Le nouveau Desplechin est pas mal moqué, mais perso je l'ai beaucoup aimé. Alors certes, ce n'est pas obligé de le voir en salle et un passage sur arte aurait peut-être suffit, mais le fait que ce soit un film sur son amour du cinéma justifie la salle in fine. C'est un film à la première personne, mélange de documentaire, de souvenirs personnels et de fiction reconstituée d'après des souvenirs persos. C'est un film bancal et fragile mais sa sincérité m'a bouleversé. L'amour du cinéma de Desplechin est le même que celui de Truffaut jadis et je crois que c'est pour cela qu'on a toujours dit que Desplechin est un cinéaste truffaldien. Le film est très touchant donc, et puis, d'un coup, il devient bouleversant. C'est le moment où le cinéaste découvre Shoah. Le film de Lanzmann le bouleverse tant qu'il change sa vie, et lui donne une âme juive (même s'il ne l'a jamais été). C'est d'ailleurs un moment important de Comment je me suis disputé, quand le frère de Paul Dedalus, comme par hasard joué par le frère de Desplechin himself, se réveille un beau matin persuadé qu'il est devenu juif pratiquant. Bref, Desplechin se prend la claque du siècle en découvrant Shoah. Il en est tant bouleversé qu'il en pleure, comme chacun de nous, mais surtout la vision de ce film le paralyse, il est incapable de mettre des mots sur ce qu'il a vu. Il est tétanisé. Il n'arrive à s'en sortir qu'en lisant le texte d'une historienne israélienne parlant si bien du film de Lanzmann qu'elle couche sur papier les pensées que Desplechin n'arrivait pas à formaliser. Et ce qu'il y a d'absolument bouleversant dans Spectateurs !, c'est que Desplechin fait le voyage jusqu'à Tel Aviv pour rencontrer cette historienne plus de 30 ans plus tard, et lui expliquer combien ce texte a changé sa vie et a fait qu'il est devenu cinéaste. Cet échange est un des plus beaux moments de cinéma vus depuis longtemps et rien que pour cela Spectateurs ! mérite d'être vu et loué.