Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… Quand Star Wars revint en 2015 après quasiment dix années d’absence, la célèbre franchise se relançait dans une trilogie qui allait nous transporter à nouveau dans les étoiles quitte à être la trilogie de trop, mais pouvant assouvir un appétit irrésistible chez ceux qui voulaient encore faire un tour dans ce fabuleux manège tombé aux mains de Disney. Avec L’Ascension de Skywalker, une nouvelle page se tourne, peut-être la dernière, et nous sommes désormais bien seuls…


Il y a 42 ans maintenant, George Lucas donnait vie à un véritable mythe du septième art. Trois films légendaires, auxquels il offrira, près de vingt ans après, une suite, ou plutôt ce que l’on appelle la « prélogie », revenant aux sources du mythe qu’il a construit. Cette nouvelle trilogie fut celle de l’après. Après la chute de l’Empire, et après le mythe, son appropriation par le public, sa résonance dans la conscience commune. J.J. Abrams avait su, avec Le Réveil de la Force, conjuguer la nostalgie avec le port d’un regard neuf sur la saga, où les légendes fascinent autant que l’on veut s’en affranchir. Mais les comparaisons avec Un Nouvel Espoir mirent en péril la légitimité de ce septième épisode déjà mal-aimé par beaucoup. Les Derniers Jedi vint diviser encore plus les spectateurs, plaisant pour sa capacité à faire fi du passé et à oser des choses, et révoltant des fanboys souvent extrêmes qui allèrent jusqu’à demander la destitution du film en tant qu’épisode de la saga Skywalker.


Alors, dans un contexte aussi tendu et compliqué, avec le retour de J.J. Abrams aux commandes, comment pouvait se présenter L’Ascension de Skywalker ? La tâche était en effet bien difficile, tant Les Derniers Jedi avait littéralement coupé court à de nombreux débats qui avaient débuté avec Le Réveil de la Force. Mais était-ce véritablement un mal ? Car si le film de Rian Johnson pouvait être aussi exaspérant que lumineux, il avait, dans son ensemble, une singulière capacité à aller là où l’on était encore peu allé dans Star Wars : dans une zone inconnue, où le risque existe, là où lumière et ténèbres se conjuguent dans le maintien d’une ambiguïté permanente. Le départ (prévu) de Rian Johnson et, surtout, le retour aux commandes de J.J. Abrams, en lieu et place de Colin Trevorrow, dessinait déjà le scénario tant redouté à l’approche de ce neuvième opus. Alors que Rian Johnson invoquait l’iconoclasme pour redonner du souffle à la saga dans Les Derniers Jedi, L’Ascension de Skywalker enclenche brusquement la marche arrière, et enlise un peu plus une trilogie qui se cherchait, au risque de rater cette conclusion tant attendue.


En effet, les défauts qui accableront L’Ascension de Skywalker se font rapidement sentir. Les scènes s’enchaînent vite, très vite, trop vite. Un climat d’urgence émane de ce neuvième film qui va à tout allure, sans que l’on sache vraiment où il va se diriger. Les indices sont toutefois assez clairs, et les réponses finales presque attendues. Mais le chemin qui va nous y mener est des plus tortueux. Toujours plus de planètes, de péripéties, de créatures fantastiques… Nul doute que l’univers proposé par J.J. Abrams est riche et des plus plaisants, mais le spectateur n’aura bien que peu de répit dans un film qui ne laisse plus le temps de poser, de respirer, d’admirer. Le rythme suivi par L’Ascension de Skywalker est symptomatique du contexte dans lequel il a vu le jour, celui d’une firme désorientée par la désapprobation d’un certain public, qui veut recoller les morceaux, se faire pardonner, qu’on lui dise qu’on l’aime.


Malheureusement, le grand perdant dans l’histoire sera le spectateur, venu assister à une conclusion digne de ce nom, savoir ce qu’il en est vraiment, et dire au revoir à tous ces personnages. Pour synthétiser L’Ascension de Skywalker, on a l’impression qu’Abrams a voulu faire deux films en un. Comme s’il avait voulu étirer la trame en arrière dans une durée correspondant à un seul épisode, comme s’il reconstruisait une sorte de huitième épisode embryonnaire à l’image de ce qu’il aurait réalisé, en revenant, en cours de route, effectivement dans ce neuvième épisode pour terminer la trilogie. Car la tournure prise par L’Ascension de Skywalker ne fait qu’illustrer un désaveu éhonté de Les Derniers Jedi, balayé d’un revers de main, dont les restes ne sont là que parce qu’il faut maintenir une cohérence d’un point de vue scénaristique. Il ne s’agit cependant pas de défendre à tout prix le film de Rian Johnson, dont on peut contester la qualité pour de nombreuses et très bonnes raisons. Mais il faut admettre qu’avec L’Ascension de Skywalker, Disney prouve son incapacité à assumer un choix, laissant un mercantilisme fondé sur la complaisance éteindre quelques bribes d’audace qui font chuter la saga dans l’inconsistance.


