Brian De Palma, « snake eyes » parmi les « snake eyes » (« double as »), nous attrape par le col et convie notre regard à déambuler dans son musée visuel hypnotisant et fascinant.


Snake Eyes se passe dans un grand complexe voué à la destruction accueillant des événements sportifs, un casino et un hôtel aux couloirs infinis qui sont autant de lignes de fuites qui enfermeront les personnages. Pour l’histoire, celle-ci tourne autour d’une fusillade sur fond de tempête tropicale. Un sniper dissimulé tire sur un haut-gradé de l’Etat américain venu assister au dernier match de boxe avant chantier. Nicolas Cage, flic corrompu d'Atlantic City, est alors pris dans les revers des regards et des points de vues dans un jeu du chat et de la souris où tout est question de perspectives, de faux-semblants et de vices éternels (la musique du générique de fin s’intitule bien « Sin City » oui !).


L’histoire se nourrit d’une intrigue industrialo-militaire sortie tout droit d’un James Bond. D’ailleurs Cage ne manque pas de faire référence à 007 lorsque Gary Sinise lui présente un petit gadget de tracking des individus dernier cri. Le truc ici c’est que, derrière la caricature qui se profile, De Palma est à la manoeuvre. Le plan-séquence introductif ne manque pas de le rappeler. Un plan-séquence qui nous fait passer d'écrans en écrans pour tomber sur Nicolas Cage. On découvre alors son personnage de flic gouailleur et en mal de pots-de-vins.


Pourtant il paraîtrait que ce film n’est pas un chef-d’oeuvre. Alors on attend la première faute du maître. Une faute dans le moment de choisir la coupe finale de ce plan-séquence par exemple. Une faute qui pourra faire dire que ce film est un De Palma vraiment mineur.


Puis résonne un coup de feu, un début de cris, l’agitation d’une foule s’imagine et puis, là, la caméra coupe. Le regard continu et concentré qui nous était offert devient saccadé et interrompu, on se perd dans ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas vraiment. La coupe fait plus que sens. S’en suit les déambulations inquiètes de Nicolas Cage entre les différents protagonistes de ce Cluedo version XXL, la revisite des perspectives et les révélations, assez évidentes certes mais De Palma construit avec Snake Eyes une histoire au service de sa caméra et non l’inverse. D’ailleurs le générique, sans révéler un twist de dernière minute comme on pourrait l'imaginer au premier abord, s’appuie complétement sur notre capacité d’observation (et non d’écoute) pour comprendre ce que c’est que ce petit caillou brillant qui est si longuement dévoilé (sans trop en dire bien sûr). Le film nous gratifie là d'un petit easter-egg sur le morceau salvateur et presque mélancolique de "Sin City" par Meredith Brooks.


En définitive, De Palma signe avec Snake Eyes un film visuellement magnifique, sur fond d’une galerie de personnages en apparence clinquants mais, dans le fond, baignés à même le vice. Un film parmi ses meilleurs ajoutant ainsi une pierre importante à son cinéma du regard.

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le 19 févr. 2021

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Vagabond

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