Le phénix vient de renaître de ses cendres. La légende revit. Si ressusciter un mythe peut s’avérer difficile, il l’est encore plus de le maintenir en vie. Se souvenant désormais de ses vies antérieures, notre oiseau a à cœur de construire sa personnalité et de rivaliser avec ces anciennes existences mythiques. Ainsi, le temps primordial du premier envol est arrivé. Comment cette nouvelle trilogie va désormais se démarquer ? Acquérir sa propre personnalité, sa propre singularité ? Comment ce nouveau phénix va-t-il enfin se détacher de ses souvenirs pour pleinement profiter de cette nouvelle vie ? Comme tous les premiers envols il est fait d’hésitations, de luttes et surtout d’échecs !


Notre jeune phénix se rêve ayant la même prestance légendaire que ses aïeux. Il veut devenir à son tour un mythe. Dans cet optique, Rey côtoie enfin son maître et père spirituel, le héros de la rébellion : Luc Skywalker. Souhaitant désormais devenir une jedi, elle veut redonner un avenir à cette « religion » brisée dont le denier représentant s’enfonce dans la déprime, la peine et la honte. Finn et Poe, figures désormais héroïques de la résistance, peinent à maintenir cette réputation. Le premier, véritable tête brulé, plonge dans un excès d’égo menant directement à la destruction d’une flotte de bombardiers rebelles alors que le second devra assumer une tentative de fuite et donc une trahison.


Ces personnages hésitants font l’expérience des dangers de l’échec. Ils incarnent désormais la résistance, et chaque erreur peut entrainer des catastrophes allant bien au-delà de leur simple personne. Ils devront se rendre compte de leurs faiblesses pour progresser et sauver la résistance. Finn se remarquera l’importance de sa trahison en se faisant lui-même tromper, tandis que Poe apprendra l’utilité du repli, de la fuite, et de l’humilité. Kylo Ren quant à lui, se sépare définitivement de son casque mettant fin à son admiration inconditionnelle pour son grand-père. Assumant ainsi sa propre individualité, il va tenter d’influencer Rey qui continue de se chercher, de se questionner sur ses origines, oscillant dangereusement entre l’obscurité et la lumière.


Ces personnages apprendront que ce qui fait les héros légendaires ne sont pas les actes éperdus, la longue vie, ses origines familiales, on encore de foncer tête baissée mais bien de faire preuve d’altruisme, de dévouement et de perspicacité. Kylo Ren devra se libérer de ses chaînes psychologiques et physiques s’il veut donner libre court à l’expression de sa puissance. Comme il le dit lui-même : « Laisse mourir le passé, c’est la seule manière de devenir ce que tu dois être ». Ces thèmes, traduisant l’ambition de cette nouvelle trilogie de se démarquer, perdent malheureusement de leur efficacité à cause d’un scénario trop gras et d’une mise en scène à des années lumières de son sujet.


En véritable chirurgien, J.J. Abrams avait plongé méticuleusement ses mains dans le cœur de cette saga. Tout en ne prenant aucun risque, ces gestes d’une efficacité remarquable ont rendu l’opération très agréable à regarder. Tel le bistouri dont chaque utilisation est consciencieuse, chaque plan, chaque mouvement de caméra, chaque lumière racontaient mille histoires en plus de la trame principale. Notre attention n’a cédé à aucun instant, prise au piège dans l’intensité de l’image. Mais ayant désormais rendu son tablier, c’est le jeune Rian Johnson qui remplace notre méticuleux médecin.


Avec toute la délicatesse d’un Frankenstein junior, Johnson va attaquer ce film au couteau et à la truelle. La finesse du chirurgien laisse place à la rudesse du boucher. Ici, la caméra, animée d’aucune intention esthétique ou narrative, ne fait que suivre stupidement les personnages traversant les décors. Nous ne parlons plus d’univers ou de paysage tellement la facticité et l’inutilité des lieux traversés nous laisse de marbre. Si certain sont empreint d’une grande créativité, notamment la planète de sel, nous offrant sans doute certaine des plus belles images de toute la saga ; d’autres, à l’image du « Monaco » (ou « Las Vegas ») des étoiles, sont bien trop commun, nullement mis en valeur et ont un ratio intérêt scénaristique/temps passé très faible. Ce décor et sa mise en scène n’incarnent pas assez la démesure, la perversion et la cruauté du monde qu’il abrite. Etait-il nécessaire de passer plus de cinq minutes sur le « Star PMU » alors qu’un plan suffisamment réfléchit et travaillé aurait suffi ?


