La brebis gâleuse

Les Derniers Jedi est l’épisode de la franchise Star Wars que j’aime le moins, en raison de son irrespect pour le travail de Georges Lucas, pour faire simple. L’histoire de ce huitième épisode se permet des audaces abusives, qui vont à l’encontre des règles établies dans les films précédents, jusqu’à devenir carrément hérétique par moment, et je le précise, je fais partis du public lambda, je ne suis pas un fan absolu de Star Wars, et je n’ai pas fait une analyse profonde de l’histoire de la franchise. Je trouve simplement que le film souffre de maladresses et d’incohérences exagérées.

D’une part, l’histoire, celle de cet épisode et du précédent, rappelle trop le contexte de la trilogie originelle, et d’une autre part des éléments optent pour la césure complète, avec des comportements qu’on a souvent du mal à s’expliquer. Par exemple, le fait que Luke Skywaker jette l’éponge apparait comme un véritable non-sens. Ce n’est pas logique, ça va à l'encontre de sa personnalité. Par ailleurs, son rejet du sabre laser est risible. Le personnage tel que nous le connaissions n’aurait jamais agi de la sorte. Il en va de même pour le bucher des livres Jedi, une séquence qu’on a bien du mal à justifier. Ce sont des passages qui ressemblent à de véritables désaveux, ça craint, et toutes les justifications du film ne convainc pas. D’autres aspects de l’histoire m’ont aussi dérangé. Si l’on est conscient depuis un moment déjà que Leia flirt avec la force de manière logique, du genre transmission télépathique et autres conneries du genre, on ne s’attendait pas à ce qu’elle puisse jouir de la Force pour se sortir d’une situation funeste, en survivant au vide sidéral. À vrai dire, cette scène m’a surpris lors de mon premier visionnage, mais je m’y suis finalement fait. C’est le genre de séquence que l’on parvint tout de même à expliquer, donc je dirais que ça manque de subtilité, que c’est un peu excessif, mais ça passe… L’apparition de Yoda se justifie elle aussi. Après tout, maitre Kenobi apparaissait déjà en spectre dans le deuxième film de la franchise (épisode 4). Sur la forme j’aime bien l’idée du retour de la marionnette, à l’image du vieux Yoda de l’épisode 4, mais je trouve que l’usage de cette technique jure fortement avec la qualité des effets numériques modernes. C’est bizarre, même si l’usage est louable. Un rebondissement en particulier m’a laissé sur les dents, le tout dernier, celui qui concerne Luke Skylwaker. En effet, celui-ci a désormais le pouvoir de projeter un double de lui-même dans un autre cadre spatial, une particularité nouvelle, qui sort d’on ne sait où, et qui lui coute la vie (que c’est pratique). Bon clairement, là les auteurs se foutent vraiment de notre gueule. Je ne suis pas contre la nouveauté, mais ce genre de liberté est vraiment grossière et même inappropriée. C’est tellement gratuit que ça en devient grotesque.

Ces aspects de l’histoire sont autant de maladresses que je regrette. Le film manque de cohérence avec les lois de la franchise. Tout semble désormais faisable, au détriment de la cohérence, et ça c’est ce que je regrette le plus.

Si nous avons la bonne surprise de voir de nouveaux décors, un peu plus varié que dans le film précédent, je déplore tout de même qu’une trop grande partie de l’action se déroule sur ce pauvre rocher perdu au milieu de l’océan. Malheureusement, Finn et Rose débarquent sur une planète sympathique, grouillante de vie, mais la séquence est réduite au strict minimum, là où l’on aurait aimé qu’elle s’attarde un peu plus. Le film ne se démarque pas vraiment en ce qui concerne son ambiance visuelle ou musicale. Les nouveaux personnages, comme Rose, sont peu charismatiques, ceux présentés dans le film précédent, Finn et Poe, semblent reléguer au second plan. Enfin, les anciens, Leia et Luke nous donnent l’impression d’être en sursis. On n’arrête pas de se demander à quel moment la production va les sacrifier afin d’en être débarrassé une bonne fois pour toutes, à l’image de ce pauvre Han Solo dans le film précédent. L’entreprise est tellement évidente que ça en gâche le spectacle. À ce stade, il aurait mieux valu tous les réunir sur une planète qui aurait été détruite par le rayon de la mort, afin de nous épargner ce sentiment de redite emmerdant.

Qu’en est-il des bons points ? Si l’on ne peut pas parler d’une grande originalité, j’ai tout de même apprécié la rivalité et l’attirance entre Rey et Kylo. Pas besoin d’attendre le film suivant pour comprendre comment leur relation va se terminer. C’est simple, si Dark Vador a complètement sombré dans le côté obscur, Kylo prendra inévitablement le contrepied… C’est d’une évidence mortelle. Franchement, on ne peut que regretter cette intrigue absolument convenue. Pour autant, la relation entre les deux personnages est très prenante. Autre qualité, la présence de Leia donne le sentiment qu’elle est la véritable clef de voute de cette trilogie, à tel point que j’ai envie de penser que ce troisième Arc est en réalité le sien. Les effets spéciaux sont spectaculaires. Le film est un véritable divertissement. Clairement, on passe un bon moment devant ce film. Mais ça n'empêche que c’est le moins réussis de tous.

S’il ne mérite pas une note en dessous de la moyenne, car globalement la production est largement honorable, on ne peut que sanctionner les nombreuses incohérences et libertés scénaristiques de l’opus, qui sont reçues par le public comme un véritable désaveu de l’équipe de créateur. Le travail de George Lucas n'est pas du tout respecté (à sa place, je ne serais vraiment pas content). Il ne fallait pas inventer de nouveaux horizons aux personnages établis, et encore moins de nouvelles facettes de leurs personnalités ou de leurs forces. Ça, c’est un peu comme si vous déchiriez les pages que vous n’aimez pas d’un livre ancien. À l’image du bucher des livres sacrés des Jedi, ce huitième opus enfile le costume de l’hérétique et saccage les croyances des fans, mais pas seulement, du grand public aussi.

En ce qui me concerne, je trouve que ce film est un gros ratage. Une sorte de grosse bouse lâchée dans le nectar. Indépendamment, considéré comme l’objet de divertissement qu’il est, Les Derniers Jedi se laisse visionner, et on peut même y trouver du plaisir facilement, pourtant il n’en demeure pas moins la brebis galeuse de la famille, celle avec qui il faudra désormais composer. Espérons que le neuvième épisode rectifiera la donne.