Ce troisième opus surfe constamment sur le principe du no rules déployé par Randy (tué dans Scream 2) par l’intermédiaire d’une cassette testament dans laquelle il explique que si un troisième volet ne prend pas l’apparence d’une suite quelconque, comme une nouvelle manière de concevoir les meurtres, c’est qu’il existe pour faire table rase des précédents, revenir aux origines, citant Le retour du Jedi ou Le Parrain. Oubliez vos certitudes quant aux dénouements des premiers Scream, celui-ci révèlera enfin le vrai mystère autour de la mort de Maureen Prescott, mère de Sidney, et de tous les meurtres que cela a engendré à Woodsboro, c’est ce que semble nous dire Randy et donc Scream 3. Jamais une mise en abyme du cinéma bis (pas même dans Scream 2, déjà bien gratiné) à travers de multiples moyens n’avait été aussi importante.


 Ainsi, il y a déjà quelque chose de formidable dans cette suite, c’est l’utilisation du film dans le film, que Scream 2 avait déjà commencé à proposer. Quand le spectateur voyait Scream 2, les spectateurs dans le film voyaient Stab, soit la parfaite adaptation des meurtres perpétués à Woodsboro, donc exactement ce que l’on a vu dans Scream. Il était d’ailleurs passionnant de revoir certaines séquences que l’on avait déjà vues dans le vrai Scream, tournées avec des acteurs évidemment différents. Scream 3 aurait pu rester dans cette voie, laborieusement : Quand dans la scène d’ouverture, Cotton Weary rentre chez lui, secoué par le tueur qui avoue y être, il se faufile à fond la caisse entre les files de véhicules et l’on peut distinguer un bus arborant l’affiche de Stab 2, on se dit alors que l’on retrouve une logique similaire au précédent. Pourtant il va bien plus loin. Pas de Stab 2, il a déjà eu lieu, on n’en verra pas la couleur (Si ce n’est donc cette pub pour sa probable sortie DVD)  mais l’on se doute qu’il reprend sensiblement la tragédie de Scream 2, seconde salve de meurtres à Woodsboro, revendiquée entre autres par cette fausse journaliste, qui vengeait la mort du tueur du premier volet, à savoir Billy Loomis, son propre fils.
Et bien non, Dans Scream 3 on est déjà en train de tourner l’opus suivant : Une affiche apparaît sur la devanture du studio de tournage : Stab 3, Now in production. La franchise Scream s’est trouvé un nouvel élan puisque sur quoi s’appuyait la franchise Stab dans le film, à savoir ce que nous spectateur avions déjà eu le droit de voir, a totalement disparu, étant donné que la franchise Stab a devancé la franchise Scream. C’est déjà très fort. Mais ce n’est pas tout : Il se trouve que les véritables meurtres de ce Scream 3 reprennent l’ordre exact du scénario de celui de Stab 3. On est donc dans un processus inversé : C’est la réalité qui imite la fiction. Au début ça se tient, on croit que le tueur et donc le film va bêtement se caler sur un précis de scénario, puis ça semble dérailler petit à petit, tandis que le meurtrier le réécrit lui-même, ici durant un coup de téléphone, là par fax, tout en disséminant d’étranges photos de Maureen Prescott aux côtés de chacune de ses victimes. Du coup, le film semble évoluer en permanence, se construire tout seul. Je suis bien obligé de rendre compte de l’identité du meurtrier de ce troisième volet pour poursuivre mon analyse, meurtrier cette fois seul, bonne idée du film, qui s’échappe un peu d’un carcan obligatoire que l’on aurait pu craindre.
