“La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance.”


Élémentaire maitre Yoda !


J'ai eu peur pour ces "Derniers Jedi" comme j'ai eu peur pour "l'Attaque des clones" autrefois. Le second acte d'une trilogie étant capital, c'est évidemment celui qu'il ne faut absolument pas manquer car il dicte la destinée d'une saga. En sortant de la salle j'ai vite compris que cette destinée serait funeste. La colère est vite montée, la haine commence à prendre le dessus et je ne doute pas que dans les prochains jours, la souffrance d'avoir vu un mythe autant ravagé, vienne achever pour de bon mes dernières illusions.


Star Wars VIII est une oeuvre d'un cynisme absolu, sans doute l'expérience cinématographique la plus déplaisante, la plus désincarnée et la plus désenchantée que j'ai eu le malheur de visioner.


La note d'intention tient en un mot : destruction.


Une destruction totale et à tous les niveaux : univers, codes, personnages (anciens comme nouveaux). C'est pratiquement un film nihiliste. Plus rien ne sert : les jedis, les siths, la force, la légende...il faut TOUT effacer, c'est d'ailleurs la profession de foi de cet épisode : "il faut tuer le passé" et surtout tout brûler ! c'est ce que fait ce bon vieux Yoda, littéralement.


Rian Johnson en bon fossoyeur, ravage absolument toute la quintessence de la mythologie Star Wars et il le fait en prime avec le sourire aux lèvres.


Tes fantasmes et espérances , il va te les broyer, les ridiculiser et il le fait pas avec le dos de la cuillère. Première scène de Luke, le sabre laser entre les mains, suite direct du Réveil de la Force; il te le balance par dessus son épaule de la façon la plus désinvolte qu'il soit. Froid dans la salle.


A ce moment la j'ai vite compris pourquoi Mark Hamill avait détesté le traitement de son personnage et que le chemin de croix ne faisait que commencer pour moi. J'étais malheureusement pas au bout de mes peines.


Mais le plus étrange dans ce Star War VIII, c'est qu'au-delà de toute cette désacralisation puante des personnages d'antan et de l'univers au combien connu, Rian Johnson te torpille également son propre récit et ses nouveaux personnages.


Alors nous sommes d'accord, ce sont de grosses coquilles vides et ce depuis l'épisode VII, mais c'était justement l'occasion de leur donner enfin du sens et du relief dans les Derniers jedi. Mais pas du tout... apparemment le réalisateur n'a pas trouvé cela utile.


Luke ? On le trahit. Il grogne pendant tout le film. Le héros qu'on avait quitté dans l'épisode VI qui était parvenu a ramené Vador vers la rédemption, est devenu un vieux blasé, bougon, acariâtre. Les Jedi ? ça l'emmerde. Il est également devenu bipolaire : un coup je décide d'entraîner Rey et puis en fait non...ah mais si c'est important quand même, bon d'accord ...ah mais la petite est attirée par le côté obscur ? Oh et puis merde je laisse tomber... on apprend aussi que c'est lui qui est a l'origine du basculement de son neveu, parce qu'à un moment, il a sondé en lui son côté sombre. Alors il fait ce que tout Jedi ferait dans ce genre de situation, il décide un instant de l'assassiner... durant son sommeil. Logique. Donc en gros Luke est devenu un gros connard, lâche et dépourvu de toute sagesse. On parachève enfin, la destruction complète du personnage en le supprimant sur son caillou...épuisé par son nouveau pouvoir de projection astrale ( juste un Skype 3.0) qui lui a vidé toute son énergie vitale. Magnifique conclusion pour le héros de toute une génération n'est-il pas ?


Snoke ? on le bute à la moitié du film façon Dark Maul, en plus ridicule encore. Rian Johnson est un petit malin et il veut le démontrer en voulant surprendre tout son petit monde, sauf que son twist n'apporte aucune substance à son récit, c'est vain et ça dessert son propre univers. En tuant Snoke si abruptement, il tue dans l'oeuf la seul vraie menace omnipotente de cette trilogie. On ne saura donc jamais d'où il vient, quelles étaient ses réelles motivations et pourquoi il a fait renaître l'Empire par le biais de son équivalent : le Premier Ordre. De très loin le bad guy le plus gâché et le plus inutile de la saga.


