Pasolini est mort avant d’avoir pu conclure sa trilogie et je crois que c’est pour le bien de notre santé mentale.
Sérieusement, c’est terrifiant que l’esprit de quelqu’un ait pu penser à faire ce film mais aussi de l’avoir réalisé d’une telle façon. C’est cru, gore et extrêmement visuel. À chaque nouvelle « histoire » on se dit « non il va pas oser nous montrer ça » et si, il le montre, Pasolini n’a AUCUNE limite dans ce film, toutes les pires crasses imaginables sont montrées à l’écran et encore on a même pas le film complet. Et en vrai ça dépasse complètement les limites du cinéma, l’irreprésentable représenté au nom de l’art. Je pense que ce sont des choses nécessaires au développement d’un art, ça pose la question : jusqu’où pouvons nous aller ?
C’est très pasolinien de faire une critique acerbe de la bourgeoisie et du règne de l’argent. Parce que Pasolini c’est quand même Jesus marxiste. Peut-être que Salò atteint des sommets : les riches, les puissants, les bourgeois, les despotes peuvent dans la société marchande à laquelle ils sont à la tête tout se permettre. Une appropriation du corps d’autrui pour assouvir ses désirs les plus extrêmes, eux-mêmes créés par leur position de pouvoir où tout leur semble acquis. La communauté des dominants s’amuse à dominer et à posséder l’autre, le traite comme une marchandise à consommer.
Quant au film lui-même, j’entends par là la manière dont il est filmé, on voit que Pasolini n’en à rien à faire de la subtilité. Bien qu’il arrive d’abord à nous faire comprendre à travers des sous-entendus, des dispositions, de l’insistance ce qui va se passer, quand ça se passe c’est frontal. L’action est dans le champ, on est directement spectateurs des ignominies et rien n’est édulcoré. C’est la raison pour laquelle le film est si dur, on doit faire face à l’action, on ne peut pas s’en détourné autrement qu’en quittant le film, Pasolini nous séquestre dans sa chambre de torture de la même manière que les victimes sont enfermées. On ressent le sentiment de ces victimes, leur détresse, désespoir, terreur et surtout leur souffrance, la souffrance d’être humiliés, piétinés, violés.
Une des choses les plus dérangeantes est, je trouve, le point de vu unique que prend Pasolini. Ne sont montrés que les violeurs et les scènes de tortures, on ne prend jamais le point de vue des victimes. On prend dès lors conscience de leur position, d’à quoi ils sont ramenés et d’à quel point ils sont déshumanisés, ils sont des « choses » qui ne sont là que pour combler la soif de leurs tortionnaires.
Pas forcément envie de beaucoup épiloguer sur ce film mais il faut le dire : si l’objectif de Pasolini était de faire un film dérangeant (qui doute que ça le soit mdr) il nous à sûrement servis une des choses les plus dérangeantes qu’on ne verra jamais. C’est là le grand génie de Pasolini, réaliser des projets qui paraissent complètement irréalisables (j’imagine la tête du producteur la première fois qu’il a entendu que Pasolini voulait filmer Jesus marxiste puis une histoire de viols en série) et le faire avec une effroyable justesse.