Secrets et Mensonges est un film inoubliable pour moi, un véritable chef d'oeuvre.
Je trouve qu'il mérite amplement la Palme d'Or qu'il a reçu à Cannes, l'année de sa sortie en 1996.


Pourquoi ?
Il est tellement plein de sincérité et les thèmes qu'il traite sont tellement forts : l'abandon, la misère sociale et affective, l'amour maternel et fraternel, les différences sociales, les relations familiales, le racisme, le rejet, l'angoisse du temps qui passe, la jalousie.


De plus, le tout est d'une subtilité et d'une grande fraîcheur. C'est sans doute du au fait que la plupart des scènes a été improvisée au jour le jour.


Mike Leigh a souhaité procéder de cette façon afin de conserver beaucoup de fraîcheur, et surtout que les caractères des différents personnages évoluent et se construisent le plus naturellement possible.


Outre le scénario qui fait converger plusieurs destins, et la mise en scène d'une très grande qualité, il faut vraiment noter l'interprétation qui est exceptionnelle.


Le film a révélé Brenda Blethyn, qui était jusqu'alors une actrice de télé et de théâtre. Elle remportera d'ailleurs en 1996, pour ce rôle, le prix de la meilleure actrice à Cannes.


Elle incarne une Cynthia fofolle, ultra sensible, perdue et éperdue, ayant le sentiment d'avoir raté sa vie, mais pleine d'amour et de sincérité et rompant ses préjugés rapidement pour aller à la rencontre de cette fille qu'elle avait tenté d'oublier, et qui se révèle à elle de façon tellement brutale et inattendue ...
J'adore ce personnage et la façon dont Brenda Blethyn lui a donné corps.


Il faut aussi parler de Marianne Jean-Baptiste, révélée aussi par ce film. Formée à la Royal Academy of Dramatic Art à Londres, ce rôle lui ouvrira la porte d'autres beaux rôles et d'une carrière qui s'étoffe au fur et à mesure.


Elle est la première actrice anglaise noire nominée aux Oscars en 1996, dans la catégorie Meilleur second rôle.
Quand on lit ça, on se rend compte que les acteurs et les actrices de couleur ont longtemps été mis de côté des récompenses, ce qui en soit, est un vrai scandale et démontre une discrimination qui hélas, bien que se corrigeant peu à peu, a tendance à perdurer.


En tout cas, Marianne Jean-Baptiste incarne Hortense avec brio, tout en délicatesse, en émotion, en pudeur.
Elle cherche sa mère biologique de toute urgence car elle est à la recherche de sa propre identité, et j'aime la façon dont elle est surprise de découvrir Cynthia, tellement opposée à elle, mais prête à la découvrir, à la côtoyer, puis même à l'aimer.


Il est intéressant de noter qu'afin de donner encore plus de force et d'émotion à son film, Mike Leigh a tenu à ce que ses deux actrices principales, Brenda Blethyn et Marianne Jean-Baptiste, ne se rencontrent pas avant leur toute première scène commune.
Cette première encontre est d'ailleurs extraordinaire, tellement émouvante.


Et puis, il y a aussi les autres personnages qui sont hauts en couleur.


Commençons par Roxanne, fille de Cynthia, qu'elle a élevé, sœur donc de Hortense.
Comment ne pas s'identifier à Roxanne, qui élevée par une mère dépressive dans un relatif dénuement, privée de père, exerçant un boulot avilissant, voit débarquer une jeune noire, bien habillée, visiblement beaucoup plus éduquée et riche qu'elle, qui se prétend être la fille de sa mère ? Comment ne pas comprendre sa jalousie et son rejet de prime abord ?


Quant aux personnages du frère et de la belle sœur, ils forment un couple atypique, très intéressant eux-aussi dans leur genre, bourrés de complexes et de préjugés, mais dépeints subtilement.


Le frère aime sa sœur Cynthia plus que tout (elle a joué un rôle de mère pour lui) et sa nièce Roxanne qu'il considère comme sa propre fille. Il est prêt à tout pour elles, mais il adore aussi sa femme et il culpabilise énormément de ne pas pouvoir lui donner d'enfant.
Il est pris entre plusieurs feux et est totalement dépassé par la situation.
Pauvre Maurice ! Timothy Spall use de son physique de gros nounous pour nous le rendre sympathique.


Sa femme Monica (interprétée par l'excellente Phyllis Logan), est tellement désespérée de cette impossibilité de procréer (elle en fait une obsession) qu'elle en devient odieusement jalouse et méchante.


Ce que j'apprécie par dessus tout chez chez Mike Leigh, est qu'il n'oublie aucun de ses personnages. Leur psychologie est fouillée à la perfection.


Rien, n'est laissé au hasard dans la création des personnages, ce qui les rend intéressants et ce qui fait qu'on s'identifie fortement à eux, même aux rôles secondaires.


J'ai eu la même impression en voyant Vera Drake. Tous les personnages de la famille sont autant fouillés, véridiques dans leurs histoires, leurs parcours et leurs réactions qu'on comprend intuitivement.


J'aime aussi qu'il n'en fasse pas des tonnes dans le pathos, et que son message de tolérance et d'amour ne soit pas lourd, mais toujours subtil, léger comme les ailes d'un papillon, toujours plein de charme et d'émotions.

Elsa_la_Cinéphile
10

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le 1 janv. 2018

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