Stalker est le cinquième film d'Andrei Tarkovski (l'un des plus grands réalisateurs de son époque, il n'aura fait que 7 long-métrages mais chacun d'entre eux ont leur identité et une démarche menée par son réalisateur qui a également écrit un livre : Le Temps Scellé, sur sa manière de voir le cinéma et où il analyse ses films), considéré comme un monument du cinéma russe et comme l'un des plus grands films d'art et essai de SF.


Le scénario du film est basé sur le livre homonyme écrit par Arcadi et Boris Strougatski.


Le titre du film, Stalker vient d'ailleurs d'un terme anglais qui signifie « chasseur furtif et silencieux » (littéralement, chasseur à l'approche, rôdeur, ou traqueur). Le terme sera détourné dans les années 90, pour le transformer en harceleur, suite à des affaires comme celle de Ricardo Lopez, qui harcelait la chanteuse Björk.


Et pour vous faire un résumé du film : quelque part (le film a été filmé en Estonie et les membres de l'équipe de tournage ont malheureusement été touchés par une vague de cancers à cause de la pollution industrielle), il existe une zone, lieu dont personne ne connaît la nature.


Cette zone est crainte par tout le monde et est cernée par la police (possible critique du KGB). On ne peut y entrer : elle est considérée comme dangereuse. En son cœur, on dit qu'il existe un lieu, « la chambre », où tous les souhaits peuvent être réalisés. Des passeurs, nommés « stalkers », peuvent guider ceux qui tentent d'atteindre la zone …


Un écrivain et un professeur de physique sont parvenus à entrer en contact avec un Stalker et décident de pénétrer dans la zone et de découvrir cette fameuse chambre. Ils ignorent que la zone suit ses propres règles, dont seul le Stalker peut comprendre le sens. Ces règles contraignent le professeur et l'écrivain à révéler leur personnalité intime, ce qu'ils cachent au plus profond d'eux-mêmes.


Durant tout le film, Tarkovski joue via sa mise en scène et les dialogues du Stalker, pour susciter la croyance de ses " clients " et du public (le divin y est sublimé) sans qu'il y soit la moindre manifestation dans la zone. D'ailleurs, le film produit un effet surprenant : il ne s’y passe presque rien et pourtant un malaise diffus saisit le spectateur dès la première scène et ne le lâche plus jusqu’à la fin, jusqu’au moment où il découvre les pouvoirs surnaturels de la fille du Stalker.


Stalker est un film sur un monde sans croyance et de son impact sur les gens, personnifié par le professeur et l'écrivain qui ne sont pas sensibles à la foi. Au final, l'écrivain ne vient que pour trouver un bon script en se basant sur la zone et par curiosité et le professeur pour détruire la zone.


Pour citer Tarkovski:



Le Stalker a besoin de trouver des gens qui croient en quelque chose, dans un monde qui ne croit plus en rien …



Le film est à propos de l'existence de Dieu en l'homme, de l'homme et de la spiritualité comme résultat d'un savoir erroné.



Avec la fable du Stalker sur porc-épic, on peut aussi voir la seconde grande thématique du film : le désir !


Sauf que cette quête du désir ne peut se faire facilement, en effet, seul les plus honnêtes et misérables peuvent passer au travers des pièges.


Porc-épic a lui-même utilisé son frère pour passer les pièges, mais son frère mourra en chemin ... Porc-épic transgressera alors, les règles de la zone pour accéder à la chambre pour ressusciter son frère, pour que la chambre lui donne à la place, une grande somme d'argent ! Cela l'horrifia tellement, qu'il se suicidera !


De ce fait, avec toutes les informations que nous avons, on peut émettre l'hypothèse, que le Stalker en se basant sur une zone interdite par l'état, aurait inventé de fausses règles, de faux pièges, une fausse chambre et de fausses anecdotes (le professeur dira que l'anecdote de porc-épic vient du Stalker et qu'il n'en a jamais entendu parler de quelqu'un d'autre), dans le but de satisfaire son désir : être heureux (il dit lui-même que sa dignité, sa liberté et son bonheur se trouvent dans la zone) !


Même si à la fin du film, la fille du Stalker aurait des pouvoirs télékinésiques (car on peut en douter et dire que le verre a été bougé à cause du train), car là où l'exposition de son père dans la zone, lui a prit ses jambes, elle lui a donné autre chose montrant une autre thématique chère à Tarkovski : le Sacrifice (on peut autant y voir la manifestation du discours du Stalker qui dit que la faiblesse est sublime, la force est méprisable. Quand un homme naît, il est faible et souple. Quand il meurt, il est fort et raide.) !


Le film montre d'ailleurs un aspect hypnotique par sa capacité à nous mettre en transe par sa réalisation et ses musiques qui forment des boucles (comme dans la séquence du treuil, où on passe en premier lieu avec l'écrivain qui regarde en arrière puis vers l'avant, qui nous fera passer au professeur qui lui aussi regardait en arrière, puis regardera également en avant pour passer au Stalker, qui lui garde la tête en avant pour regarder vers sa droite pour voir le décor avec au début, le son du treuil, pour qu'un synthétiseur prenne de plus en plus de place dans la séquence, jusqu'à ne plus laisser entendre le treuil, qui laissera enfin le passage du ton sépia à la couleur qui libère le personnage principal et le spectateur) en évitant l'ennui en amenant toujours de nouvelles informations au spectateur attentif par le biais de métaphores (l'importance des éléments, la ville, les pièges, le traitement de l'image, etc.) qui sont rapportées aux personnages par les mouvements de caméra permettant d'insuffler un aspect poétique, en sachant que le film est entrecoupé de poèmes de Fiodor Tiouttchev ainsi que d'Andrei et Arseni (son père) Tarkovski.


Le ton sépia du début du film, sert principalement à pointer du doigt la misère du Stalker et son malaise, contrairement à la couleur qui montrera les moments de bonheur du personnage.


De plus, on peut remarquer qu'au début, la ville est brumeuse comme dans les films noirs qui montrent des villes en perdition, oppressées par la corruption ...


Après, Stalker reste une œuvre d'art avec ses différentes interprétations, en cherchant bien, on pourrait même dire que Stalker est une critique du communisme de Khrouchtchev (même si à l'époque, c'était Brejnev qui était au pouvoir, le film ayant déjà eu du mal à sortir, critiquer le chef actuel de l'URSS, aurait été fatal à Tarkovski) qui avec ses dénonciations du régime de Staline, c'est fait beaucoup d'ennemis et a déclenché les années les plus tendues de la guerre froide (avec la crise des missiles de Cuba). Avec cela, nous aurions une explication de la "création" de la zone … et dans ce cas, le film passerait le message qu'il ne faut jamais oublier de croire en Dieu, car ça mènerait à des actes immoraux comme les Guerres mondiales et la création de la bombe atomique …


En bref, Stalker est un film à regarder au moins une fois dans sa vie tant l'expérience est unique !

Créée

le 7 sept. 2018

Critique lue 929 fois

4 j'aime

Albator_Larson

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