Souvenirs des anciens combattants

C’est au cours de l’été 2021 que j’ai eu vent des rumeurs de la réunion des trois Spider-Man dans un seul film. N’étant pas un fan du MCU, je me suis laissé prendre au jeu en me disant « Allez, après tout, ce film pourrait être top, laissons-nous tenter ». Je dois avouer que la hype est très vite montée et il y a bien longtemps que je n’avais pas autant attendu la sortie d’un film dans les salles obscures.

À la sortie de la salle, je suis globalement déçu même si j’ai passé un agréable moment. On comprend très vite que le film est limité en raison de son budget.

La première partie - jusqu’au dérèglement des univers - ne m’a pas du tout convaincu. L’introduction du multivers se fait à la suite d’un « caprice » d’adolescent ? Sérieusement ? Je ne connais pas très bien le MCU, mais il me semble que Docteur Strange est tout sauf un « sorcier-génie à lampe » qui bouscule l’ordre de l’univers à la demande du premier venu. C’est plutôt quelqu’un de raisonné et ce choix scénaristique est très surprenant. Je serai curieux de savoir comment les fans inconditionnels du MCU ont pris cette annonce. Sans vouloir refaire le film, je pense que la révélation de l’identité de Peter Parker en tant que Spider-Man par Mysterio aurait pu (du) se faire dans Far From Home. Cela aurait permis de dégager quelques minutes au début du film pour davantage accentuer la déception de Peter et celles de ses amis, afin de mieux introduire les raisons qui le poussent à se tourner vers l’ultime solution selon-lui : demander l’aide du Docteur Strange. Du coup, l’intrigue est lancée de façon bancale et le film perd à ce moment toute crédibilité selon moi. Mais bon, je suis dans la salle, je me dis que j’ai encore du temps pour être surpris.

La deuxième partie et l’arrivée des méchants des univers parallèles relance le tout même si je n’ai pas été surpris : c’est ce que montre la bande annonce. La bataille sur le pont avec Doc Oc’ est très réussie : j’ai eu l’impression de revenir des années en arrière ! Seul petit bémol : ce dernier est introduit à l’écran sans son thème musical, dommage car la scène n'en aurait été que meilleure encore. La confrontation avec Électro est sympa elle aussi, même si l'on ne voit pas grand chose de nuit. Point n’est besoin de s’étendre sur l’antagoniste principal du film. Willem Dafoe, dans le rôle du Bouffon Vert - avec un super costume sorti tout droit des Comics - est, il faut le dire, tout simplement magistral ! Hélas, faute de budget, tous les méchants ne sont pas traités à parts égales. J’en veux pour preuve le Lézard, qui est là pour faire de la figuration.

La troisième partie est à l’égale de la précédente. L’arrivée des Spider-Man fait chaud au cœur, mais la scène avec la grand-mère de Ned est trop longue. Même si Tobey Maguire et Andrew Garfield apparaissent à l’écran comme deux vétérans, je suis tout de même soulagé de les avoir vus à l’action. Ma crainte était de les apercevoir seulement en cameo avec un effet « grand frère qui apporte un conseil mais qui n’intervient pas ». Me voici rassuré.
Incohérence de nouveau : pourquoi les méchants décédés reviennent-ils ? Le film prend le multivers à un instant T, dans lequel Spider-Man (Tobey Maguire) est plus âgé que Spider-Man (Andrew Garfield) lui-même plus âgé que Spider-Man (Tom Holland). Il y a donc un double effet : retour dans le temps et voyage dans un autre univers. Cela laisse encore perplexe mais, comme dirait Docteur Strange : « Le multivers est un concept dont nous ne savons pas grand chose, c’est-à-dire rien ». On peut donc faire les choix que l’on veut …

Et, alors qu’on commence à prendre du plaisir malgré toutes ces incohérences, la bataille finale se lance et c’est … de nouveau un bémol. Les combats sont plaisants, chacun tient bien la baraque mais le spot choisi est inapproprié. D’accord, la statue de la liberté c’est symbolique, mais j’aurais préféré voir une bataille au coeur de New York à la vue de tous les habitants de la ville. D’ailleurs, choisir un lieu couvert par les caméras de John Jonah Jameson où toute la ville de New York - et le monde par extension - prend conscience de l’existence d’autres Spider-Man (donc d’univers parallèles) aurait bien mieux justifié le choix de Peter Parker, devenant ainsi un véritable héros, de faire oublier à tout le monde qu’il est Spider-Man.

Finalement, c’est lorsque tout ce petit monde est rentré chez soi et que Peter se retrouve seul que le film fonctionne. La scène du café avec MJ (Zendaya) fait prendre au personnage de Peter de la hauteur. Dommage que cela ne soit pas le cas avant.

Les clins d’œil diffusés ça-et-là font leur petit effet. Les scènes d’humour (discussion entre les méchants dans le QG du docteur Strange, entre les trois Spiderman et leurs différentes facultés) sont amusantes, quoiqu'un temps soit peu embarrassantes. C’est la patte du MCU, ça se voit et c’est plutôt réussi. J’aurai presque aimé voir quelques scènes supplémentaires de ce type comme une discussion entre le Docteur Octopus et le professeur Conors dans laquelle le premier se rend compte que son vieil ami de fac est devenu un Lézard géant dans un univers parallèle.
Mais, en dehors de cela, les scènes d’émotion ne font aucun effet … Les dialogues sont pauvres et la VF, très mal doublée, rend le tout encore plus plat. Heureusement que les deux anciens Spider-Man sont de retour parce que les seuls méchants ne suffisent malheureusement pas à porter le film. Il n’y a qu’à voir la façon dont le Doc Oc’ est ridiculisé.

Vous l’aurez compris, le scénario est le point noir du film selon moi. Le choix de faire un pas de côté, en préférant la coopération entre « gentils » et « méchants » à l’affrontement, est un parti pris intéressant, mais rendu niais en raison de la faiblesse du scénario et de l’absence de profondeur du personnage de Peter Parker. Ce qui ne remet pas en cause l’interprétation de Tom Holland, convaincante. La musique, qui était un des points forts de la première trilogie, est insignifiante. On sent bien qu’il n’y avait plus de sous …

Si l’objectif était de faire venir les fans de la première heure dans les salles obscures, le contrat est rempli. Je suis venu. En revanche, s’il s’agissait de nous faire (r)accrocher à l’univers MCU, c’est définitivement raté pour moi. Toutefois, pour les fans inconditionnels de cet univers, je peux concevoir que ce film soit épique. Là où la trilogie originelle s’adressait plutôt à de jeunes adultes, j’ai bien senti à la vue de cette adaptation que le public visé est en priorité le jeune adolescent et/ou fan du MCU et non le grand public. Reste à savoir si ce film - et le triptyque dans lequel il s’insère - resteront dans les annales comme la première trilogie voire même the Amazing Spider-Man.