Très stylisé, léché à la Kubrik façon Shinning, SMILE peut être vu comme un parfait tricot de nombreuses références du cinéma horrifique, entre horreur et épouvante.
Le concept est des plus simples et emprunte à It follows pour ce qui est de la narration et à Action ou vérité pour son emblême: une psychiatre refoulant le drame de la mort de sa mère, qu'enfant effrayée elle n'a pas su empêcher, se retrouve un jour banal de travail face à une patiente au comportement d'abord cohérent mais angoissé puis calme mais suicidaire. Cette dernière lui confesse être poursuivie par une créature protéiforme en mesure de ressembler à tous ceux qui l'entourent et qui se caractérise par un sourire malsain.
Notre héroïne va enquêter d'abord pour comprendre puis pour sauver sa propre vie, menacée à son tour par l'étrange créature dont les différentes apparitions feront clins d'oeil à toute une anthologie: d'une apparition noyée d'ombre à la Lights out, d'un appel téléphonique faux et fourbe à la Scream à une version humaine de la scène la plus iconique d'Alien 3 pour donner dans l'Homme tordu de Conjuring 2, après avoir ré-explorer les poncifs de la maison délabrée, de la maison en flamme, de l'ami qui se révèle ennemi ainsi qu'une scène de mort animale servie à la façon d'un méchant de Batman digne du titre du film: le Joker. Son enquête l'amènera à comprendre le fonctionnement de la créature qui passe de victime en victime et lui apparaît un peu partout, ajoutant à l'It follows un délai à la The Ring, allant de quatre jours à un mois. Seule la bande-annonce trompe, qui fait croire à une nouvelle sorte de Destination finale: la créature représentant moins la Mort que ce dont elle se repaît; car notre monstre du jour se nourrit de la peur et du choc provoquée par l'irrationnel et joue avec la faiblesse du cerveau humain "bon public" (sic) pour devenir plus puissante. Toute ressemblance avec un roman en 2 lettres de Stephen King etc. etc.
Pour rester dans l'univers de King et de ses adaptations - et c'est là que les connaisseurs, amateurs, cinéphiles ou seulement érudits du genre horrifique auront sans doute à se plaindre - Parker Finn, le réalisateur du film, use beaucoup d'une version renversée d'un plan singeant la célèbre introduction de Shinning: ce long, long, long, et labyrinthique chemin entre les arbres. Procédé intéressant mais mieux utilisé quand plus au service de la narration que de la forme allusive: Gore Verbinski avait sur usé d'un plan similaire quoiqu'océanique pour figurer le passage de ses héros du monde des morts au monde des vivants dans son 3e Pirates des Caraïbes.
Car c'est moins à King qu'à Kubrik que Finn cherche à rendre hommage avec des plans en nuances de vert et de fauve froids et cadré comme ces scènes de jumelles ou de jeune femme au bain devenant soudainement très âgée dans un rire maléfique. C'est kubrikien, ça fait copie mais le fait est que c'est saisissant et efficace ...
davantage que plusieurs ruptures sonores, brutales d'un plan à l'autre, pour faire sursauter avec une sonnerie ou un plan rapproché sur l'héroïne dévorant goulument un sandwich. Davantage aussi que la manie du réalisateur à appliquer scolairement mais à l'excès l'usage des plans bullés qu'il finit par faire tourner à donner le tournis pour rester efficace.
Pour passer à la fin de l'oeuvre, nous sacrifierons à ce passage devenu obligé du spoiler et de la protection contre le divulgâchage promus, hélas, par les années 2010-2020. Adeptes de la peur de connaître la fin à l'avance comme si le reste n'avait aucun intérêt ou comme si la vision du critique suffisait seule à restituer ce que vous pourriez voir, vous, passez votre chemin pour nous rejoindre en fin de critique.
La fin de SMILE est bonne quoique conventionnelle de ce genre de film et, évidemment, commerciale: fin ouverte qui pourra permettre une éventuelle et espère-t-on juteuse suite. De quoi voir dans notre créature la métaphore des marchands de films horrifiques: "Je me sers de ton esprit, c'est lui qui me rend fort: il est bon public".
L'héroïne retourne dans sa maison natale laisée aux mites et à la poussière pour affronter son trauma: le souvenir d'avoir laissé mourir sa mère par peur enfantine. Évidemment, la créature protéiforme va revêtir l'apparence de sa mère défunte et lui faire la révélation citée ci-dessus. Puisque nous sommes dans du conventionnel, l'héroïne va affronter son traumatisme pour affaiblir le monstre, fuir la maison, rejoindre son adjuvant ... avant de découvrir que son adjuvant est en réalité la créature et qu'elle n'a pas quitté la maison. Ce qui permet à l'héroïne de se suicider de manière dérangeante devant son véritable adjuvant venu la sauver et à qui elle va passer la malédiction.
On aurait cependant pu imaginer deux autres fins: l'une plus osée, plus Hellzapoppin et plus terrifiante; l'autre plus symbolique et mettant plus en valeur une morale que semblait tisser le reste du film.
Dans la première fin alternative, l'adjuvant ne sort pas de nulle part, trouvant par hasard l'endroit où se terre l'héroïne. La créature ne passe la malédiction qu'au témoin de la mort traumatisante de sa dernière victime. L'héroïne pourrait se tuer dans un grand sourire dérangeant devant le seul témoin qui lui reste: le spectateur ! En fin cassage de 4e mur intelligent !
Dans la seconde fin alternative, nul besoin de chasseur chassé par un Chaperon Rouge devenu loup (je n'en dirai pas plus pour éviter l'excommunication de L'Inquisition moderne) mais une fin plus happy end mais plus symbolique, offrant un vrai message au film. Dès le début, l'image de la mère mourante, bavant au bord du lit, est préparée par des visions de l'héroïne elle-même dans cette position. L'héroïne venant à bout du monstre, ce serait l'angoisse, le trauma, la peur vaincus: mieux que Baudelaire dont le crâne s'incline à la fin de Spleen ! Mais cela le réduirait aussi à une fin à la Ça et le film est déjà en soi un maxi-best-of de références. Et si, au lieu de combattre la peur, l'angoisse, l'héroïne prenait le dessus sur autre chose ? Car c'est au travers de morts traumatisantes, de suicides ou mises à mort choquantes que la créature arrive à ses fins. Car c'est le trauma originel de l'héroïne qui en fait l'une des proies les plus faciles et délectables. Et si ce film avait montré une fin symbolique pour se faire la représentation horrifique du dueil ? Imaginez combien SMILE, jusque dans son titre aurait eu un message fort ! Un message à la Dumbledore dans Harry Potter et les Reliques de la Mort: "N'ai pas pitié des morts (...) . Aie plutôt pitié des vivants et surtout de ceux qui vivent sans amours."
Finissons donc cette critique sur une citation de Fontenelle, qui a vécu un siècle: "Ne prenez pas la vie au sérieux; de toute façon, vous n'en sortirez pas vivant".
So, my friends, WHY SO SERIOUS ?
SMILE !