On la fait longue. Questions. Qu'est-ce qui inspire tant de mondes chez Spider-Man ? Qu'est-ce qui fait qu'autant d'artistes veuillent tisser un jour une oeuvre de ce personnage ? Qu'est-ce qui a pu intriguer des auteurs tels que Sam Raimi, David Fincher, Ang Lee, Tim Burton, James Cameron ou Alain Resnais (véridique) pour un jour souhaiter faire un film sur l'Homme-Araignée ? Qu'a-t-il de si spécial ? Qu'est-ce qui le rend si populaire ? Populaire. C'est peut-être à partir de ce mot qu'il faut chercher.
Spider-Man, qu'il soit Peter Parker, Miles Morales, Gwen Stacy, Peter Porker, Peni Parker ou ses innombrables versions alternatives, est un jeune héros proche du peuple qui ne parle pas à la masse mais à l'individu en chacun de nous. Il est à Marvel ce que Luke Skywalker est à Star Wars, une silhouette dans laquelle nous nous projetons, notre jeunesse qui apprend à grandir et qui choisit d'exploiter ce qui la rend exceptionnelle pour réaliser des choses extraordinaires. C'est parce qu'il a compris cet état d'esprit que Spider-Man : Into the Spider-Verse est probablement le meilleur film centré sur ce personnage. Il va au plus profond du mythe de l'Homme-Araignée pour parler au plus profond de l'être exceptionnel qui sommeil en chacun de nous.


L'idée d'un film d'animation sur Spider-Man ne date pas d'hier. L'idée paraît pourtant tellement évidente qu'on aurait pu croire qu'elle aurait été concrétisée plus tôt. A l'époque où Sony Pictures Entertainment avait encore le contrôle sur ce personnage (pour ne pas dire l'époque où Avi Arad faisait n'importe quoi avec. Ce qui est toujours le cas, d'ailleurs), le célèbre duo Phil Lord et Chris Miller était déjà chargé de l'adapter dans un film d'animation. Problème, l'échec cuisant de The Amazing Spider-Man : Le Destin d'un héros force Sony à abandonner ses plans d'univers étendu autour du personnage et à céder les tant convoités droits d'adaptation à Marvel Studios pour intégrer Peter Parker au Marvel Cinematic Universe. Et comme Lord et Miller rejoindront plus tard Lucasfilm pour réaliser Solo : A Star Wars Story, le projet de film d'animation est mis en stand-by en attendant de trouver la bonne idée et surtout, la bonne équipe.
Trois noms viendront dorer les rangs de cette équipe d'un nouveau genre: Rodney Rothman, scénariste de 22 Jump Street (donc familier au travail du duo Lord/Miller), Bob Persichetti, ancien de Walt Disney Animation Studios, mais surtout Peter Ramsey, étoile montante de DreamWorks Animation qui a déjà fait montre de son brio avec son film de super-héros féerique Les Cinq Légendes. Et comme si ça ne suffisait pas, Alex Hirsch le créateur de Gravity Falls aurait lui aussi contribué à l'écriture.
Jamais une telle réunion d'artistes talentueux ne s'était formée autour de Spider-Man depuis la trilogie de Sam Raimi. De quoi créer le film ultime sur le super-héros. Et bon nombre de qualités laissent supposer que c'est bien le cas.


La première que tout le monde aura remarqué est son style graphique unique, généralement à mi-chemin entre le comic papier et l'animation 3D mais touchant occasionnellement à d'autres matières. Le film alterne les styles au gré du besoin (ou du personnage visé), il les croise avec une liberté totale, comme une synthèse de toute les techniques existantes pour offrir à chaque plan une originalité détonante et une inventivité explosive. La mise-en-scène rend avec dextérité honneur à cette dimension nouvelle. La caméra n'a jamais été aussi active, elle ne quitte jamais nos personnages, aucun angle ne limite les mouvements qui sont à la fois rapides et fluides. Tout cet ensemble est mélangé pour donner vie à une véritable folie visuelle où la seule règle de la physique respectée sont les corps virevoltant dans les airs, de quoi donner des scènes d'actions aussi immersives que la séquence ferroviaire de Spider-Man 2. Les trois réalisateurs exploitent toute les possibilités que l'animation leur offre, s'inspirant des codes du comic et exploitant toute sortes d'effets de style pour exprimer la moindre sensation. Jamais la licence n'a bénéficié d'une réalisation aussi vertigineuse.


