Samson and Delilah (Cecil B. de Mille, U.S.A, 1949, 2h14)

Souvent associé à l’Épique Biblique, Cecil B. de Mille a en effet énormément contribué à définir l’imagerie du genre, et même au-delà celle du Péplum. Cette production de 1949 s‘avère ainsi des plus hybrides, oscillant dans un entre deux laissant parfois oublier la dimension biblique de son propos. Égarée par le fil rouge qu’est la relation d’amour/haine entre l’Hébreu Samson, et la Philistine Delilah. Cette dernière ayant décidé de jeter son dévolu coûte que coûte sur lui.


Naziréat depuis le ventre de sa mère, Samson ne s’est jamais coupé les cheveux, dans lesquels réside toute sa puissance surhumaine. Il ne boit également aucun alcool, en homme droit et moral, et s’évertue à mener une existence saine, bercée par les enseignements du Seigneur. Guerrier légendaire, il est responsable de la mort de pas mal de monde. Ce qui est dans cette production, bien entendu, peu évoqué.


Mêlant astucieusement récit biblique, Péplum, et histoire d’amour, ‘’Samson and Delilah’’ est une œuvre plutôt banale pour l’époque. Avec peu de fulgurances et une mise en scène classique, voir un petit peu effacée, pour conter une histoire assez peu passionnante. Les tribulations amoureuses de Samson et Delilah sont dans l’ensemble inintéressantes, ralentissant beaucoup le métrage.


À part cela, picturalement le film est assez beau, il est vrai. Une réussite visuelle permise par des décors offrant l’ampleur nécessaire à la mise en scène. Mais ça ne suffit pas à convaincre totalement, car l’ensemble sonne tout de même un peu faux. Comme le trahissent de temps en temps des décors un peu carton-pâte. Il est de plus difficile d’accrocher à un récit réduit à la vie sentimentale d’un homme, qui dans la Bible doit sa renommée au fait d’avoir tué un lion à mains nues, et responsable de la mort de milliers de Philistins.


Si la bagarre avec le lion est présente, la nature sauvage de Samson est grandement atténuée. Correspondant mieux au héros vertueux du Hollywood de l’après Seconde Guerre mondiale, par une scrupuleuse application du Code Hayes. Il est amusant de repérer les séquences susceptibles de tomber sous le coup de la censure, et qui évitent de justesse de montrer tel, ou tel point interdit.


Gros baraque, interprété par Victor Mature, qui souffrira de cette image par la suite, il veut sans cesse casser du Philistin, sans que sa personnalité ne soit vraiment plus nuancée. Il a en face de lui Delilah, dont Hedy Lamarr offre une prestation tout en espièglerie, sombrant malheureusement trop vite dans le cliché de la Femme Fatale. Sans raisons, ni intérêts bien définis, elle passe son temps à trahir ce pauvre Samson.


Si la dernière séquence vient rappeler que Cecil B. de Mille était un cinéaste avec une vision indéniable, c’est un peu maigre pour en apprécier la totalité du métrage. Pas forcément mauvais, il y a des Péplum bien plus nanardesques, c’est juste décevant que jamais le sujet ne soit exploré davantage, passant à côté du récit biblique. Les réflexions permises par les versets concernant Samson, dans le Livre des Juges du chapitre 13 : 1 au chapitre 16 : 31, passent ainsi à la trappe, pour ne se concentrer que sur l’idylle entre les deux amants. Passant sur cette force de la nature qu’est Samson, et sa véritable vendetta livrée contre les Philistins.


Ainsi est donc omis une séquence de bravoure où Samson, armé d’une mâchoire d’âne, tue 1000 Philistins, en œuvrant dans le sonore et le dégueulasse. Ou encore ce passage, où dans la Bible il tue trente Philistins pour leurs prendre leurs toges, afin d’honorer une dette. Dans le film il les vole juste, lors d’une scène plus comique qu’autre chose. Production de 1949 oblige, il n’était sans doute pas possible de pouvoir explorer plus en détails le récit biblique pour en ressortir ce qu’il peut avoir de plus brutal et fascinant.


Vision biblique complétement aseptisée, rendant inoffensive les réflexions sur la colère, la difficulté de se contrôler face à l’injustice et le tempérament houleux de Samson, qui pour un rien peut se mettre à tuer des centaines (voir des milliers) de personnes, il demeure au final un Samson assimilé à un gros nounours à la botte de Delilah la manipulatrice. Délivrant au passage une très belle image de la femme.


Elles sont dans ce film des tentatrices, manipulatrices, menteuses, ce qui justifie qu’elles n’ont aucune liberté. Elles sont dangereuses. C’est pourquoi le roi décide avec qui il marie ses filles, qui n’ont pas vraiment leurs mots à dire. Elles doivent rester à leurs places. Quand elles ne le font pas, c’est le drame qui couve. Comme lorsque Delilah vend Samson aux Philistins, une réaction en chaîne s’enclenche, se dirigeant droit vers la tragédie.


Peut-être est-ce le temps qui fait que ‘’Samson and Delilah’’ ait perdu autant son intérêt. Même si encore une fois, visuellement, et comme Péplum, il tient la route. C’est dans son récit principal faiblard, pour une œuvre se voulant épique, que le bas-blesse. Trop ancrée dans les années 1940, et devenu absolument désuèt et inoffensive.


S’il est possible de percevoir chez les Philistins la représentation s’une société décadente, qui se perd dans le luxe et le faste, ça ne semble pas transcender ce qui se trouve dans la Bible. Il est sans doute possible de dresser des parallèles avec l’Amérique des années ‘40, mais ce n’est pas du tout centrale, comme dans ‘’The Ten Commandments’’. Le manque évident de profondeurs ne fait du film pas beaucoup plus qu’un gentil blockbuster divertissant.


Sans être mauvais pour autant, et sans doute au-dessus de la production de l’époque, grâce à un réalisateur qui sait ce qu’il fait, et des comédiens investis, ce qui manque c’est de l’envergure. Ainsi qu’un véritable point d’accroche pour rendre l’ensemble plus passionnant. En essayant de ne pas s’arrêter à la simple romance, qui tout biblique soit-elle, en débarrasse tout l’épique.


Le métrage ne laisse que peu d’enjeux, situés entre la libération d’un peuple et sa lutte pour s’élever au-delà de sa condition, afin d’aspirer à mieux, comme la création d’un royaume. Sur comment un peuple nomade, fraîchement libéré de sa condition d’esclave, est capable de prendre son destin en main. Samson étant l’un des Juges d’Israël, un chef militaire combattant pour la conquête du pays de Canaan, convoité par les Hébreux et promis par Dieu, c’est un personnage présenté par la Bible comme un héros. Or, toute cette dimension est absente du film.


Sans plus, ‘’Samson and Delilah’’ est une œuvre accusant le poids des années, se montrant aujourd’hui assez rétro, ratant le coche du récit universel pour se fourvoyer dans une fade bluette, autour de laquelle se construit tout le récit. Pour les amateurs de Péplum ça reste cependant sympathique à regarder. Et surtout, le film témoigne d’une période de flottement dans un Hollywood à la veille d’une grande transition. Alors que les pionniers commencent à rendre l’âme, et qu’une nouvelle génération de cinéastes arrivent...


-Stork._

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le 27 avr. 2020

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