Faut-il tout jeter dans L’Ascension de Skywalker ? Certainement pas. En dépit de ses (trop) nombreux défauts, ce film a pour lui toute l’aura de la saga, qu’il condense en proposant un divertissement qui offre un dernier spectacle de la part de la dynastie Skywalker. J.J. Abrams fait de son mieux pour que son film soit beau, pour proposer de beaux plans, et c’est également un point sur lequel le film s’en sort plutôt bien. Ce n’est pas un film qui pâtit de mauvaises idées, car il a de bonnes idées. Mais il pêche principalement dans l’exécution, subissant les conséquences de toutes les approximations qui ont accompagné la réalisation de cette trilogie. Et pourtant, on essaie de maquiller tout cela, d’aller vite, très vite, de sortir sans cesse des lapins du chapeau pour désamorcer une situation, pour vite passer à la suivante… Mais est-ce réellement ainsi que l’on s’extirpe d’un tel bourbier ?


Quarante années de création et de culture d’un mythe méritaient-elles de trouver une conclusion aussi expédiée ? Cette « postlogie » était celle de l’héritage, celui des Skywalker dans la diégèse du film, celui de Star Wars dans notre monde à nous. Elle avait, jusqu’ici, trouvé un cheminement, partant d’une nostalgie douce-amère pour se diriger vers une approche mêlant enseignements et remises en question. Pour une fois, nous n’étions ni du côté obscur, ni du côté dit « lumineux », nous étions entre deux, sans volonté d’appropriation ni de désacralisation. Sauf qu’avec L’Ascension de Skywalker, Disney s’approprie définitivement le mythe, laissant à un petit groupe la main sur son destin, pour que le sacré reste sacré, recollant la statue brisée avec des sparadraps.


Mes attentes au sujet de ce neuvième film étaient toutes mesurées. Certes, la bande-annonce m’avait beaucoup « hypé » sur l’instant, et je porte cette saga dans mon cœur depuis mon adolescence, pendant laquelle j’ai revu les films en boucle. Forcément, le rendez-vous était pris, et malgré un enthousiasme souvent en demi-teinte vis-à-vis de cette trilogie, le potentiel était présent. Hélas, les promesses affichées ne furent qu’à moitié tenues, confirmant les craintes au sujet d’une trilogie qui ne savait pas, dès le début, où elle allait. Il aurait sûrement fallu qu’Abrams réalise les trois films, comme ce fut le cas avec Lucas pour la prélogie, ou que, comme prévu initialement, et comme ce fut le cas lors de la première trilogie, trois réalisateurs différents réalisent les trois films. Alors cette « postlogie » aurait pu pleinement assumer sa direction, trouver son chemin, et perpétuer le mythe.


La conclusion finale arrive à une certaine concorde, et à un climat d’apaisement, sauf qu’à ce moment, le mal est déjà fait. Le manque d’émotions, le rythme bien trop rapide, les innombrables jokers invoqués pour camoufler un scénario bancal, les rires dans la salle à des moments décisifs… Tant de choses laissent le générique final de L’Ascension de Skywalker se lancer avec un goût amer en bouche. Comment ont-ils pu tomber aussi facilement dans le piège qui se présentait face à eux ? A l’instar d’Avengers : Endgame, plus tôt dans l’année, L’Ascension de Skywalker est surpassé par les enjeux, n’ayant plus comme recours que la nostalgie des fans pour espérer que ceux-ci s’accrochent à un navire à la dérive. Avec le recul, L’Ascension de Skywalker semble, en voulant l’effacer de notre mémoire, donner toujours plus de crédit à Les Derniers Jedi, un film ô combien imparfait à bien des égards, grand mal-aimé de la saga mais qui montrait peut-être la bonne voie, et dont le spectre rôde sans cesse dans un film qui cherche à l’effacer des mémoires. Fais-le ou ne le fais pas, mais il n’y a pas d’essai, disait Yoda. Les fanboys ont gagné, Disney les a écoutés, mais à quel prix ?


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

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le 18 déc. 2019

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