En anglais « A Quiet Place », titre du film en v.o., signifie un endroit silencieux dans le sens premier que cette série de films entend lui donner. Il faut en effet être aussi peu bruyant qu’un souriceau pour ne pas attirer des créatures extra-terrestres échouées sur Terre qui vous faucheront avec leurs lames de rasoirs aiguisées comme des dents de requins.


Dans un second sens cela peut aussi signifier un endroit paisible comme par exemple la salle de cinéma, nouvellement réouverte, qui m’a accueilli après de longs mois de dépravations filmiques.


Dès lors, et c’est ce qui ressort en partie de ce Sans un bruit 2, nos personnages seront ballottés entre cet endroit où il faut être bien silencieux et cet endroit plus paisible qui se matérialisera le temps d’une soirée au coin du feu à un moment du film. Si d’un côté de ce mot il y a donc un impératif de survie enserrant chaque instant, il y a de l’autre une aspiration à la tranquillité en horizon futur.


C’est dans cette ambivalence, qui peut faire écho chez certains spectateurs dans les temps que nous vivons, que John Krasinski noue l’histoire de sa suite. Une ambivalence en grands écarts qui nous balloteront, nous, du temps présent des événements jusqu’au tout premier jour de cette quasi-apocalypse bestiale. Cette ambivalence rejoue aussi son motif dual dans des montages alternés tendus qui nous télescopent entre les deux petits groupes que formeront la famille survivante pour des raisons propres aux enjeux du film et qu’il ne s’agit pas de dévoiler inutilement.


Les rebondissements prennent souvent appui sur les détails de l’environnement (une serviette, une bouteille d’oxygène dans le rouge, une fuite d’eau, une porte coincée, un bateau hostile à la dérive dans le coin d’une large prise de vue, etc). Le film adopte ainsi une démarche d’amorçage visuel des péripéties en s’attardant sur tous ces éléments au détour de nombreux plans particuliers. Démarche qui n’est certes pas nouvelle, mais très à propos avec le thème du silence censé aiguiser les autres sens dont celui de la vue. En singeant ainsi chez le spectateur la sensation d’être observateur, le film, bien que cela reste surtout dans une dimension ludique, permet de dépasser d’un cheveu la conscience situationnelle des personnages pris dans le feu de l’action pour appréhender avec un peu plus d’ampleur et de recul la violence et le désespoir desdites situations.


Il n’est cependant pas forcément question d’un film sensoriel, ni même exceptionnel mais qui, en tant que premier film revu en salle, donne un grand plaisir de par sa cohérence scénaristique, la simplicité efficace de ses personnages et l’expansion d’un univers évidemment pensé et dévoilé selon la plus vieille recette des franchises mais qui a le don de nourrir l’intérêt. Il y a également certaines textures photographiques et certains motifs en clins d’œils involontaires qui m’ont rappelé The Last of Us I et II (un bateau échoué sur une plage, une île, une apocalypse qui prend de court une petite ville américaine, une blessure qui cloue au sol etc) sans pouvoir en suivre évidemment la profondeur des protagonistes (le film ayant l’atout d’être court) ni même les thèmes abordés par ce dyptique vidéoludique.


Bref, revenir au cinéma sans chambardement, sans grand spectacle indolent et creux, presque sans un bruit, voilà ce que ce film peut apporter si vous n’avez pas encore franchi le pas. Il m’a aussi fait penser que si les plus "mauvais" films que je pouvais voir au cinéma étaient de cet acabit alors ce serait pas trop mal. Il s’agit donc peut-être désormais de bien choisir, plutôt que de se ruer à tort et à travers à la moindre séance proposée, pour essayer de tendre ainsi vers « a quiet cinephilia » (dans le second sens du terme !) et éviter la cinéphagie aiguë qui nous tend les bras.

-Thomas-
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le 30 mai 2021

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Vagabond

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