Petite histoire d'un chien héros

Rescued by Rover est un court-métrage de Lewin Fitzhamon et Cecil Hepworth. Il fut réalisé en 1905, à une époque où les films commencent à s’allonger et les récits à se complexifier. L’originalité de celui-ci est de mettre en scène un chien héros, l’ancêtre des Croc-blanc, Lassie, Benjie et compagnie.

Une mendiante, à qui la nourrice d’un jeune enfant refuse de donner de l’argent, se venge en enlevant l’enfant. La nourrice revient éplorée chez les parents. Le chien de la famille s’élance alors à toutes pattes, traverse vaillamment la rivière, visite les maisons et trouve l’enfant près de la mendiante. Il repart en sens inverse et par son comportement fait comprendre au père qu’il doit le suivre. Il le conduit jusqu’à l’enfant et tout se termine dans un joyeux happy-end familial auquel participe le chien.

On peut regretter que ce film sert le cliché du pauvre, voleur d’enfant. Sans compter, que bien sûr, la mendiante picole dans sa chambre. D’ailleurs, elle se console vite avec sa bouteille quand le père vient reprendre l’enfant. Image bien méprisante des « pauvres »… On retrouvera ce genre de cliché quelques années plus tard dans Les aventures de Dollie (1908) où cette fois-ci, c’est un gitan qui vole une petite fille pour se venger des parents qui n’ont rien voulu lui acheter. On le retrouve encore dans ce film que m'a signalé Pierre Amo: Suspens (1913) dans lequel le voleur est un vagabond. Ces films, en plus de nous faire découvrir les premiers pas du cinéma, sont une fenêtre sur la mentalité de ces générations pas si éloignées de nous.

Mais à l’époque ce type de représentation ne choquait personne, elle était conforme à la mentalité ambiante et cette histoire a rencontré un grand succès. En ces années, les copies positives projetées en public étaient tirées directement à partir du négatif original du film. Mais pour Rescued by Rover, la demande fut tellement forte et les outils étaient tellement rudimentaires qu’à partir de la 10e copie, le négatif fut abîmé au point de devenir inexploitable. Le réalisateur fut alors obligé de tourner de nouveau le film ! Les réalisateurs prirent donc par la suite l’habitude de tourner systématiquement avec deux caméras pour obtenir d’emblée deux négatifs originaux quasi identiques.