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Si l’épisode 7 pouvait être considéré comme un « reboot » permettant aux jeunes arrivants d’enfiler les rangers de leurs illustres prédécesseurs, l’opus estampillé « The last Jedi » brise définitivement l’héritage et la lignée Skywalker dans l’univers Lucasien. Rian Johnson, le nouveau messie sacré par le panthéon Disney, rompt la ligne à peine esquissée par Abrams pour une communion au nom du Père, du Fils et du simple d’esprit.


Rian Johnson aime-t-il Star Wars ? La question s’est imposée à moi à plusieurs reprise pendant la séance. Qu’il n’ait pas été convaincu par le travail de JJ Abrams sur l’épisode précédent, c’est son droit légitime, mais torpiller une continuité et une cohérence narrative entre les deux premiers films d’une trilogie ?! Je pense sincèrement que sa créativité et sa « vision » se seraient bien mieux épanouies dans un épisode stand alone à la Rogue One. Son mépris des codes, son esprit franc-tireur et son allergie aux figures canoniques pourrait faire des merveilles dans un opus parallèle qui maltraiterait les icônes au travers d’un prisme plus souple.


Star Wars VIII est sans conteste l’épisode de la rupture. Un film sur la fuite, la mort des icônes et l’ambivalence. Ambivalence. Rian Johnson, comme son film, possède en lui une part de Ren et une de Rey. La trinité des R qui s’exprime de façon chaotique, oscillant entre le merveilleux et le médiocre. Capable de fulgurances esthétiques somptueuses à l’instar de ce croiseur Calamari pourfendeur, baigné dans un silence enfin spatial. Cet assaut minéral, où chaque speeder laisse une cicatrice écarlate dans son sillage, face à des AT-AT simiesques dirigé par un Kilo Ren au comble de la fureur. La roche contre l’animal. La patience face à l’instinct. Et le côté obscur de Rian. Son incapacité à brûler une icône sans avoir recourt au lance-flamme ou au briquet Bic. Que dire de ses maladresses d’écriture, de sa légèreté quant au respect de l’univers et sa narration brouillonne qui triturent la suspension d’incrédulité du spectateur. Trop souvent l'humour fait écho à celui des jeux vidéo Lego Star Wars à tel point qu'on a l'impression de se retrouver à regarder une cinématique du jeu. Il oscille méthodiquement entre ses deux faces, constamment sur la tranche, il ne décide à aucun moment de quel côté se poser.


Comme un gamin mal aimé qui veut se venger de ses parents, Rian Johnson détruit systématiquement l’héritage qui lui est confié. Toute la symbolique de cette mise à mort est exposée par la disparition ou la moquerie des figures emblématiques. JJ Abrams n’est pas en reste, les quelques pistes originales évoquées dans l’épisode VII sont balayées ou oubliées. Pour son grand retour, Luke Skywalker laisse hagard tant son personnage paraît creux. Face à l’échec de la formation de son neveu, il préfère la fuite. Neveu qu’il a faillit décapiter dans une scène grand-guignolesque où un quiproquo risible est devenu le temps d’une nuit la raison d’être du côté obscur de Kilo Ren. Que la Farce soit avec eux. Et que dire de cette confrontation finale où Luke l’illusionniste trompe son monde et la mort. Luke disparaît, seul sur son île, sans éclat, sans panache, éclipsé par un soleil couchant qui heureusement apporte quelque peu de chaleur. Petit intermède avec la mort du général Ackbar, hors champ et hors narration. It’s a trap ? Snoke (Smoke?) l’écran de fumée installé par JJ Abrams dont Johnson se débarrasse sans avoir à justifier ses motivations, projets, passé. Comme disait Johnson :  Coupez !


Que dire de la risible apparition de Yoda, lutin cabotineur, plus synthétique que sympathique. De Fin, relégué aux seconds rôles dans un arc narratif poussif et sans enjeux. Et Leia, la survivante. Johnson préfère la ridiculiser plutôt que la tuer. Elle n’y survivra pas pourtant. Du ridicule de sa promenade spatiale à ses lignes de dialogues vaporeuses, elle traverse le film comme un fantôme, évanescente, lucide sur son avenir. Car au-delà de la fiction, Leia a dû ressentir l’adieu de Carrie Fisher. Sans finesse, Rian Johnson détruit le mythe sans aucune trace d’apothéose. Les sacrifiés sont des inconnus, pilote de bombardier, amiral supra luminique, seuls personnages dont la mort a un sens.


Mais du côté lumineux, il y a heureusement un Reyon de lumière. Une évidence. Une femme en pleine éclosion qui porte à elle seule le peu d’espoir qu’il reste pour la Rebellion et le spectateur. Un personnage double, avec Rhaine du côté obscur. Un couple réunit par-delà l’espace par le réseau Force-4G de Snoke. Malgré cet aspect risible, la connexion reste forte, les échanges intenses. C’est dans ces instants de pure épure que Johnson parvient à façonner quelque émotion. L’ambivalence de ce couple impose la véritable pulsation de cet épisode malade. S’il y a bien un seul réconfort dans la disparation sans âme des figures du passé, dans cet enfouissement de l’ère Skywalker, c’est la naissance d’un nouveau mythe, d’une nouvelle Reybellion. Johnson a cru détruire un mythe pour construire le sien à son image. Disney a tranché. C’est Abrams qui dirigera l’épisode IX.

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le 8 janv. 2018

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Alyson Jensen

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