Quand on peut qualifier un film d'horreur de "véritable bouse"...

Les films d'horreur sont généralement les boucs émissaires de la critique. Je soutiens l'idée qu'ils sont souvent jugés avec une sévérité excessive. Rien ne leur est jamais pardonné et la moindre erreur suffira à les envoyer dans les fosses septiques du septième art en les catégorisant comme d’infâmes bouses dignes du plus grand mépris. Quand bien même le film ferait preuve de savoir-faire et resterait d'une certaine efficacité, il lui suffira d'avoir recours à une facilité scénaristique, une petite invraisemblance, un cliché ou encore de présenter un jeu d'acteur peu convaincant pour hériter d'une note de 2 sur 10. Le manque d'originalité d'une mise en scène ayant recours à des jumpscare faciles et légèrement gratuits est vu comme la marque immonde d'une réalisation méprisable qui multiplierait les pires faux raccords.


On pourrait trouver cette manière de juger les films légitimes, mais dès lors pourquoi l'énième film social ou la toute dernière comédie douce amère souffrant des mêmes défauts et exigeant beaucoup moins de savoir-faire au réalisateur aura droit à une indulgence bien plus grande ?
Ce préambule pourrait laisser penser que je me lance ici dans une défense de Slender Man... La démarche est toute contraire. Le ratage total que représente ce film devrait permettre de remettre en perspective notre jugement trop sévère vis-à-vis d'autres films d'horreur. Arrêtons de qualifier excessivement d'étrons toutes les productions un temps soit peu ratées du cinéma horreur et tâchons de rester juste dans notre critique.


Slender Man non content de reprendre tous les clichés les plus éculés du cinéma d'horreur contemporain, oublie de respecter les règles basiques du genre qui lui permettent sinon d'être original du moins d'être efficace et cohérent. Si certains films ratent leur recette par mauvais dosages, Slender Man n'utilise même pas les bons ingrédients.


Parlons tout d'abord de la mise en scène du film qui brille par son incohérence et sa confusion. Elle multiplie les plans sans queue ni tête. Plusieurs scènes d'horreur qui devraient représenter des moments marquants du film sont ainsi de simples patchwork d'images « terrifiantes » (ou supposées l'être) mises bout à bout dans un ordre apparemment aléatoire. Rater de telles scènes par manque de talent pourrait encore être pardonnable – ce ne serait pas le premier film d'horreur contemporain à oublier de faire peur, de prendre son temps et d'installer une atmosphère – mais parvenir à rater à ce point les scènes ordinaires ne peut être excusé. La moindre conversation se décompose en une multitude indigeste de plans aux changements d'angle incessants passant du très gros plan au plan large, du plan fixe au plan en mouvement et composant un montage d'un amateurisme confondant.


On serait tenté de croire que le réalisateur sans idée véritable a pris autant de prises de vues que possible, laissant le soin au monteur de faire tout le travail de sélection. Celui-ci malheureusement n'aurait pas eu l'intelligence nécessaire pour comprendre la nature même de son travail et aurait décidé d'intégrer coûte que coûte tous les plans filmés, quitte à adopter un montage bien souvent épileptique à la Greengrass pour des scènes d'une platitude et d'une pauvreté d'écriture extrêmes.


Cet amateurisme apparent au niveau de l'image et du montage est encore plus évident au niveau du scénario. Toutes les règles les plus évidentes de narratologie ont été totalement oubliées par les scénaristes.


Première règle oubliée : prendre le temps d'introduire les personnages, de les caractériser. Des quatre personnages impliqués nous ne savons strictement rien sinon que l'une d'elles possède une sœur et court le 1600m et qu'une autre possède un père alcoolique, la raison de cet alcoolisme n'étant jamais donnée. Après seulement 10 minutes de dialogues cliché et mal interprétés tournant autour du sexe et de l'ennui adolescent le plus basique, Slender Man est invoqué sans raison. Au bout de 15 minutes la première des filles est enlevée. On peut difficilement lancer une intrigue plus précipitamment et de façon aussi peu préparée.


Deuxième erreur, moins grave certes mais tout de même étonnante quand on a déjà aussi peu d'informations sur les personnages : ne jamais utiliser ses informations. Tout au long du film, on nous répète sans arrêt que l'un des personnages court le 1600m – c'est même le sujet d'une dispute durant seulement l'espace d'une scène et n'ayant jamais la moindre conséquence – et pourtant jamais cette information n'a la moindre utilité scénaristique. On aurait presque l'impression que le film a été amputé de toute une sous-intrigue.


