Silent Voice
7.4
Silent Voice

Long-métrage d'animation de Naoko Yamada (2016)

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Pour écouter avec les oreilles de ton cœur, L'OST du film par Kensuke Ushio


A Silent Voice, avant d'être un film d'animation produit par Kyoto Animation est un manga publié en 2013, de Yoshitoki Ōima abordant intelligemment des thématiques plutôt dures - l'exclusion, le handicap, le harcèlement à l'école entre autre - et qu'il me faut impérativement lire maintenant, on me l'avait recommandé mais bien évidemment j'ai oublié.


C'est tout moi ça, j'oublie toujours tout. Heureusement que ma tête est vissée sur mes épaules, sinon ...


Bref, le film est dirigé par Naoko Yamada, une réal' qui a bossé sur K-On notamment (produit par le même studio que ce film) et elle nous propose le meilleur pour l'adaptation de A Silent Voice. Pour preuve, ce film fut récompensé par le prix du meilleur film d'animation au "Mainichi Film Awards" en sus d'autres prix et de l'admiration de Makoto Shinkai, un bonhomme qui en terme de qualité de l'animation sait de quoi il parle.


A Silent Voice c'est une œuvre qui marque et se démarque par ses thématiques abordées atypiques, que ce soit le suicide, le handicap et l'intégration dans la société. C'est une histoire sur-fond shonen/shoujo (il est dur à classer dans une catégorie je trouve), avec des thématiques prenantes, dures et terriblement réelles.


Je me souviens avoir vaguement, enroulé dans mon plaid et armé d'une grosse tasse de chocolat chaud avec des carrés de chocolat (bonjour le diabète), pesté contre les personnages, encourageant Nishimiya à se rebeller, à te tarter l'intégralité des salopards lui pourrissant la vie, même pas dénoncé, hypocrites aux visages angéliques.
Bref, je vais déjà commencer par résumer un brin l'histoire. Nishimiya est donc une nouvelle petite élève trognonne dans une classe de primaire, ayant le malheur d'être sourde mais bien décidée à se faire des amis dans cette classe sous le regard indolent d'un professeur un brin hypocrite - on y reviendra à lui parce que moi je te le fais inspecter directos si j'suis un de ses collègues. Malgré les différences les premiers pas semblent réussi et la jeune fille intrigue tout le monde avec son cahier de communication. Tout le monde sauf une petite brute imbécile du nom de Shōya Ishida qui va commencer à lui faire de vilains tours. Le temps passant, la petite Nishimiya continuant à faire de son mieux sans conscience des autres, d'elle et de ses limites, la classe finit par approuver et encourager le comportement d'Ishida. La jeune fille martyrisée finira par être transférée et la classe et l'hypocrite de bigleux de prof' se retournera alors contre le tortionnaire, trouvant un moyen pratique de se dédouaner de toute responsabilité. Ishida vivra le calvaire Nishimiya, causera du tord à sa mère sans que celle-ci ne le blâme et changera alors du tout au tout...


On le retrouve au lycée, sans but, ayant fini par rembourser sa mère il planifie son suicide, isolé et anxieux, incapable de laisser quiconque entrer dans sa vie. Jusqu'à ce qu'il recroise Nishimiya, pour se racheter, se montrer qu'il est capable de courage et donc de laisser sa vie derrière lui. Il commencera donc à se racheter, pénible chemin vers la rédemption, pour effacer ses péchés et rendre sa vie à Nishimiya. Ce trajet l'amènera à croiser encore le chemin de ses anciens camarades d'école.


J'ai cru voir que le scénario du manga différait pas mal - une histoire de film, je crois - ce qui me donne pas mal envie de me le faire. Il me semble l'avoir déjà dit
Pour éluder rapidement les quelques points noirs de ce film on parlera de quelques situations précipitées malgré les deux heures dix du film. Certains rapprochement se font trop rapides, presque peu naturels. À d'autres moments les émotions ressenties par certains personnages n'ont pas fait sens à mes yeux, je pense notamment à une jeune fille à genoux, en pleurs à la sortie d'un hôpital. Je pense à une autre gamine brune qui mériterait de se faire tabasser à ce moment là. Je pense à moi criant "bon, tu te relèves et tu lui colles une bonne droite à cette conasse !".
Certains parmi les plus endurcis - les moins mièvres diront les mauvaises langues - pourraient reprocher à ce film un certain côté guimauve par moment. Vous l'aurez compris si vous me suivez depuis un p'tit moment, ce n'est pas mon cas.


À mettre au rang des indéniables qualités du film, la bande-son. Vous l'écoutez normalement depuis le début de cette critique et elle sait souligner l'action, accompagner les respirations, les silences, les plongeons dans l'eau au milieu des carpes, les errements sous une mansarde à écouter battre son cœur et à entendre sourdre l'amour et la rédemption.
L'animation n'est pas en reste, superbe dans ses traits du quotidien, sublimant la rondeur débonnaire d'une enfant criarde, les cerisiers en fleur et les carpes avalant le pain sous un pont au printemps, magnifiant les feux d'artifices et la chute d'un corps dans l'eau. Les visages malgré un chara-design somme toute assez convenu parviennent à nous transmettre toute la violence des émotions qui les traversent, de la gentillesse à la frustration à peine contenue jusqu'à l'explosion des larmes.


A Silent Voice c'est un regard indéniablement romantique sur ces chemins de vie, exaltant le sentiment avant la raison. C'est une certaine justesse dans des personnages qui sont souvent passivement mauvais, fuyant leurs responsabilités et se dédouanant de toute faute avec la plus grande lâcheté. On nous y parle de karma, chaque acte ayant une conséquence, chaque méfait nécessitant une rédemption. On suivra le chemin de croix de Shoya avec un attendrissement presque aussi violent que la haine éprouvée durant les premières minutes du film pour lui.
On fait aussi face à un film actuel, dans le sens où les familles présentées sont aussi éclatées que celle de notre réalité, entre mères célibataires et pères absents, figures adultes masculines comme effacées - j'inclus là notre professeur du début - on a souvent le droit à des entités familiales bancales et terriblement touchantes.
Le principal sujet étant le handicap et le harcèlement, il faut dire toute la réussite de ce film dans le tableau donné de cette jeune fille malentendante, de ces petits riens de coquetteries conduisant à l'achat d'un appareil auditif assumé par Nishimiya qui relèvera ses cheveux. On s'attendrira devant cette voix hésitante et gauche qui tente un "je t'aime" mal compris. On explorera - rapidement - l'intégration de cette enfant à travers son cahier de communication, à travers cette aide qui essayera d'apprendre aux enfants la langue des signes. Mais c'est surtout la violence du groupe lorsqu'il exclu, qu'il écarte ce qui est différent, qu'il désigne ce qui le gène avant de le pousser de côté qui m'aura ému comme rarement devant un animé traitant de l'école. On y aborde ici frontalement des problématiques souvent éludées ou traitées avec toute la préciosité possible et c'est agréable. Certains pourront y voir du misérabilisme, je suis au contraire impressionné par le traitement de ces situations, d'autant qu'elles sont particulièrement violentes au Japon, là où le groupe est tout.


Si vous aimez vous émouvoir, si vous appréciez les tranches de vies et les romances, A Silent Voice est fait pour vous, en espérant qu'il saura vous remuez et vous toucher comme seul le peuvent à mon sens ces films d'animations qui subliment le réel et décuplent les sentiments.

Petitbarbu
8
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le 22 sept. 2017

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Petitbarbu

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