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Dans l’univers cinématographique, il y a des étoiles qui scintillent plus fortes que d’autres et qui continuent de briller dans le regard des spectateurs et des cinéphiles, même plusieurs années après leur disparition: Kubrick, Kurosawa, Chaplin, Fellini...


Dans mon (encore petit) voyage dans cet immense univers, il y a des grands noms qui reviennent. Deux d’entre eux sont plus insistants: Ingmar Bergman et Andreï Tarkovski, étoiles imposantes de cet univers que je regarde avec respect et une petite part d’appréhension, n’osant pas ou retardant le lancement de leurs filmographies par frilosité ou par peur d’être mis sur le côté à cause d’idées préconçues sur leurs films (trop exigeant, intellectuel, surtout austère). M’étant abonné à MUBI pendant le confinement, je découvre avec une petite pince d’excitation que la plateforme lance une rétrospective Ingmar Bergman, avec notamment comme premier film Sourires d’une nuit d’été.


Première surprise, le film est une comédie et se rapproche même du vaudeville dans la première partie. Premier constat qui ébranle toutes mes idées sur Bergman: on peut donc sourire devant un de ces films. Si on a en face de nous une vraie œuvre comique, il se cache derrière toute une dramaturgie dans l’écriture des personnages et leurs évolutions, révélant au fur et à mesure leurs angoisses et leurs luttes internes. On sent une influence théâtrale, que ce soit avec le mouvement des caméras s’efface au profit de la performance des acteurs, dans l’unité de temps (une seule nuit) ou dans l’écriture du scénario où on suit des couples se délier et se relier, durant cette fameuse nuit d’été, dans ces contrées scandinaves, où le soleil ne se couche jamais.


Si Sourires d’une nuit d’été commence comme un vaudeville, avec la mise en scène de plusieurs couples bourgeois et une succession de jeux d’amours entre amants. Mais le film perd cette légèreté au fur et à mesure du film pour devenir un tableau des relations hommes-femmes ou les rapports père-fils. On suit un couple, dont le mari avocat s’est remarié avec une jeune femme de l’âge de son fils, étudiant en théologie. L’arrivée d’une ancienne maîtresse, grande comédienne de théâtre, va chambouler l’ordre établi (couples mal assortis à cause de l’âge ou de la classe sociale) pour rétablir un ordre plus naturel.


Le cinéaste fait le portrait d’hommes et de femmes qui ne se comprennent pas et ne correspondent pas l’un à l’autre. Cette incompréhension est surtout portée par les hommes souvent humiliés, notamment cet avocat, remarié à une jeune fille de l’âge de son fils, petit séducteur qui ne comprend pas les choix de son fils et cherche à le tester (est-il attiré par sa belle-mère?), qui sera humilié tout au long du film que ce soit par le nouvel amant de son ancienne maîtresse, par son fils ou par les femmes qui l’entourent et qui perdra tout à la fin. Les autres hommes ne sont pas en reste, entre le fils, étudiant en théologie, jeune homme idéaliste qui ne comprend pas ces relations homme-femme où chacun à un amant officiel et où l’amour ne semble plus que secondaire, et le comte, homme possessif et jaloux, qui ne cherche qu’à sauver son honneur d’homme en déclarant qu’on peut toucher à sa femme mais pas à sa maîtresse pour déclarer l’inverse plus tard. Ingmar Bergman inverse les rapports de pouvoir entre homme-femme et entre classe sociale, avec la servante qui s’amuse de la situation de ses maîtres, que ce soit le fils ou cette jeune femme, encore vierge après deux ans de mariage, à qui elle explique dans une scène teintée d’érotisme comment faire un baiser.


Sourires d’une nuit d’été, sous les codes de la comédie, traite habilement du thème du couple, des jeux d’amours et de la difficulté à comprendre les désirs de l’autre. Cette nuit d’été, pendant lequel le soleil ne se couche pas, fera dire à un des personnages qu’elle sourit trois fois: aux jeunes qui découvrent l’amour (le couple du Henrik et Anne, fils et femme de l’avocat), aux fous et incorrigibles (la servante et le cocher, le comte et sa femme), et aux malheureux (l’avocat et Désirée, l’actrice, deux personnages humiliés tout au long du film car abandonnés par leurs amants).


C’est une très belle entrée dans l’univers de Bergman, sûrement un de ses films les plus accessible, comme quoi ce saut dans l’inconnu m’a permis d’effacer mes à priori et idées préconçues sur ce réalisateur.

L-Cdu92
8
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le 21 juil. 2020

Critique lue 87 fois

L-Cdu92

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