Avec Sky Crawlers, je ne m'attendais à rien, et pourtant j'ai été conquis.

Il faut reconnaître un synopsis qui, à prime abord, peut laisser perplexe : à base d'enfants soldats s'entretuant en avions, ceci dans un monde apparemment en paix mais entretenant (via des corporations militaires) des guerres factices afin de maintenir l'ordre et satisfaire les passions destructrices des hommes blablabla...On aboutit toutefois à un résultat bien plus intéressant qu'il n'y paraît et (osons le mot) cabbalistique, sous bien des aspects.

Premièrement, la réalisation artistique est tout a fait honorable. J'ai la fâcheuse tendance à me défier de l'usage de la 3D dans les films d'animation au vu de quelques bouses qui en ont résulté notamment début 2000, mais ici on assiste dès la première minute à une scène de combat aérien frémissante, époustouflante. Les paysages et décors contribuent également à insuffler à l'oeuvre une atmosphère particulière, qu'il s'agisse de souligner le glauque de certains passages ou les instants de béatitude au-dessus des nuages.

On savoure d'autant plus ces moments dans les airs qu'ils sont brefs, peu nombreux et contrastent avec le reste du film. Car Sky Crawlers, malgré l'idée qu'on pourrait s'en faire, est fort loin des "Têtes brûlées" : nous sommes plongés dans un univers que l'on ne découvre pas vraiment. Quelques clés nous sont données à mi-mot, mais il s'agit avant tout d'adhérer ou non à cette ambiance ambiguë et déprimée. En effet, tout est pesé dans Sky Crawler afin d'instiller une morosité qui tourne au "drame", sans jamais sombrer dans l'excès, toujours avec une sobre élégance. Les dialogues froids et concis y participent grandement, ainsi que les expressions des protagonistes, les yeux vagues, la voix indifférente.

Mais, de même que les scènes de dogfight brisent la langueur latente, les mouvements de Yuhichi et Kusanagi nous émeuvent par leur intensité soudaine. Ces jeux de variations sont habilement menés à mon goût, mêlant contemplation, (un brin) de réflexion et une violence polymorphe ; c'est en ceci que réside la force de ce film, mais aussi en un sens sa faiblesse : il s'agit en effet d'un style particulier pouvant sous bien des aspects s'apparenter à celui d'un cinéma d'auteur.

Hélas, rien n'est jamais parfait. Certains spectateurs seront peut-être saisi par une impression de "vide" : la faute à des protagonistes dans certains cas peu voire pas du tout développés, se limitant à un trait distinctif, ou bien juste à un...nom.
Heureusement, les principaux personnages concernés dans l'affaire m'ont satisfait. L'histoire de Kusanagi est prenante et on s'attache à cette jeune fille officier qui incarne le pied de voûte de l'oeuvre. D'emblée, elle nous est présentée comme un membre à part : calme en apparence, hystérique en coulisse. Et c'est la sagesse en réalité déchirée qu'elle incarne, à l'image du film tout entier qui m'a profondément ému.

Mention spéciale à la fin du film, splendide et terrible à la fois : quel autre dénouement aurait-t-il pu mieux achever cette cruelle histoire ? Aucun, assurément.
J'ai bien sûr lâché quelques larmes méritées, et téléchargé la BO (très à propos) afin de me souvenir de temps en temps de l'océan bleu des yeux de Kusanagi, et ressombrer ne serait-ce qu'une seconde dans la mélancolie noire et rêveuse de Sky Crawlers.

pistachacha
8
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le 12 avr. 2020

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pistachacha

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