Il y a des films dont vous connaissez l'existence depuis leurs sorties et que vous n'avez jamais osé voir. Le genre ayant une réputation si catastrophique que vous attendez le bon moment pour le visionner, histoire d'exorciser le truc en vous disant "ça y est, c'est fait, on passe à autre chose". Généralement, la réputation n'est pas volée et la catastrophe annoncée est belle et bien devant nos yeux, avec consternation, rires ou les deux. Mais il arrive parfois des surprises et l'impression qu'il y a une anomalie. Puis on le revoit une ou deux fois pour confirmer la chose et le constat est toujours le même.


Sexy boys a été un peu trop vendu comme un American Pie à la française, alors qu'ils n'ont qu'une scène en commun. Une scène que le réalisateur avait écrit quelques mois avant la sortie d'American Pie (les frères Weitz, 1999) en France, d'après une légende urbaine. Soit celle où Julien Baumgartner remplace la tarte aux pommes tiède par un gant rempli de spaghettis. Mais là où Jim (Jason Biggs) s'arrêtait une fois choppé la teub dans la tarte, Sexy boys va plus loin dans le graveleux et ça passe ou ça casse. La scène reste encore dans la mémoire de ceux qui l'ont vu en bien ou en mal. La scène est assez hallucinante tant l'effet dure longtemps, avec un malaise de plus en plus présent chez le spectateur jusqu'à la terrible chute dans la voiture. C'est justement le malaise ambiant qui rend la scène génialement grinçante.


Pour le reste, Sexy boys n'est pas un teen movie, mais un campus movie avec des jeunes adultes à la fac ou ayant fini leurs études pour aller vers le monde du travail, vivant d'amour et eau fraîche. Donc rien à voir avec les lycéens voulant se faire dépuceler d'American Pie, ni avec sa suite (JB Rogers, 2001) sorti quelques mois avant Sexy boys, qui est bien un campus movie pour le coup (même si les héros sont plus en vacances qu'à la fac).


Il y a des ratés dans le film, notamment la scène où Jérémie Elkaïm dégueule en plein entretien d'embauche, l'acteur face à lui étant tout sauf convaincant. Il y a des scènes disons spectaculaires comme celle où la grand-mère (Jacqueline Noëlle) attrape le paquet de son petit-fils dans un moment de démence. Ou alors ce gag prout jouant sur le quiproquos sentant le réchauffé.


Mais dans l'ensemble, Kazandjian fait rire avec ses personnages et non de ; et semble avoir une vraie tendresse pour eux. Le trio Julien Baumgartner / Jérémie Elkaïm / Matthias Van Khache fonctionne du tonnerre, chacun ayant une personnalité propre et n'ayant pas peur du ridicule. Les deux premiers ont ainsi un lot de scènes bien cocasses où il ne fallait pas avoir froid aux yeux (cf Baumgartner choppé en pleine pollution nocturne).


Les couples sont également bien trouvés. Le film n'évite pas le vieux cliché de romcom où deux personnes se détestant finissent par s'aimer (au hasard Quand Harry rencontre Sally de Rob Reiner). Sans compter le côté garçon manqué de Lucie (Armelle Deutsch). Mais le couple qu'elle forme avec Seb (Baumgartner) est convaincant et le réalisateur opte pour un rapprochement par petites touches. Une fois en place, il n'oublie pas non plus d'évoquer les difficultés. Fait intéressant, Lucie est une étudiante mère et cet aspect est plutôt bien traité durant tout le film, la montrant souvent en retard à cause de ses responsabilités. Seb est peut-être un brin à côté de ses pompes, mais il ne la juge jamais sur cet aspect et l'accompagne rapidement.


Le couple Van Khache / Virginie Lanoue évoque davantage la durée, l'un ayant peur de s'enfermer dans le couple, là où elle ne semble pas savoir comment le faire avancer. Quant à Elkaïm, il va dans l'extrême suite à une rupture, passant de la bouteille bien plantée au film X amateur.


Sexy boys n'est donc pas forcément le gros nanar ou la purge tant évoquée depuis sa sortie. Il se présente davantage comme une comédie un brin potache, où le réalisateur semble profondément aimer ses personnages, tout en n'ayant pas peur de les tourner en ridicule. De plus, les acteurs sont suffisamment naturels pour que leurs relations soient évidentes à l'écran. Et pour cause, ils avaient répété durant trois mois ensemble et Stéphane Kazandjian avait également organisé des soirées karaoké. La scène finale sur L'hymne à l'amour (Edith Piaf, 1950) n'en devient que plus évidente.


Contrairement à ce qui a souvent été dit, Sexy boys n'a pas été un bide retentissant (453 556 entrées), surtout au regard de la concurrence frappadingue du mois de décembre 2001 (ni plus, ni moins que les premiers Harry Potter et Seigneur des anneaux). Dès lors, son score est plus qu'honorable. Néanmoins, l'accueil est glacial et le film a beau avoir été diffusé plus d'une fois (M6 avait mis des billes dedans), c'est nettement moins le cas de nos jours.


Une partie des jeunes acteurs a continué de jouer aussi bien au cinéma qu'à la télévision. Matthias Van Khache a joué dans pas mal de casseroles (à l'image de Mauvais esprit ou Lady blood), avant de multiplier les rôles à la télévision (dont le père de Laurent Ournac dans Camping paradis). Il en est de même pour Armelle Deutsch et surtout Jérémie Elkaïm. Julien Baumgartner incarnera le deuxième Caïn dans la série éponyme (de 2019 à 2020) et Gaëla Le Devehat est chaque semaine dans le soap Un si grand soleil (depuis 2019). Sarah Marshall fera la une de la presse people durant un temps suite à ses problèmes de couple et d'addictions, avant de se faire plus discrète. Quant à Virginie Lanoue, elle voguera vers la mode. Pour ce qui est de Stéphane Kazandjian, il n'a jamais cessé de réaliser ou d'écrire et autant dire que le cv est assez spectaculaire, en dehors de quelques exceptions.


Voir https://www.bfmtv.com/people/cinema/sexy-boys-le-teen-movie-francais-accuse-d-avoir-copie-american-pie_AN-202207260009.html#xtor=AL-68

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le 2 déc. 2023

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