Troisième oubli : énoncer les règles du jeu. C'est LA règle à ne surtout pas rater. Tous les films d'horreur énoncent clairement comment agit le mal (qu'il s'agisse d'une malédiction ou d'une créature fantastique). Prenons un très bon film comme It Follows et un beaucoup (mais alors vraiment beaucoup) moins réussi comme Action ou Vérité. Chacun présente clairement la situation. Dans le premier une créature poursuivra le personnage principal à moins que celui-ci ne transmette la malédiction (telle une maladie vénérienne) en couchant avec un autre. Il n'y a pas d'autre moyen de s'en débarrasser. Dans le second, les personnages ayant joué à action ou vérité avec la mauvaise personne devront continuer d'y jouer chacun leur tour avec une force maléfique qui les poussera à réaliser des actes de plus en plus horribles ou à révéler des secrets terribles et inavouables. On sait donc comment le mal se révèle, quel est son rayon d'action (par exemple Freddy attaque au travers des rêves) et on finit souvent par avoir une idée de comment l'arrêter – la tentative en question, qu'elle échoue ou non, constituant généralement le dernier tiers du film. Dans Slender Man nous ne savons pas ce qu'est Slender Man, ni comment il agit. Il semble capable d'attaquer de partout, de prendre toutes les formes, de manipuler la réalité et de s'en prendre physiquement à ses victimes. Dans une explication hilarante le personnage interprété par Joey King nous informe, comme s'il s'agissait d'une information décisive, qu'il est un être bioélectrique (???) capable de prendre diverses formes (ah ben on est bien avancé alors... Quelle révélation !). On ne lui trouve aucune limite, aucune faiblesse, aucun point faible. Il ne peut donc y avoir aucun signe d'un danger approchant, puisque qu'il peut surgir de partout. Dès lors, en voulant créer une tension permanente, le film finit par susciter un ennui tout aussi permanent. Au milieu du film, on nous présente enfin une solution apparente : sacrifier quelque chose à quoi on tient vraiment. Les filles se réunissent alors pour sacrifier des ordures que même le plus avide des SDF ne daignerait considérer (un vieux pull, une photo...) et c'est tout... A la toute fin du film l'idée revient sous la forme du sacrifice de sa propre vie, forme complètement absurde, le but étant justement d'éviter de mourir.


Ceci nous amène à notre quatrième erreur : une résolution totalement incohérente, confuse et a fortiori incompréhensible. On nous annonce des éléments à la pelle sans qu'on ait le temps de les digérer et le film se conclut sur une morale sortie de nulle part avec l'exploitation d'un personnage ignoré tout le film et dont on peine à comprendre comment il s'est retrouvé mêlé à cette histoire.


Enfin cinquième erreur (je n'irai pas jusqu'à dire dernière) : les incohérences multiples qui émaillent le film. Nous avons déjà évoqué des disputes sans lendemain et une fin peu compréhensible, mais presque tous les éléments du film n'ont aucun sens. Au bout de quinze minutes de film environ, lors d'une visite scolaire d'un cimetière (oui vraiment...), une première fille, dont on sait qu'elle veut quitter la ville, disparaît et en l'espace de quelques heures seulement tous les policiers sont déjà en train de faire fouiller la forêt tandis que le journal télévisé annonce la disparition de la jeune fille. Presque tous les éléments du film sont ainsi totalement invraisemblables ou ridicules comme cette scène où une fille qui empêche une autre de crier en lui mettant la main sur la bouche crie elle-même « J'ai appelé la police ». Je ne résiste pas au plaisir de citer une incohérence particulièrement incroyable qui survient à la toute fin du film (Attention Spoiler!) :


l'héroïne décide de se rendre à Slender Man et lui dit « prends-moi »... pour s'enfuir en courant trois secondes plus tard.


Cette simple scène devrait suffire à résumer la médiocrité absolue de ce film.


Nul besoin de signaler que les actrices sont toutes plus mauvaises les unes que les autres, sans doute pas aidées, il est vrai, par des dialogues et une mise en scène complètement « aux fraises ».

hotgavial
2
Écrit par

Créée

le 9 oct. 2021

Critique lue 131 fois

hotgavial

Écrit par

Critique lue 131 fois

D'autres avis sur Slender Man

Slender Man
mad83
7

Déjà vu mais bien vu

Je m'attendais à une daube , à un film sur des adolescents où l'on s'ennuie , car faire un film sur une légende urbaine avec tout ce que l'on a pu voir à l'heure actuelle me faisait peur ( peur de la...

le 18 oct. 2018

8 j'aime

Slender Man
Franck_Plissken
7

Long Sleeve John

N'ayant pas baigné dans le "buzz" de cette création internet ni vu le trailer, c'est sans aucun a-priori que je me suis lancé dans l'aventure Slender Man. Alors voilà: ce film du frenchy Sylvain...

le 16 oct. 2018

8 j'aime

7

Slender Man
LeFameuxRuben
3

Clichés Man

Je me demande encore bien pourquoi j'y ai cru à un moment... Evidement ce "produit" est franchement tout pourri (fait par le réalisateur du non moins nul Souviens-toi... l'été dernier 3). Tout le...

le 18 oct. 2018

8 j'aime

2

Du même critique

La Couleur des sentiments
hotgavial
2

Critique de La Couleur des sentiments par hotgavial

Je me sens obligé d'écrire une brève critique à propos de ce film lorsque je vois la note moyenne attribuée par les membres de sens critique. Ce film est tout simplement dégoulinant de bons...

le 16 juin 2013

7 j'aime

La Poupée de chair
hotgavial
10

Un chef d'oeuvre trop ignoré

D'Elia Kazan, on connaît surtout des film tels que Un Tramway nommé désir ou A l'est d'Eden. Baby Doll n'est certes pas un film complètement anonyme, mais l’absence de stars comme Marlon Brando ou...

le 21 déc. 2015

5 j'aime