Un film ambitieux venu du Burkina Faso ce n’est pas commun. Qui est en plus réalisé par une femme c’est encore plus intrigant. Déjà que les œuvres nous provenant de ce continent sont rares (et notamment celles mémorables et remarquables), il serait dommage de louper un long-métrage du cru, en l’occurrence le Burkina Faso ici même si le film se déroule dans une zone indéfinie du Sahel. « Sira, une héroïne africaine » fait donc partie de ces propositions en forme de curiosité venue des antipodes qui donne envie bien qu’il faille avouer que le film n’est pas dénué de nombreuses imperfections. Mais celles-ci font aussi et en partie son charme. En effet, il faut avouer qu’hormis les films du Maghreb, une région bien plus prolifique question septième art, ou un « Timbuktu » qui arrive toutes les décennies, on ne peut effectivement pas dire qu’on soit noyé sous les propositions du continent africain. Il est donc intéressant de découvrir cette œuvre engagée et féministe.
On suit durant deux heures les mésaventures de la Sira du titre. Kidnappée devant sa famille avant son mariage puis violée et laissée pour morte par ses ravisseurs, elle va tenter de se venger de ses bourreaux et retrouver son fiancé. Les prémisses sont haletantes et le film nous montre à la fois les agissements des groupes terroristes islamistes dans ces zones de non-droit du désert africain ainsi que le sort de femmes devenues objets et enlevées par lesdits terroristes. C’est quelque chose de rarement vu au cinéma et Apolline Traoré ne manque pas d’ambition. Elle ajoute même à son œuvre très féministe une sous-intrigue maligne et intéressante qui parle de l’homosexualité masculine dans ce contexte très religieux et machiste, ajoutant un parfum de souffre bienvenu.
Problème, « Sira, une héroïne africaine » se pare d’invraisemblances notables (on a du mal à croire que Sira puisse se cacher seule durant des mois dans une grotte à côté du camp de ses ravisseurs) et de digressions inutiles qui ralentissent le rythme et sont source de longueurs (les séquences avec le fiancé) et de répétitions. Ses errances narratives handicapent un film qui aurait pu faire vingt à trente minutes de moins. Et on peut souligner aussi que le jeu de certains acteurs s’avère approximatif. L’écriture des personnages s’avère très mince et ils souvent dessinés à gros traits sans grande profondeur.
Néanmoins, le film est rare et dépaysant. Et la mise en scène de Traoré se révèle des plus ambitieuses, mettant un point d’orgue à retranscrire dans sa plus grande beauté, le cadre désertique du Sahel. La cinématographie est en effet majestueuse et impacte l’œil. Le sable orange et les étendues infinies du désert sont magnifiés par la photographie de Nicolas Berteyac. Les images sont donc sublimes et l’ensemble se fondrait parfois presque dans le genre du western mais travesti dans les étendues désertiques africaines. Le constat concernant la traite des femmes est édifiant et nous bouscule, comme si dans ces régions la place de la femme n’avait pas évolué depuis des siècles. Certes imparfait et parfois maladroit, « Sira, une héroïne africaine » déploie pourtant assez de singularité et de force contestataire pour convaincre et intriguer sans ennuyer malgré ses deux heures. Une expérience peu commune donc qui est constituée de valeurs à la fois fortes et importantes gommant en partie ses défauts majeurs.
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