Il y a comme une dualité qui règne sur cet Episode VII. Un positionnement difficile à trouver entre les attentes des fans et les attentes commerciales, toutes les deux immenses. Le pari de cette renaissance était relativement risqué. Cela ne paraît pas évident de réussir à prolonger une saga aussi mythique en lui restant fidèle et en l'amenant vers une nouvelle ère. Autre défi de taille, faire un film grand public qui soit aussi un succès critique, en somme un blockbuster intelligent et complet.
J. J. Abrams est un peu dans la position d'un chef dans un restaurant très étoilé qui doit revisiter un plat traditionnel, avec la pression de convaincre les septiques, ceux qui ne l'ont jamais goûté, et ravir les habitués, tout en faisant un maximum de couverts. Sans trop pousser l'analogie, les ingrédients de base sont un peu rassis, alors que les nouveaux sont d'une grande fraîcheur. On sent que le chef à suivi la recette à la lettre.


Cette nouvelle trilogie se construit sur les vestiges de l'originale, l'intrigue et les nouveaux personnages de ce septième volet sont même calqués sur ceux de base. Beaucoup de ressemblances entre les nouveaux rôles, vaisseaux, planètes...et les anciens. Jakku fait évidemment penser à Tatooine, Maz Kanata à Yoda, Rey à Luke, Poe à Han Solo..., la liste est loin d'être exhaustive. Il y a surtout un parallèle flagrant avec la destruction de l'Etoile Noire dans "Un nouvel espoir". Des excès de références et de similitudes qui empêchent à cet épisode de trouver sa totale singularité. L'équilibre entre les codes de la saga et la modernisation manque un peu d'harmonie. La dualité évoquée plus haut se trouve aussi dans le passage de relais un peu insistant entre l'ancienne et la nouvelle génération.


Il est clairement question d'héritage avec "Le réveil de la Force". L'héritage des jeunes acteurs et de leurs personnages qui saisissent brillamment le relais tendu par une Leïa/Carrie Fischer grisonnante, un Han/Ford qui précipite sa chute et un Luke/Mark Hamill iconisé. L'intrigue appuie sur les questions de filiations entre ces deux générations de personnages. Si on s'est préservé des réponses, chaques liens est intriguant, tous, sauf un. La seule histoire familiale révélée dans ce film tombe un peu comme un cheveux sur la soupe. Pas besoin de cérémonie pour nous apprendre une information importante, mais mieux vaut la placer dans un dialogue à enjeu (cf: "Je suis ton père"). Cela dit on ressent plutôt bien les enjeux derrière les origines du personnage de Kylo Ren. De fait, la scène clé de cet épisode fonctionne, émotionnellement et dramaticalement (la scène sur le ponton, comme s'il fallait toujours suspendre littéralement ces scènes clés). Kylo Ren n'est certainement pas le seul des nouveaux personnages a avoir un lien familial fort. Mais c'est le seul qui nous est donné dans "Le réveil de la force", tous les autres personnages posent question (si encore on s'est préservé des réponses). Rey, Finn, et même Poe Dameron, semblent tous chercher leur héritage. Ce mystère entretenu est ambitieux et risqué, mais la saga peut compter sur des personnages déjà intéressants et parfaitement campés.


Kylo Ren est peut-être le bad-guy le plus intéressant de la franchise. En plus de son passif latent et intriguant, le personnage dégage une folle violence. Adam Driver est fascinant dans toute cette inquiétant folie qu'il donne à ce rôle.
Finn est un mauvais bluffeur amusant et plutôt touchant. Son détournement de l'armée du Premier Ordre est une piste narrative intelligemment menée. Kylo Ren et lui vont à l'opposé de tout manichéisme.
Kylo Ren n'est pas méchant pour être méchant, et il y a surtout une fragilité dans ses positions, et c'est juste. L'appel du côté lumineux de la Force est une allusion renversée amusante et maline. La fuite de Finn est intéressante parce qu'elle évite un renversement radical, exactement comme l'engagement progressif de Solo dans la Trilogie.
Poe Dameron est tout simplement hyper cool, aussi fanfaron que Han Solo dans la Trilogie. Dès sa première réplique il détend l'atmosphère.
Rey est un peu la révélation du film. C'est son rôle qui porte en partie l'histoire, celle avec qui on découvre le récit. Daisy Ridley est rayonnante, elle incarne une jeune femme ingénieuse et pleine de fougue. C'est autour de son rôle que le mystère des origines se fait le plus fort.
BB-8 est plutôt très sympathique. C'est une version modernisée de R2-D2, encore plus expressif et plus amusant, à l'image de ce qu'est cet épisode par rapport à la Trilogie.
Tous les autres nouveaux personnages sont relativement ratés.


