En cette cinquantième année de la série James Bond, avec le triste "Quantum of Solace" (2008) encore présent dans nos esprits à ce moment là, "Skyfall" réinvente triomphalement 007 dans l'un des meilleurs Bonds de tous les temps. C'est une célébration pleine de sang, joyeuse et intelligente d'une icône culturelle bien-aimée, avec Daniel Craig prenant pleinement possession d'un rôle qu'il avait bien joué dans "Casino Royale", mais pas si bien dans "Quantum" - bien que ce ne soit peut-être pas entièrement de sa faute. Ou est-ce simplement parce que je commence à l'apprécier ? Je ne sais pas ce que j'attendais. Je ne sais pas ce que j'attendais de Bond n°23, mais certainement pas une expérience aussi revigorante.
Les innovations du film commencent dès les premiers plans, qui abandonnent les silhouettes familières de traque dans l'objectif à diaphragme, et démarrent sur les chapeaux de roue. Bond et un autre agent sont à Istanbul, à la poursuite d'un homme qui a volé un disque dur crucial, et après une poursuite dans les rues de la ville (impliquant pas moins de trois scènes de chariot à fruits), 007 court sur le toit d'un train. On sait, grâce aux films précédents, que Bond peut manier presque n'importe quoi, mais "Skyfall" le fait incroyablement réquisitionner un Caterpillar géant et poursuivre la poursuite en écrasant un wagon plat rempli de Coccinelles VW.
C'est le genre de cascade absurde que l'on attend d'un film de Bond, mais celui-ci s'appuie sur quelque chose d'inattendu : une M (Judi Dench) très sérieuse, qui suit l'action depuis le MI6 à Londres et prend une décision fatidique. Après qu'un agent ennemi a pris Bond comme bouclier humain, l'autre agent de M, Eve (Naomie Harris), a les deux hommes dans sa ligne de mire. Les enjeux sont très élevés. "Tirez !" ordonne M. Bond semble mourir, bien que, comme cela se passe aux alentours de la 20e minute, on est pas très surpris qu'il ne meure pas.
M commence à rédiger la nécrologie du commandant James Bond, et elle pourrait aussi bien écrire la sienne. Le temps a passé, elle est plus âgée et son nouveau patron, Mallory (Ralph Fiennes), convoque une audience publique (!) au cours de laquelle elle doit défendre sa titularisation. Il est temps pour une génération d'être mise au rancart. Même Q et, en fin de compte, Mlle Moneypenny sont pratiquement des enfants.
M n'est pas tout à fait prête à prendre sa retraite, et "Skyfall" offre enfin un rôle digne de Judi Dench, l'une des meilleures actrices de sa génération. Elle est pratiquement la co-star du film, avec beaucoup de temps d'écran, des dialogues poignants et un personnage beaucoup plus complexe et sympathique que ce à quoi on s'attend dans cette série. Le film est guidé par un réalisateur considérable (Sam Mendes), écrit par les poids lourds Neal Purvis, Robert Wade et John Logan, et livre non seulement un excellent Bond mais aussi un excellent film, point final. Si vous n'avez pas vu un 007 depuis des années, c'est le moment de vous y remettre.
Il existe une théorie selon laquelle on peut évaluer les films Bond en fonction de la qualité de leurs méchants. Dans "Skyfall", il s'agit d'un mégalomane cérébral nommé Silva, joué par Javier Bardem, dont l'imprononçable Anton Chigurh dans "No Country for Old Men" s'est approché du point culminant d'Hannibal Lecter. Ici, il joue un informaticien blond décoloré qui a volé le disque contenant les identités protégées de tous les agents du MI6. On est censé penser à Julian Assange ?
C'est un tout nouveau Bond avec de l'amour et du respect pour l'ancien Bond. Cela se manifeste lors de la visite de Bond dans le manoir écossais habité par Kincade (Albert Finney), qui a des secrets à divulguer et qui poursuit la réécriture de l'histoire du personnage. Au cours des premiers Bond, s'est-on jamais posé la question des origines de 007 dans la vie ? "Skyfall" produit même un moment conçu pour inspirer de l'amour aux fans de Bond : une réapparition de l'Aston Martin DB5 de "Goldfinger", qui reste en bon état de marche.
Tout comme Christopher Nolan a fait renaître les films Batman dans "The Dark Knight", voici James Bond relevé, dépoussiéré, remis sur pied et prêt pour 50 autres années. Et est-ce que je me trompe complètement en m'attendant à voir Miss Moneypenny devenir une Bond girl dans le prochain film ?