Ne rien attendre d'un film, le laisser pleinement vous surprendre en atténuant les espoirs est bien souvent la meilleure manière de l'apprécier à sa juste valeur. Je suis parti dans ce neuvième volet avec cet état d'esprit. N'étant ni un féroce détracteur de cette nouvelle génération de films Star Wars, ni un admirateur béat, simplement un passionné par cet univers dont l'amour pour le cinéma commença il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine, j'espérais que J.J.Abrams terminât cette saga - à mes yeux mitigée - en retrouvant une cohérence perdue suite à un épisode VIII aussi téméraire que destructeur. 


Malgré toutes ces précautions de visionnage, j'ai quand même été déçu. La faute d'emblée à une introduction complètement "rushée". L'ascension des Skywalker démarre en trombe, ne nous laisse pas le temps de respirer, il accumule les péripéties (comme pour noyer le poisson ?), empêchant nos éventuelles interrogations, gâchant définitivement nos retrouvailles avec les héros car nous sommes précipités dans une action sans mise en contexte. Pourquoi s'est-il senti le besoin d'expédier ainsi son prologue ? Jamais un film Star Wars ne débuta aussi brutalement. Passé cette circonspection initiale, le film trouve un rythme de croisière plus conventionnel même si cette cadence effrénée accompagnera l'histoire jusqu'au bout.


Qu'a-t-il donc à raconter cet épisode IX ? Les réponses aux éléments tissés dans les deux premiers films sont-elles satisfaisantes ? Clôt-il efficacement la trilogie ? 


Le minimum syndical en ce qui me concerne. Il ne s'embarrasse pas vraiment des apports de l'épisode précédent, J.J. Abrams fait comme s'il n'avait été qu'un interlude indépendant entre ses deux films. Et il entend retrouver par-delà les réponses proposées dans l'épisode IX un héritage, une filiation, une dynastie, des éléments évacués par le Star Wars "déconstruit" de Rian Johnson. Le personnage de Rey, logiquement, prend de l'ampleur et commande le film. Elle est plus que jamais le protagoniste principal de cette trilogie. Cette conclusion aura fini de consacrer ce statut. Son ambivalence, ses pulsions obscures, plutôt finement illustrées par J.J.Abrams, représentent une des trop rares réjouissances du film. Et son antagoniste, sans rien en dévoiler ici, comme sorti d'outre-tombe, donne au film une dimension tragique et crépusculaire jusqu'alors inespérée. L'esthétique d'ailleurs, très "cyber-gothique", tranche avec l'univers clinquant, éclaboussé aux lensflares et aux effets spéciaux colorés épileptiques qu'on connait maintenant depuis Le réveil de la Force


Outre cette opposition réussie, le film déçoit. Rien de ce qu'il injecte comme nouveaux personnages, nouveaux lieux, nouveaux combats aux sabres lasers ou à bords des vaisseaux spatiaux ne convainc. Pire, L'ascension des Skywalker manque cruellement de moments de bravoure. Une trame narrative de nouveau déjà vue - course-poursuite et chasse aux objets - ne pouvant s'élever au niveau requis et attendu d'un chapitre final d'une des sagas les plus importantes de l'histoire du cinéma... Une impression définitive de chaos ressort du film. Comme si J.J.Abrams, de peur de n'avoir le temps de boucler son grand spectacle, s'empressa de tout faire rentrer au forceps, quitte à sacrifier l'harmonie d'un film sur l'autel du rendement.


L'heure de faire le bilan a sonné. Force est de constater que le poids du passé, trop lourd à porter sans doute, a handicapé depuis le premier jour cette entreprise considérable d'un retour de la franchise, exhumée par l'Empire Disney. Peut-être auraient-ils dû se passer de cette trilogie de transition, puisque nous en sommes là, pour s'affranchir d'un cahier de charge monumental et d'expectatives multiples d'un public aux mille visages... 


Star Wars est mort... Vive Star Wars

Liverbird
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le 19 déc. 2019

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Liverbird

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