Pour toi, Ladylight :



Après s'être introduit au milieu du flair policier avec l'Affaire SK1, Tellier renoue avec le sens du service et de l'abnégation en plaçant sa caméra au milieu d'une caserne des sapeurs-pompiers de Paris, liés par la Fraternité.


Courage, loyauté, détermination, bravoure pourraient être les maîtres mots de ces soldats du feu, entraînés à « la dure » pour faire face aux situations les plus délicates. Ainsi suit-on le modeste parcours de Franck (Pierre Niney), qui pourrait tout aussi bien être calqué sur le schéma du couple banal et grotesque, dont la vie est réglée comme du papier à musique.
La première demi-heure est intelligemment conçue pour assurer la suite de l’œuvre. On suit avec attention l’élévation et la gradation de Franck au sein de la caserne où il devient chef des opérations incendies, pour mieux amplifier la chute au tournant : Le feu, ça brûle.


Après une opération plus que risquée pour éviter la propagation d'un feu d'entrepôt, Franck vacille, et tombe. Inextinguible douleur qui carbonise non seulement son corps mais également l'entièreté de ses rêves. Du jour au lendemain, Franck s'affranchit de son uniforme de pompier et endosse l'habit du carbonisé. Véritable mutation du protagoniste, devenu momie infirme, presque incapable d'assurer lui-même sa propre alimentation.
Le propos du réalisateur se perd d'ailleurs ici. On assiste par la suite à un développement extrême du « pathos » suintant sans concession. Les soldats du feu rejoignent l'arrière-plan et ne forment plus qu'une haie d'honneur au moral de Franck, emprisonné dans son sweat-capuche, qui tourné sur lui-même, balbutie des galimatias inaudibles.


Rééducation physique draconienne, survie sociale anéantie dès lors qu'il prend conscience qu'un minuscule détail peut changer une vie entière. Que veut dire Tellier ? Que la vie est dure et qu'il faut s'accrocher ? Que l'apparence tient un rôle prépondérant dans nos relations sociales ? Pourquoi avoir besoin d'un accidenté et d'un film sur les pompiers pour nous le faire comprendre ?
Autant de questions qui resteront sans réponse tout le long de l'oeuvre.
Bien sûr, l'estampille « inspiré d'une histoire vraie » a tendance à provoquer notre système lacrymal plus que nécessaire, d'autant plus que la carte de l'émotion embrase tout le reste. Comment pourrait-on saborder l'humanité dont veut faire preuve Tellier qui nous pointe du doigt et nous dit : « Attention, tout peut arriver. » En effet, les contingences de la vie nous tiennent en respect.


Pour les plus sensibles, la sauce prendra. Pierre Niney assure bien le rôle, sans aucun problème. Il remplit le contrat de l'homme meurtri, torturé par le fardeau que représente désormais son visage pour les autres. Aucune originalité pour le reste. La famille n'évolue pas. Aucun développement des personnages secondaires. Demoustier est invisible et décevante. L'infirmier et son personnel médical ne sont là que pour glorifier la souffrance incommensurable, flamboyante même, dont Franck ne peut s'échapper.


Finalement, il ne s'agit pas d'un film sur les pompiers. Il s'agit d'un film sur le combat d'une vie. Un film sur la renaissance. La renaissance pyrrhique d'un homme consumé par son propre reflet.

Pripiat
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le 14 oct. 2019

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Pripiat

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