Satyricon
6.8
Satyricon

Film de Federico Fellini (1969)

Fellini avait décrit son sublime "Casanova" comme une transposition de "La Dolce Vita" au XVIIIème siècle. On peut sans doute voir "Satyricon" de la même façon : "La Dolce Vita" transposée dans l'Antiquité romaine. Après tout, qu'importe l'époque : ces sociétés renfermées sur elles-mêmes, livrées à une futile recherche du plaisir - ou plutôt à une fuite de l'Ennui - que nous dépeint le Maestro dans ces trois films ont beau être situées dans trois contextes historiques différents, elles restent les mêmes. Faisant fi de tout discours politique, Fellini s'en prend directement à la nature humaine et en fait une satire des plus amères.

Une fois de plus, le réalisateur utilise la même structure narrative, qui caractérise si bien son oeuvre : c'est-à-dire une structure quasi-inexistante, éclatée, où chaque scène semble perdue dans un chaos narritif, et dont la grandiloquence serait comme une négation désespérée de l'insignifiance des êtres qui s'y meuvent. On y suit - entre autres - les divagations du jeune citoyen romain Encolpe recherchant, à l'instar du monde qui l'entoure, la jouissance par tous les moyens. Le film n'aboutira toutefois à rien, ne débouchant sur aucune finalité - du moins dans le sens classique du terme.
Car la conclusion présente un intérêt majeur pour une éventuelle lecture du film : il s'agit d'une "simple" séance de cannibalisme (on notera que cette scène ne surprendra pas tellement, après tout ce que le spectateur aura vu avant ...), qui renvoie une fois de plus inévitablement à cette recherche du plaisir : recherche qui mènera finalement à une véritable réïfication de l'Autre, au simple désir de posséder. Cette basesse, ce niveau d'humanité proche de zéro - pour qui toutefois continue de croire un tant soit peu en l'Homme - fait encore une fois ressortir la vision pessimiste qu'a le cinéaste de la nature humaine (Pasolini ira encore plus loin dans cette optique, réalisant le film ultime sur le sujet).

Visuellement, "Satyricon" reste sans doute l'opus fellinien qui, par ses excès géniaux et ses plans d'une ampleur parfois picturale, impressionne le plus. Il est également intéressant de constater que quand le cinéaste filme la Rome antique, elle est déjà en ruines ; comme si tout le spectacle grotesque et stupéfiant livré au regard du spectateur hantait encore aujourd'hui ses décombres - conférant presque au film une dimension spectrale.

Créée

le 17 mars 2013

Critique lue 1K fois

4 j'aime

Trelkovsky-

Écrit par

Critique lue 1K fois

4

D'autres avis sur Satyricon

Satyricon
Docteur_Jivago
4

La décadence humaine

Quelques œuvres sont assez difficiles à appréhender, on se demande ce qu'a voulu mettre en scène l'auteur, ce qu'il avait réellement derrière la tête lorsqu'il a décidé de filmer cela et donc,...

le 28 mai 2017

16 j'aime

8

Satyricon
Thaddeus
10

Les conquérants de la planète mère

L’homme est une planète inconnue. Le temps en est une autre. Lorsque le grand manitou du cinéma italien qualifie son Satyricon d’ouvrage de science-fiction, c’est à ce recul de l’esprit qu’il fait...

le 18 déc. 2023

15 j'aime

1

Satyricon
Brock_Landers
10

Une galaxie morbide et onirique

Avec Satyricon, Fellini poursuit l'entreprise d'émancipation commencée avec la Dolce Vita, il se libère de tout cadre scénaristique, esthétique et moral pour laisser place à une imagination...

le 23 nov. 2013

9 j'aime

1

Du même critique

Pornography
Trelkovsky-
10

Idées noires

Entre 1980 et 1982, le parcours des Cure s'est avéré être d'une cohérence totale : après avoir mis en place une pop introspective extrêmement fine avec Seventeen Seconds, le son curien semble...

le 30 déc. 2013

36 j'aime

4

Django Unchained
Trelkovsky-
5

À tout vouloir justifier ... (spoilers)

Depuis quelques films déjà, Tarantino a comme un besoin de légitimer la violence qu'il filme. Bien sûr, dans les grandiloquents « Kill Bill », l'histoire de vengeance n'était qu'un simple...

le 26 mai 2013

33 j'aime

7

Le Tableau
Trelkovsky-
3

Pour être comme tout le monde ...

Dès le début, le film affiche clairement son postulat : les pauvres gentils et les méchants riches. Dès le début, le réalisateur/moralisateur lance un propos très édifiant à son jeune spectateur :...

le 15 janv. 2012

28 j'aime

4