Le camp d’emprisonnement est un sous-genre du film de guerre : il dit l’honneur des captifs (Le Pont de la Rivière Kwai), leur humanité (La Grande illusion) ou les voies d’une nouvelle aliénation (La Colline des hommes perdus) : à l’abri du front, il déplace les enjeux et permet, sans le recours aux explosions et mises à mort, de complexifier les rapports humains.


Stalag 17 commence d’ailleurs par une transgression narrative qui fustige ce manquement des films de guerre, oubliant de traiter les soldats privés malgré eux de combats, mais qui n’en sont peut-être pas moins héroïques.
Billy Wilder joue sur plusieurs registres, au premier rang desquels la comédie, qui tient une place importante dans le centre du film. Alors que la séquence de départ dramatise les enjeux (une évasion ratée, et la présence mystérieuse d’une taupe parmi les prisonniers), la vie collective va, probablement dans l’optique d’humaniser les personnages, faire la part belle à l’humour. Par la parodie qui tourne en ridicule le commandant allemand (Sig Ruman, fantastique comme à chaque fois, et incontournable nazi depuis To Be or Not To Be de Lubitsch), les aménagements visant au divertissement, des courses de rats au voyeurisme sur les prisonnières russes du camp d’en face, et le lucratif marché noir qui rend à peu près tout monnayable.


Assez dilettante sur ces passages, le film s’embourbe un peu, notamment dans le jeu poussif de certains comédiens, particulièrement de Robert Strauss qui passe son temps à rouler des yeux comme on n’oserait même pas le faire dans un film muet, dans un duo grotesque un peu redondant.


Le récit n’en reste heureusement pas là, et sait dépasser cette approche un peu superficielle pour revenir à la question de l’engagement et de la solidarité à travers la figure du traître : la mauvaise piste donnée avec évidence sur le probable coupable génère ainsi des tensions et des coups de canifs dans la solidarité affichée du groupe, qui va se laisser aller à l’hystérie collective avant de trouver les voies d’une rédemption assez efficace sur le plan narratif. L’ensemble, de bonne facture, tient la route sur le plan du thriller et de l’intrigue, mais reste tout de même un peu grossier et théâtralisé. Nous sommes encore loin de la radicalité qu’atteindra Lumet 12 ans plus tard dans The Hill, et qui saura donner sa pleine mesure aux enjeux d’un lieu si fertile en termes de dramaturgie.


(6.5/10)

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le 5 juin 2018

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Sergent_Pepper

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