Cuidado con los Spoilers (Hermanos)


Si je vous dis Mexique, vous pensez à quoi ? Au hasard: drogue, cartel, violence, corruption. Et c'est un peu triste. Y étant très attaché pour y avoir vécu 6 mois, le Mexique ce n'est pas seulement ça et heureusement. Que ce soit par le cinéma ou les news, ce sont toujours les mêmes sujets qui arrivent à nos oreilles en France. Cela dit, le narcotrafic et cette ultra-violence au Mexique ont quelque chose de fascinant, justement parce que je ne l'ai (presque) pas connue pendant ces 6 mois.


Cinématographiquement, ce que j'ai vu jusqu'ici traite vraiment bien l'épineux problème des cartels (voir l'excellentissime documentaire Cartel Land sorti cette année et je pèse mes mots). Si déjà lorsqu'un gringo réalise un film sur le Mexique, on peut s'attendre à une bouse, j'avais d'autant plus peur lorsque j'ai appris que le projet venait du québécois Denis Villeneuve.


Trève de blabla. Avec Sicario, Villeneuve nous amène directement dans l'enferdes Cartels mexicains. Une première scène prenante, puis dérangeante, nous introduit les personnage d'Emilie Blunt et de son buddy black dont j'ai déjà oublié le nom tant il ne sert à rien. Mais point de remake de Bad Boys pour autant, la réalisation de Denis ultra-maîtrisée nous scotche à l'écran pour la première heure. L'exfiltration de Diaz au coeur de l'oppressante Juarez s'impose déjà comme une scène culte tant la tension est à son maximum. On a là l'exemple le plus pur d'une scène d'action construite de main de maître qui n'est pas sans rappeler l'assaut final de Zero Dark Thirty. Le danger semble pouvoir surgir de chaque rue de la tentaculaire Juarez malgré le convoi surprotégé, le tout sous une musique de métronome et des plans aériens époustouflants. Une scène à ranger au panthéon de l'action avec celles de Heat.


Jusqu'à la moitié, j'ai eu l'impression d'assister à l'un des films de l'année. Mais la deuxième partie m'a passablement déçu, la faute à Kate, ce personnage un peu horripilant. Recrutée comme "conseillère stratégique", son personnage accouche d'un pétard mouillé puisqu'elle n'évolue jamais et semble être un boulet pour l'équipe sans qu'elle ne puisse apporter quelconque expertise.
Benicio Del Toro, qui n'a jamais autant ressemblé à Brad Pitt (ne me dites pas que je suis le seul à m'être fait la réflexion ?), crève totalement l'écran, lui. On sent le personnage écrit loin de tout manichéisme. Je regrette juste que l'on explicite un peu trop son passé. Une scène dans laquelle il abat froidement les fils du Chef de Cartel à la fin aurait eu encore plus d'impact, sans explication. Après la scène est déjà glaçante, il faut le reconnaître.


Sicario explore assez bien cette frontière floue entre la loi, incarnée par l'idéaliste mais horripilante Kate, et l’outre-passement pour régler le problème de l'hydre qu'est le narcotrafic mexicain. Faut-il répondre à la violence sans concession par les mêmes armes ? C'est un débat éternel qui ne nous concerne pas, nous autres Français. Comme dit en début de critique, j'émettais quelques doutes quant au projet du québécois. Je trouve qu'il s'en sort finalement très bien, ne versant dans aucun manichéisme et laissant libre choix au spectateur de faire une opinion. C'est peut-être aussi ce qui rend le film imparfait quelque part (oui, c'est une réponse de normand). Sicario est par moments sans concessions, à l'image des exécutions par Benicio. Mais du coup, le dernier face-à-face entre lui et Kate ne sert à rien. Ce plan, baisser son flingue, on l'a déjà vu mille fois, ce n'était pas la peine de nous refaire le coup. Soit tu fais la scène pour le tuer, soit tu ne la fais pas du tout.


Un film qui me laisse sur ma faim donc, de par son scénario notamment. Je vois rarement les fins évidentes arriver, mais le personnage de Del Toro devient vite lisible sous son visage opaque. Tout comme Prisoners, la fin reste prévisible et cela m'a gâché un certain plaisir je dirais. reste que Villeneuve sait extrêmement bien manier la caméra, surtout lors des scènes d'action (évitons quelques filtres dégueux lors de l'assaut nocturnes tout de même). Denis, ne foire pas Blade Runner s'il te plait... Travaille-moi ton scénario et évite les personnages inutiles cabron !


Sicario, c'est un peu comme lorsque tu vas pour la première fois à la taqueria: tu prends une claque gustative avec les quatre premiers tacos. Mais tu te dis que les derniers auraient mérité un peu plus de chile pour pimenter le tout.

WelshOrson
7
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le 23 déc. 2015

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Loïc A.

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