Rey ? elle n'a pas avancé d'un poil. Qui elle est ? personne. Qu'est-ce qui la motive à faire tout ce qu'elle fait ? rien et le pire c'est qu'on s'en cogne. De toute manière elle est tellement démesurément puissante qu'on ne se fait à aucun moment du soucis pour elle. Surement l'héroïne la plus mal écrite de ces 30 dernières années. Même elle la pauvre se demande ce qu'elle fout dans cet univers "J'ai besoin que quelqu'un me montre ma place dans tout ça." À croire qu'elle s'adresse directement au scénariste, lui suppliant de lui donner un but, une résonance.


Kylo Ren ? on l'humilie... pour changer. Lui aussi est victime de graves troubles schizophréniques, passant du bon et du mauvais côté au gré de ses humeurs. Pour en fin de compte prendre la place du calife à la place du calife...C'est donc cela l'originalité made in Rian Johnson. Dire que le pauvre va devoir assumer sur ses petites épaules frêles, le rôle du grand méchant pour l'épisode IX...On en tremble d'avance !


Et bien sur on ne va pas parler des Finn, Rose et autres clampins qui ne servent absolument à rien à l'histoire, sauf pour te reposer avant que "l'intrigue" principale rapplique. Je ne vais pas non plus parler du traitement de Leia, cette dernière ayant hérité de la scène la plus pathétique et improbable de toute l'histoire de la saga. J'entends encore les railleries de la salle ainsi que du souvenir glaçant de ma mine déconfite.


Donc je résume :



  • On démystifie l'univers Star Wars ✓

  • On désacralise les anciens personnages et on ne développe pas les nouveaux pour autant ✓

  • On fait un gros doigt d'honneur à son prédécesseur et à son travail de fainéant ✓

  • On organise un gigantesque chaos et on admire l'édifice se craqueler et tomber en ruine pendant 2h30 ✓


J'aurai presque de la peine pour JJ Abrams et pourtant dieu sait que je ne porte pas en estime son insipide Star Wars VII. C'est un film sans audace, sans caractère, d'une totale indigence; mais il avait le mérite de considérer un minimum le mythe et surtout de ne pas scier la branche sur laquelle il était assis.


En un film, l'irrévérencieux Rian Johnson, a éparpillé aux quatre coins de la galaxie, les bases que JJ Abrams avait posé dans le Réveil de la Force. Pour vous donnez une image : imaginez que vous êtes en train de construire une petite maison en allumettes, vous respectez au plus près le cahier des charges : une porte, deux fenêtres, un toit, une cheminée...bon c'est une maison ultra simpliste et même un peu bancale...bref c'est Star Wars VII. Et la il y'a un petit garnement qui arrive après que vous ayez fini votre édifice et qui vient foutre un violent coup de pied dedans en brisant toutes vos allumettes ! avant de s'enfuir l'effronté vous balance en gloussant : "Ta maison c'était de la merde de toute façon ! Bonne chance pour tout reconstruire tocard !"


De ce fait, je ne vois absolument pas comment il va pouvoir conclure cette trilogie ne serait-ce que sur une bonne note, après que celle-ci est été plombée dès le départ par ses propres carences, puis condamnée par le suicide égoïste de sa suite.


George Lucas avait réussi cet exploit (en grande partie) avec le généreux et mémorable Revanche des Siths, mais sa prélogie n'avait pas autant de problèmes de structure que celle d'aujourd'hui. Il existait quelque chose d'essentiel et de basique que l'on appelle cohérence.


Mais la...difficile de sortir par le haut avec des personnages aussi creux, une histoire aussi vide et des enjeux aussi peu captivants.


Voila où nous en sommes avec la franchise...Jadis avec Star Wars, on contemplait ce ciel noir étoilé au combien féérique, de nos petits yeux émerveillés; on s'imaginait s'aventurer à travers la galaxie et vivre les mêmes aventures que nos héros; c'est désormais une période révolue. Place désormais à un ciel noir, juste noir, sans étoiles et sans magie.


Une phrase qui résume parfaitement ce désenchantement assumé, vient de l'inutile Snoke lui-même; ce dernier, s'adressant à Kylo Ren : "tu n'es qu'un enfant qui se déguise avec un masque ridicule"


Tout un symbole... et assez ironique venant de Disney.


Une petite pensée émue, aux fans et à leur âme d'enfant, qui ne demandait eux, qu'à rêver pendant un court instant, le temps d'un film, le temps d'un Star Wars.


Maintenant ce que l'on peut espérer de ce chaos intégral, c'est qu'il accouche un jour (dans une galaxie lointaine très lointaine) d'une renaissance et d'un nouvel espoir.

Yavé
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le 18 déc. 2017

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