Tout aussi bourrin et décérébré que son prédécesseur, déjà signé par un Guy Ritchie en roue libre, Sherlock Holmes 2 : Jeu d'ombres vient s'ériger comme le nouveau modèle de la disette créative hollywoodienne actuelle, un navet de luxe bruyant, grossier et tapageur, sous de (faux) airs de divertissement fun et décomplexé.

La recette de cette sinistre catastrophe est simple, elle correspond ni plus ni moins à la politique de fabrication de tous les blockbusters ratés : on s'entiche ici d'une icône de la culture populaire, on renie ses origines britanniques en lui prêtant les traits d'une star américaine (Robert Downey Jr.) dont le cabotinage éhonté servira de cache-misère à l'absence de caractérisation (confusion grotesque entre bouffonnerie et attachement), on engage un réalisateur anglais en vogue en le castrant lui aussi de ses origines et de sa culture, on engage un bûcheron (ou un boucher) atteint de la maladie de Parkinson pour les prises de vues et le montage, un fabricant de réacteurs d'avions (ou de baffles de night-club) pour la bande-son, et le tour est joué. Ça explose dans tous les sens, ça fuse, ça court, c'est hystérique, ça remue dans tous les coins du cadre, c'est aussi assourdissant qu'une douzaine de Boeing 747 au décollage, ceci dans l'espoir de masquer la vacuité atterrante d'un scénario débile, aux enjeux devenus tellement énormes qu'ils en deviennent grotesques (Sherlock parvient à empêcher une guerre mondiale !). Le professeur James Moriarty, censé être un génie du mal fort d'une finesse machiavélique, verse lui aussi allègrement dans le bourrinage le plus abject, en déballant, tel un phallus d'acier trempé, un arsenal militaire de science-fiction à faire pâlir les généraux du Troisième Reich et de l'URSS réunis. Pauvre synthèse crétine de toutes les figures de méchants du cinéma populaire américain, le Moriarty de Ritchie n'a aucune âme, il pourrait débarquer de Tron L'Héritage ou de Pirates des Caraïbes 4 qu'on ne verrait même pas la différence. Comble de cette interchangeabilité, tous les personnages secondaires ne font ici que de la figuration (prestation insignifiante de Noomi Rapace), tristes figures pommées dont la seule utilité se résume à occuper les arrières-plans et servir de main d'œuvre basique pour certains champs/contre-champs.

Mais ce qui choque le plus dans cette immonde adaptation des aventures de Sherlock Holmes, c'est la lourdeur incommensurable qui pèse sur son fond comme sur sa forme. Nulle trace d'enquêtes, d'investigations ou de raisonnements logiques, Sherlock et sa bande de bras cassés se frayent un chemin vers la vérité à grand renfort de bastons volées à Matrix, de fusillades et autres bombardements empruntés au Soldat Ryan de Spielberg (la vision horrifique en moins) voire au Predator de John McTiernan (Schwarzy en moins) ; certaines scènes allant même jusqu'à s'essayer à la destruction spectaculaire dans le non-style de Transformers. Le film de détective laisse la place à un festival pyrotechnique bourrin où les protagonistes doivent affronter, comme dans un jeu vidéo, des militaires armés de sulfateuses et autres snipers d'élite, jusqu'à la confrontation avec le fameux boss final (Moriarty). A cela s'ajoute une tentative aussi pathétique que maladroite d'affubler le héros d'une homosexualité de bazar (ridicule séquence ferroviaire façon Certains l'aiment chaud du pauvre). Sans parler de la structure abracadabrantesque d'un scénario qui à force de vouloir trop en faire finit par ressembler à la version boursouflée d'une mission de James Bond. En livrant une suite plus grande, plus épique, plus hyperbolique que jamais, mais surtout plus bête, Guy Ritchie réduit l'univers et le mythe de Sherlock Holmes à un vulgaire paillasson syncrétique sur lequel les sinistres gérants de la Warner Bros peuvent venir essuyer leurs semelles de gros dégueulasses présomptueux obsédés uniquement par les bénéfices de leur franchise (et dire que le dénouement annonce un troisième volet...). Quand on est capable de produire des daubes atomiques de la trempe de Green Lantern ou de gâcher pour des raisons purement financières la conclusion de la saga Harry Potter, il est évident qu'on n'est plus à un petit sabotage près. Mais soyez-en sûrs, messieurs les saboteurs, nous irons cracher sur vos tombes de nababs ! (PS : au fait, pourquoi avoir conservé le nom de Sherlock Holmes pour le titre de cette bouillie infâme ?)

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le 25 janv. 2012

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