Le meurtrier c’est Roman (nul besoin d’expliquer pourquoi pour l’instant), le réalisateur de Stab 3. Là ça devient génial, puisque non seulement il s’agit de faire réécrire le scénario de Scream 3 par celui qui écrit et met en scène celui de Stab 3, mais aussi parce que le double lieu dans lequel se déroule le film n’est autre que le studio, que Roman connaît par cœur étant donné que c’est celui de son film, et sa propre maison – la fin du film. Alors en effet, le tueur semble connaître chaque lieu sur le bout des doigts. Une fois le pot aux roses découvert les invraisemblances s’effacent. Et quelle idée lumineuse d’avoir reproduit le décor de Woodsboro ! Il y a toute la partie concernant Sidney, un peu mélancolique quant à l’idée de retrouver ces lieux qu’elle reconnaît si bien, investissant à nouveau sa chambre, construite exactement de la même manière, dans laquelle elle se souvient de certains moments délicieux passés avec Billy. C’est formidable d’avoir conçu les plans de cette façon là, et d’en avoir supprimé des pièces, sans doute inutiles pour le film dans le film. Ainsi, quand Sidney (alors poursuivi par le tueur, exactement de la même manière que dans Scream, dans la même maison, en carton cette fois) ouvre une porte, imaginant tomber sur telle ou telle pièce, c’est le vide qu’elle obtient, une porte qui ne mène sur rien. Le décor est devenu réel, pire il a remplacé la réalité, elle-même devenue obsolète.
Prouesse supplémentaire de ce Scream 3 : les personnages. Les réels et les virtuels. La vraie Sidney face à la fausse Sidney. Gale Weathers face à l’actrice qui joue Gale Weathers etc… Les personnages sont doubles. Ils l’étaient déjà dans Scream 2 mais seulement au cinéma ou à la télé, les vrais personnages n’avaient pas de contact avec les faux. Ça commence d’ailleurs très fort à ce niveau là, où dès la première séquence sur le plateau de Stab 3, on entend les acteurs de nos personnages de Scream, se moquer des conditions de tournage et revendiquer les volontés de David Schwimmer et Tori Spelling (rappelons que Sidney disait dans le premier volet qu’avec la chance qu’elle avait, si on faisait un film sur elle, à son grand désarroi on prendrait Tori Spelling) d’avoir eu la bonne idée de ne pas rempiler. Le plus fort de Scream 3 c’est que justement il va s’agir aux survivants de la double tragédie de Woodsboro (Sid, Gale, Dewey) de tenter d’échapper à nouveau à la traque du tueur, aux côtés des acteurs jouant leur propre rôle dans les films relatant la tragédie de Woodsboro. Aucun des acteurs ne s’en sortira, comme si Wes Craven voulait montrer la fragilité de l’image, tandis que les modèles s’en sortiront une troisième fois.
A de nombreux instants nous aurons droit à ces petites scènes croustillantes qui font la marque de fabrique de la franchise depuis ses débuts, à savoir la référence, le téléphone, la bonne humeur, le gadget, le teen-movie, le trash. Quand le deuxième personnage s’apprête à mourir, elle répète son texte (de son personnage qui va mourir) et se plaint qu’une scène sous la douche soit dépassée, citant Hitchcock mais confondant Psycho avec Vertigo. Prenons aussi la séquence des deux flics qui se mettent à baliser quant à leur destin concernant l’enquête sur les nouveaux meurtres, en évoquant la fragilité récurrente du flic dans les thriller/slasher movie citant Seven ou Le silence des agneaux, tout en rappelant à son collègue que l’un des flics enquêtant dans le scénario de Stab 3 ne s’en sort pas. Tout est affaire de référence, on cite à foison. Il y a aussi Carrie Fisher qui prétend être un sosie de Princesse Léia qui aurait été choisie par Lucas sur gâteries. Bref on s’amuse. Wes Craven semble aussi vouloir creuser l’idée du téléphone à son paroxysme étant donné que l’on découvre Sidney dans son travail, à savoir un SOS femmes en détresse qu’elle effectue à domicile par téléphone. Un comble ! Reculée en pleine campagne elle semble à l’abri de tout jusqu’au jour où le nouveau tueur lui refait le coup habituel de la voix menaçante. En parlant de voix, le gadget vocal est à l’honneur dans ce troisième opus. S’il était simple et monocorde dans les deux premiers Scream, servant uniquement à brouiller le son d’une voix, il a maintenant évolué, pouvant imiter celle de certains des personnages. C’est ainsi que Sidney se retrouvera un moment donné face à sa propre voix, ou bien, et c’est là que le procédé gagne tout son intérêt, la fausse voix de Sidney annoncera à Gale que Sidney la rejoindra à tel endroit à tel moment. En plus de faire face à leur double, les personnages doivent faire face à leur triple.
