfléchir à sa condition de voyeur. Qui assume ?


En ôtant le côté trash et glauque du film, en étant suffisamment à l’aise avec ses vices pour pouvoir le finir, le comique prend le pas sur l’horreur. Le rideau est levé ; les bourgeois fascistes ne sont en réalité que des êtres ridicules qui s’ennuient. Salo a deux vitesses : critiquer le fascisme, dégoûter le spectateur. Une sorte d’expérience de Milgram inversée.


Le compte à rebours est lancé ; à quel vice s’arrêter ? La mécanique est froide. Il y a comme chez Dante, un passage à travers des cercles de vices et de sévices pour un crescendo vers l’horreur. Il y a comme chez Sade, la froideur du plaisir dans les atrocités infligées. Le film s’arrête alors. Il aurait pu durer à l’infini, deux heures intenses suffisent à la démonstration. Reste plus grand monde dans le deuxième cercle…


La grande force de Salo est qu’il ne se prend pas au sérieux. Il devient dangereux dans le cas contraire. Il ne faut pas oublier qu’un film reste un film, et que chacun est libre de choisir la séance. La liberté d’expression prévaut sur la morale, aux gens de faire la différence. Salo a la force d’être un extrême de l’éventail du cinéphile, où la surenchère du dégoût est un procédé mené intelligemment pour faire décrocher le spectateur sans aucune récompense morale à la fin. Salo est drôle, ridicule, et désespérant dans le marchandage de l’humanité. Le défi qu’il représente est justifié. Le finir est une performance individuelle.

Lufia
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le 2 sept. 2016

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