Sodom and Gomorrah (Robert Aldrich, Italie, 1962, 2h22)

Malgré le prestigieux nom qui se cache derrière le poste de réalisateur, assisté au début du tournage par un certain Sergio Leone (qui face à la tournure des évènements prit judicieusement le soin de quitter le navire), ‘’Sodom and Gomorrah’’ est un mauvais ‘’Épique Biblique’’ et un bien médiocre Péplum. Robert Aldrich n’étant pas un débutant, il avait pourtant en 1962 une filmographie des plus conséquentes.


Dès les premières minutes du métrage c’est plié, une mauvaise direction artistique, un mauvais scénario, des comédien.nes complétement à côté de la plaque, des décors en carton (littéralement), et un réalisateur aux abonnés absents. Bref, rien ne va dans cette grosse production italienne, dont la principale faute est de traiter d’un sujet sulfureux, sans y mettre les formes. En effet, présenter la décadence des cités de Sodome et Gomorrhe, dans le cinéma classique de 1962, c’est compliqué de tout aborder, ou de tout montrer.


Ainsi les habitants de Sodome (puisque Gomorrhe n’est présente que dans le titre…) sont interprétés par des acteurices qui en font des tonnes. C’est rempli de sous-entendus tendancieux, jamais illustrés à l’écran. Ce n’est pas tant en soi un problème, car de nombreux réalisateurices sont parvenus à travers l’histoire du cinéma à exprimer des thèmes interdits, en les détournant. Par la métaphore par exemple.


Ici, rien de tout ça, ça se veut direct, donc il ne montre rien, et n’utilise pas plus son propos pour essayer de dégager quoi que ce soit. C’est vide, long et ennuyeux, et absolument rien n’est convainquant. La palme de la non authenticité revenant aux hébreux menés par Abraham et Loth dans le désert. Livrés à des conditions extrêmes sous le soleil de plomb du Néguev, ils arborent un bon teint halé, des dents magnifiquement blanches, et des brushings impeccables.


Il est même un personnage qui semble tout droit sorti d’une compét’ de surf : Bronzé, le cheveux blond, fin, muscles saillants et tutti quanti. Et si ça peut sembler un détail, ça devient vite embêtant, car avec leurs petites jupettes et leurs glaives, à courir dans le sable, ils deviennent vite ridicules. Peut-être que les, bientôt, 60 ans du film en sont une raison, mais vu qu’il existe à la même époque (et même avant) des ‘’Épiques Bibliques’’ et des Péplum bien plus convaincants, c’est plutôt la direction artistique qui semble être à blâmer.


Il en va de même pour les choix d’une mise en scène cherchant vainement un souffle épique. Comme lors d’une bataille, où une centaine de cavaliers chargent dans le désert, filmés sous tous les angles. Caméra aérienne, latérale, au cœur de l’action, devant, derrière, de nouveau un grand plan d’ensemble… Ça dure bien plus de cinq minutes, et c’est tout sauf épique. C’est juste une triste tentative de démonstration, pour cacher la misère de l’ensemble.


Le personnage principal du récit, Loth, est le neveux d’Abraham, considéré comme l’un des principaux patriarches par les trois religions monothéistes. Il est interprété par Stewart Granger, un second couteau d’Hollywood absolument pas à sa place dans le rôle. Il est incroyablement mauvais. C’est bien simple, à aucun moment il ne crée une quelconque illusion. Il en devient impossible d’imaginer que ce type est un leader, son jeu est des plus risible, ce qui est vraiment dramatique pour la cohésion du métrage.


Pour ce qui est de l’adaptation, le récit aborde une séquence bien connue de la Bible : la destruction par Dieu de Sodome et Gomorrhe. Sauf qu’au-delà de ça le métrage n’a rien à raconter. Révélant tout au plus un titre mensonger, puisque Gomorrhe n’est jamais présentée à l’écran. Seul la société de Sodome est présentée, à travers le portrait d’une femme manipulatrice et mesquine, aux penchants lesbiens, sadique et caricaturale au possible dans sa posture de grande méchante. Face à un Loth irréprochable, servant au mieux son Dieu unique.


Dans la Bible il est dit que Sodome et Gomorrhe sont détruites avec deux autres cités, Admah et Zéboïm, qui se trouveraient à proximité de la Mer morte. Or, jamais il n’en est fait mention. Ce que traduit ‘’Sodom and Gomorrah’’ c’est une pauvreté intellectuelle et scénaristique, se résumant à établir une facette sans nuance de la décadence. À travers son personnage féminin rendant l’ensemble plutôt douteux, sans essayer d’en tirer une quelconque substance.


Seul la séquence de fin, lorsque Sodome est détruite, vaut à peu près le coup d’œil. Il est en effet amusant de voir les figurant.es bouger dans tous les sens pour mimer les conséquences d’un tremblement de terre. Et de voir le décor en carton-pâte s’écrouler sur le casting qui court dans tous les sens. C’est très kitsch, et peu convaincant, mais arrivé à deux heures d’un métrage complétement vide, on se met ce qu’on peut sous la dent.


Pour l’anecdote, dans la Bible, Chapitre 9 de la Genèse, verset 23, il est écrit : ‘’ Alors l'Eternel fit pleuvoir du soufre et du feu sur Sodome et sur Gomorrhe. Cela venait du ciel, de la part de l'Eternel.’’. Depuis quelques années des archéologues ont développés l’hypothèse que les cités détruites, pourraient l’avoir été par un astéroïde. Des recherches sérieuses menées près de la Mer morte, ont mises à jour l’existence d’une plaine fertile où toutes activités semblent s’être arrêté brutalement. Une catastrophe qui correspondrait au récit retranscrit dans la Bible.


Regarder ‘’Sodom and Gomorrah’’ aura au moins eu le mérite de m’apprendre ça. Sous sa facilité et sa gratuitée sans ampleur, il n’explore absolument jamais la base biblique. Assez furtive, cette dernière ne se prête pas non plus spécialement à en tirer un long métrage de plus de deux heures sur ce sujet.


De fait, tout tourne en rond, puisqu’il n’a rien d’autre à raconter que ‘’la perversion c’est mal… gnnn…’’ lol. Dans ‘’The Bible : in the Beginning…’’ Sodome occupe une partie de la séquence sur Abraham, et parvient en quelques minutes à faire le tour de la question. Car encore une fois, il n’y a pas grand-chose à dire en fait.


Ce métrage de Robert Aldrich (et ça fait mal) est ainsi à des lieux d’être abouti. C’est même un échec sur presque toute la ligne, qui démontre, une fois n’est pas coutume, que ce n’est pas en utilisant un mythe connu, en y mettant des personnages vertueux face à la déliquescence d’une cité, traduite par une liberté sexuelle (la même qui en 1968 pétera à la gueule du monde conservateur) sans tabou, qu’il est possible de faire un bon film. Bien au contraire.


-Stork._

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le 22 avr. 2020

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