La mise en abyme est à un tel paroxysme évidemment lorsque l’on apprend que le tueur et le metteur en scène du film dans le film ne font qu’un. Craven et Roman ne font qu’un. Ils sont les manipulateurs du spectacle pour l’un, du carnage pour l’autre. Mais comme dans les autres Scream il y a un mobile. On ne tue plus pour tuer, enfin plus vraiment, la mode Jason, Leatherface, Freddy est has-been. On croyait durant quelques secondes du premier volet que non, quand Billy rappelait à Sid l’inutilité d’en avoir, citant Norman Bates et Hannibal Lecter. Pourtant il y avait bien vengeance. Celle d’un garçon abandonné par sa mère parce que son père la trompait avec la mère de Sid. Vengeance remise au goût du jour dans l’épisode suivant qui voyait le retour de la mère de Billy pour venger à la fois l’adultère de son mari et la mort de son fils. Le mobile ici se décentre assez nettement de Billy (pourtant retrouvé dans une séquence forte où Sidney se rappelle de lui, prouvant que l’amour qu’elle lui portait était au-dessus de tout) tout en le travaillant encore davantage, le remettant même en question. Roman est en réalité le frère de Sidney. Un frère qu’elle n’a jamais connu puisque lui a été abandonné. Scream n’est qu’histoire de tromperie et d’abandon. Les traumatismes familiaux. Là où ce troisième volet réalise un tour de force c’est dans sa révélation finale puisque l’on apprend que Roman avait enquêté sur l’adultère de Maureen Prescott, sa mère, qu’il prouve à Sidney aux moyens de photos, de films cachés qu’il a lui-même réalisés. Il s’était en fait servi de Billy, qui s’était lui-même trouvé comme acolyte le frêle Stuart, pour matérialiser sa vengeance, pour ne pas avoir à se salir les mains en fin de compte, car, conclut-il « je suis metteur en scène ». Peut-on faire à la fois plus intelligent, en tant qu’écriture de scénario de slasher j’entends bien, et jubilatoire ? Franchement je ne crois pas.
On pourra toujours trouvé tous les défauts possibles à ce Scream 3, autant qu’il y en avait dans le deuxième volet, essentiellement dans la dynamique entre chaque scène, le manque d’appétit de la séquence (ce qui rendait chef d’oeuvresque le premier Scream, ne serait-ce qu’avec la scène initiale et la scène de la soirée finale) et l’impression laissée par chaque scène gore, étant donné que l’intérêt est désormais bien moindre. Les meurtres sont de plus en plus bâclés, on sent que la théorie a remporté son combat contre le slasher. Elles sont loin les scènes cultes comme Tatum dans la chatière, le meurtre de Casey vécu en direct par les parents via le téléphone et le sketch final cultissime entre Billy et Stuart, obligés de s’amocher pour pouvoir passer pour des victimes chanceuses. Sans compter la masse de rebondissements et la drôlerie mode teen-movie qui se dégageait de tout ça, qu’elle vienne de Stuart, véritable trublion déjanté, langue pendante et yeux révulsés, qui n’hésitait pas à enfreindre les fameuses règles pour ne pas mourir en lâchant un « Je reviens tout de suite » prohibé au moment d’aller chercher une bière à la cave, ou de Randy, grand spécialiste de cinéma bis, capable de sentir chaque rebondissement, geek furieusement glauque que la réalité ne peut atteindre. Ces personnages que j’aimais tant n’existent plus. Wes Craven peine à en faire exister de nouveaux. C’est la seule limite à mon sens de ces suites qui se dégustent avant tout en tant qu’objets théoriques.
JanosValuska
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le 1 janv. 2017

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JanosValuska

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