Snoke ne se détache en rien de l'Empereur, et il est surtout visuellement immonde. Créature numérique comme on en voit trop dans les blockbusters actuels, quelque part entre les horribles orcs du Hobbit et Thanos de Marvel.
Phasma est fantômatique, Hux également, malgré la performance de Domhnall Gleeson.
Maz Kanata est une vraie déception. Son immense savoir et sa position lui donnait un rôle vraiment intéressant pour nourrir le récit, elle est trop peu -et mal- utilisée. Son chara-design est plutôt chouette de base, mais le rendu n'est pas convaincant, on voit les images de synthèse. Quant à son château, pendant de La Cantina, il est assez classe comme le laissait présager la bande-annonce, alors pourquoi l'utiliser si peu ?!


Le problème majeur pour "Le réveil de la force" c'est son intrigue poussive. Dans ses détails insistants, le scénario est au départ un peu trop démonstratif. La trace de sang sur le casque de Finn est un exemple d'éléments du récit surlignés à l'excès.
L'univers de Star Wars étant maintenant très étendu, il y avait énormément de matière pour ce film. Le scénario de l'Episode VII en reprend beaucoup, mais ne peut souvent que faire une présentation succincte des personnages, lieux, contextes... évoqués. Là est probablement l'échec des personnages de Snoke, Phasma et Hux, et le fait qu'on passe à côté d'éléments clés de l'histoire.
Dans ce scénario, le premier acte paraît très démonstratif, le deuxième un peu laconique et le dernier relativement expéditif. Il y a un vrai problème de rythme et de dosage du contenu dans l'écriture, voire même de cohérence.
Par exemple, on ne comprend pas bien pourquoi R2-D2 ne se réveil pas tout de suite pour permettre de trouver Luke au plus vite. Ce but ultime finit par nous échapper. On ressent plus l'envie des producteurs de nous montrer Mark Hamill, que le besoin des personnages de retrouver Luke Skywalker.
Le scénario a pas mal de ratés pour ce qui est de l'intrigue, mais c'est une réussite totale sur l'écriture des personnages.


Les nouveaux protagonistes sont donc franchement convaincants, et les anciens se font une place honorable. Il y a de la finesse dans à peu près chacun d'eux, les clichés sont évités. C'est avant tout les dialogues qui sont brillants. Presque tous les rôles apportent une touche d'humour. "Le réveil de la force" est probablement le plus drôle des Star Wars. Le duo Finn/Poe est très drôle, la gaucherie du premier et l'espièglerie du second sont vraiment cocasses. Ils ne sont pas les seuls à nous faire sourire, C3PO, Han, Rey...
Il n'y a pas nécessairement de phrase qui devrait devenir culte dans le sens dramatique, comme avec les anciens épisodes, mais beaucoup de punchlines amusantes pourraient rester. Le film est drôle, et c'est aussi un spectacle visuel probant.


Sur ce point, l'équilibre entre le respect de la franchise et la modernisation est parfaitement respecté. Les planètes manquent peut-être un peu de singularité, mais les vaisseaux, les créatures, les décors et les costumes sont au top !
Loin d'être le film parfait que l'on commençait à espérer, "Le réveil de la force" est un divertissement total, un blockbuster de haut niveau qui respecte un univers mythique, porté par un jeune casting surprenant mais qui peine dans la sobriété de l'intrigue.
L’œuvre est jouissive mais incomplète. J. J. Abrams a posé des bases intéressantes qui lances plein de pistes pour construire une nouvelle trilogie digne de Star Wars. La tâche ne sera pas aisée pour Rian Johnson et Colin Trevorrow, mais la galaxie est bien relancée.

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le 19 déc. 2015

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Adam Kesher

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