Mais la partie qui nécessitait le plus de soin, en particulier quand on parle de Spider-Man, c'est l'histoire. Les créateurs ont conscience du bagage qu'il porte depuis des décennies et elle se devait d'être engageante.
Ils adoptent à cet effet une approche complètement inédite et appropriée en assumant à raison que le public connaît désormais le Tisseur, tant dans la diégèse que dans la réalité, en prenant surtout exemple sur le Voyage du Héros. Miles Morales n'est qu'un jeune homme tout-le-monde, avec de grandes capacités refoulées, qui découvrira par hasard des pouvoirs extraordinaires, le film s'axe entièrement sur son apprentissage. On peut penser que cela simplifie le récit mais il le rend plus accessible et universel pour les plus jeunes comme les plus grands ayant une connaissance approfondi du personnage.
C'est probablement ce qui en fait le film ultime sur Spider-Man, car il localise directement ce qui fait toute son aura auprès de nous et mieux, la personnifie. Il n'est pas seulement un film résonnant au plus profond du cœur du fan s'étant toujours fantasmé dans la peau du personnage, il est surtout la première méta-fiction sur Spider-Man.


De la réaction du public pour sa disparition tragique


jusqu'à la quête de Miles pour devenir lui-même Spider-Man, ce n'est pas l'image du héros qui est questionnée, seulement la volonté d'en devenir un. Car au-delà de traiter les adorables Spider-Héros comme des personnage, il traite l'image de Spider-Man comme une icone, une idée, l'être accompli que nous voulons tous devenir.


Le film pourrait tout aussi bien parler d'une autre icone comme Superman ou Batman qu'il ne serait pas approprié tant tout ce qui le constitue est un amalgame de tout ce qui lui est spécifique: Il est jeune, libre, enjoué, énergique, coloré, équilibré, engagé, responsable, extraordinairement ordinaire. Il rappelle à l'enfant au milieu du public qu'il peut lui aussi devenir un héros en exploitant ses talents. Sans lui épargner la beauté et la difficulté de ce que ce talent implique. Aussi rude que cela doit être de grandir, il lui fait traverser les traditionnels épreuves qui lui feront comprendre qu'un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. L'échec, la non-conscience de son potentiel, l'enseignement d'un mentor


et la disparition de ce dernier


qui lui donnera la conviction d'agir pour le bien.


Le film est brillant car il a parfaitement conscience que l'histoire de Spider-Man est classique mais incontournable et il n'en contourne aucun point. L'impact dramatique de ses épreuves les plus reconnues et les plus inspirantes sont fidèles tout en surprenant le public par ses rebondissements inattendus.


Le décès de Spider-Man. L'objectif du Caïd. L'apparition surprise du Dr. Octopus. Peter Parker au fond du trou retrouvant enfin un équilibre affectif. Le Rôdeur et son rôle déterminant dans l'évolution de Miles, comme un pivot décisif dans la vie de chaque Spider-Héros.


Spider-Man : Into the Spider-Verse est une étape importante pour le personnage de Stan Lee et Steve Ditko. La consécration d'un héritage et le plus grand hommage que Spider-Man et les comics pouvaient recevoir de la jeune génération qu'ils ont inspiré et qu'ils continueront d'inspirer. C'est le film qui rend le plus honneur à l'Homme-Araignée. C'est le film qui lui ressemble le plus, qui NOUS ressemble le plus. Il est le film Spider-Man ultime.

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le 18 déc. 2018

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Housecoat

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