Pour son premier documentaire, le photographe et réalisateur néerlandais basé à Londres Anton Corbijn s'est embarqué dans le récit des péripéties d'un studio de conception graphique extrêmement célèbre, Hipgnosis. Ce nom n'est probablement pas connu en dehors de certains cercles amateurs de sons des années 1960 / 1970, mais il est en revanche beaucoup plus probable que tout le monde soit familier avec le travail de Storm Thorgerson et Aubrey Powell sans en connaître les auteurs. La pochette de Dark Side of the Moon des Pink Floyd avec son prisme sur fond noir ou celle du cochon dans le ciel au-dessus de Battersea Power Station pour Animals, les enfants nus rampant sur des rochers octogonaux de la Chaussée des Géants en Irlande chez Led Zeppelin pour Houses of the Holy, ou encore Peter Gabriel déchirant la pochette d'un de ses albums portant son nom... Autant d'images iconiques qui ont marqué la musique de cette époque et qui ont toutes pour origine un studio dans une petite rue du West End de Londres.


L'histoire de Hipgnosis est racontée en premier lieu par Aubrey Powell, Storm Thorgerson étant mort en 2013, entouré par quelques grandes guest stars : Paul McCartney, Roger Waters, David Gilmour, Nick Mason, Robert Plant, Jimmy Page, ou encore Peter Gabriel. Elle est passionnante à plus d'un titre, d'abord pour le cadre culturel qui accompagne sa création, avec le repère de marginaux qui peuplaient le squat et le bouillonnement créatif autour de la musique dans ce qu'elle représentait alors, mais aussi pour la pléthore d'anecdotes qui se cachent derrière la création de toutes ces pochettes qui peuplent l'imaginaire de Rock progressif ou psychédélique de ces années-là. De la trouvaille du nom (une boutade signée Syd Barrett gravée sur la porte, selon certains) jusqu'à leur première création (la pochette de A Saucerful of Secrets en 1968) et jusqu'à leur rupture en 1983. L'histoire proprement délirante derrière l'immense cochon en plastique gonflé à l'hélium pour la photo de l'album Animals, qui suite à un incident technique s'est retrouvé libre comme l'air, porté par les vents, provoquant l'interruption de tout le trafic aérien et la colère d'un agriculteur dont les moutons étaient effrayés par la chose qui avait par la suite atterri dans son champ. Ou encore la vache dans le champ pour Atom Heart Mother.


Anton Corbijn montre bien comment les personnes derrière Hipgnosis faisaient partie intégrante de l'univers pour lequel le studio travaillait, offrant par là-même un parallèle évident avec son propre travail de photographe rock ou de créateur de vidéo. C'est sans doute Noel Gallagher qui résume le mieux l'ensemble (sans que j'y souscrive entièrement) : "They represent the golden age of the music business, where people believed that music was art and it could change the world. Whereas now music is a commodity".


https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Squaring-the-Circle-The-Story-of-Hipgnosis-de-Anton-Corbijn-2023

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le 12 janv. 2024

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