La première chose qui frappe en regardant Sátántangó, c'est son rythme : incroyablement lent.
Béla Tarr utilise le temps comme un outil pour nous immerger dans l’atmosphère du film. Chaque plan est long, les scènes s’étendent sur de longues minutes, parfois des dizaines de minutes, créant un effet de flottement. Le spectateur est invité à s'immerger dans cet univers sans hâte, sans artifice, et à accepter le rythme contemplatif du film.
Le temps devient presque palpable, oppressant. Les personnages semblent prisonniers de leur existence, lents à se mouvoir, à évoluer. Cela renforce le sentiment d’enfermement et de stagnation qui caractérise le film.
Le film est divisé en 12 chapitres, chacun d'eux étant lié à une scène de longue durée. Cette structure éclatée, presque comme une mosaïque, est l’un des aspects les plus fascinants du film. En effet, chaque chapitre semble avoir sa propre logique, mais l’ensemble finit par se recomposer lentement en une histoire plus large. Il raconte les drames et les luttes de plusieurs habitants d’un village hongrois en déclin, dont la vie est marquée par la misère, la trahison et la perte de sens.
L’intrigue, bien que dense et complexe, tourne autour de l’histoire d’un groupe de villageois qui, après la chute de l’ancienne dictature, vivent dans un état de désillusion profonde. Ils sont sous l'emprise de l’homme mystérieux et manipulateur, Irimiás, qui promet de les emmener vers une vie meilleure mais dont les intentions sont ambiguës, voire malveillantes.
Le film, à travers ses personnages, interroge sur la condition humaine, la moralité et la corruption. Tous les personnages sont pris dans une spirale de désespoir.
Ce qui est frappant, c’est la façon dont Tarr explore la décadence morale des individus et des communautés. Le village, où l'histoire prend place, devient un microcosme de l'âme humaine, un lieu clos où les espoirs sont déçus, les ambitions avortées, et où l’avenir semble se jouer entre les mains des puissances les plus sombres de l'humanité. Les personnages semblent pris dans des cercles vicieux, incapables de briser la malédiction du passé.
Le tout renforcé par la photographie en noir et blanc donnant une beauté âpre et glaciale, où les paysages sont aussi déprimants que les personnages qui les peuplent.
Pour finir, je dirais que Satántangó est un film difficile par sa lenteur et son austérité qui sont pourtant ces atouts majeurs.
C’est un film qui demande du temps, de la patience et une ouverture d’esprit.
J'ai aimé me perdre dans sa longueur et dans ses longues pauses.