La narration se perd ainsi dans de multiples trames de scénario, de lieux et de dialogues inutiles pouvant se résumer en quelque seconde si la caméra était réellement utilisée. Le film s’étire alors, encore et encore s’attardant sur des actions inintéressantes et des « fusils de Tchekhov » parfaitement inutiles noyant petit à petit l’histoire dans des méandres stériles.


Ainsi, notre phénix semble bien mal loti pour s’envoler. Mais comme nous le dit maître Yoda, l’initiation est faite d’échecs, encore et encore… Ils sont au cœur de l’apprentissage ! C’est en les partageant que l’on forme les apprentis. Assumer ses erreurs est ainsi le premier pas vers l’espoir. Même s’il commence à se faire tard, espérons que notre oiseau légendaire prenne compte de cet enseignement afin de prendre un envol réellement gracieux, au risque de ne jamais rattraper la légende.


Pour un texte avec des images et d'autres critiques : http://versus-critiques.over-blog.com/


Pour la critique de Star Wars VII : Le réveil de la force : https://www.senscritique.com/film/Star_Wars_Le_Reveil_de_la_Force/critique/130227688

Créée

le 21 déc. 2017

Critique lue 279 fois

1 j'aime

-Versus

Écrit par

Critique lue 279 fois

1

D'autres avis sur Star Wars - Les Derniers Jedi

Star Wars - Les Derniers Jedi
Cyprien_Caddeo
4

Comment faire n'importe quoi avec Star Wars, par Disney.

Voilà, pour la première fois de ma vie, je me suis fait salement chier devant un Star Wars, j'ai levé les yeux au ciel, grommelé pendant toute la séance, et détesté un film de la saga. Je suis à deux...

le 14 déc. 2017

307 j'aime

70

Star Wars - Les Derniers Jedi
Vnr-Herzog
7

Naguère des étoiles

Cela fait quarante ans que La guerre des étoiles est sorti, un film qui a tout changé et qui a marqué et accompagné des générations de spectateurs. Même si Les dents de la mer avait déjà bien ouvert...

le 21 déc. 2017

294 j'aime

42

Star Wars - Les Derniers Jedi
Gand-Alf
8

Les vieilles choses doivent mourir.

S'attaquer à une institution comme celle que représente Star Wars, c'est comme inviter à danser la plus jolie des CM2 alors que tu n'es qu'en CE1. Qu'elles que soient ta bonne volonté, ta stratégie...

le 18 déc. 2017

205 j'aime

54

Du même critique

Pirates des Caraïbes - La vengeance de Salazar
-Versus
3

Les businessmans ne racontent pas d’histoires

Jack Sparrow désormais sans équipage se sépare de son fameux compas magique lors d’une nuit d’ivresse, libérant ainsi Salazar et son équipage de fantômes calcinés (ne me demandez pas pourquoi je suis...

le 29 sept. 2017

10 j'aime

1

La Fabrique de l'ignorance
-Versus
5

Une fabrique de l'ignorant ?

J'ai un gros doute sur ce documentaire ARTE (chaîne qui n'est pas toujours un synonyme de qualité). Tout d'abord je tiens à dire que je n'ai pratiquement aucune connaissance des sujets traités mis à...

le 14 mars 2021

7 j'aime

1

Superman : Red Son
-Versus
4

Dictature League

Alors que la guerre froide bat son plein, Staline révèle sa nouvelle arme : un extraterrestre au pouvoir extraordinaire nommé Superman. En face les États-Unis doivent préparer leur défense. Le...

le 6 mai 2020

7 j'aime