Shokuzai : Celles qui voulaient oublier par pierreAfeu

S'il utilise la forme feuilletonesque, divisé en deux parties pour sa sortie française, Celles qui voulaient se souvenir, puis Celles qui voulaient oublier, Shokuzai est bien un seul et même film, fresque mélodramatique en quatre segments, avec introduction édifiante et épilogue tordu.

La mise en scène de Kurosawa est puissante, s'imposant à l'espace investi, maîtrisée, convaincue de son omnipotence. À ce titre, la partie introductive, celle qui pose les bases de l'histoire [la petite Emili emportée par un homme sous les yeux de ses quatre amies, puis retrouvée morte dans le gymnase] est tout simplement sublime. Le travail des couleurs, du cadre, le jeu des jeunes comédiennes, la musique, tout concourt à donner au film l'élan d'une dramaturgie forte et raffinée.

On déchante lors d'une première partie qui, si elle donne le "la" de ce qui va suivre, peine à nous passionner. Trop longue à démarrer, trop redondante, elle ne convainc qu'à moitié, malgré un final réussi. Le segment suivant est quant à lui plus rythmé et plus passionnant, bien qu'un peu trop explicatif. La troisième partie, peut-être la plus curieuse avec son histoire d'ours, se révèle assez intrigante, tandis que la quatrième, la plus cruelle, clôt le récit des quatre amies, 15 ans après le drame.

L'épilogue s'articule alors autour de la mère d'Emili, figure en deuil traversant tous les segments, mère ultime des douleurs, prêtresse du mal et de la rédemption, porteuse de lourds secrets et de mystérieux desseins. C'est sans doute là que le film déçoit le plus. On était en droit d'espérer un final magistral, sorte de pic mélodramatique ; on se retrouve avec un récit trop long, très bavard, perdant en force ce qu'il gagne en complexité superflue. S'il se clôt par un magnifique plan final, il ne réussit pas à convaincre.

Shokuzai est un film aussi intéressant dans la forme que dans le fond, brassant différentes thématiques d'une culture japonaise pétrie de remords et obsédée par la rédemption. Inégal dans sa narration, il ne réussit cependant pas à atteindre la puissance mélodramatique qu'il semblait ambitionner.
pierreAfeu
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le 16 juin 2013

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