States of Grace. Un titre qui résume bien le second long métrage de Destin Cretton. En effet, le réalisateur y démontre une capacité exceptionnelle à faire de certaines séquences de véritables moments de grâce. Sa mise en scène, mélange de réalisme proche du documentaire et d’une vraie dramatisation fictionnelle, lui permet de capter la pureté des émotions et de les décupler.
States of Grace place son action dans un foyer pour adolescents en difficulté, un milieu que Destin Cretton connaît bien, puisqu’il a lui-même été éducateur avant de se lancer dans le cinéma. Dans les différents portraits d’adolescents dépeints, dans les situations décrites, on sent énormément de véracité, donnant au film une réelle crédibilité et le rapprochant par cet aspect du documentaire. Un ressenti augmenté par une caméra le plus souvent à l’épaule, spectatrice dont le but est avant tout de capter les événements et les petits détails qui changent tout. Par ailleurs, le réalisateur confesse avoir eu pour priorité l’authenticité des performances de ses acteurs, citant notamment comme référence Entre les murs de Laurent Cantet. Et il est clairement parvenu à ses fins, puisque les comédiens livrent tous des performances tout en délicatesse, d’un naturel assez sidérant.
Mais ce qui fait la force de States of Grace c’est justement de ne pas se cantonner à un aspect de documentaire. Le film revendique clairement sa part de fiction, notamment par une narration qui, sans jamais devenir subjective, fait la part belle à l’histoire d’une des éducatrices jusqu’à la suivre dans sa vie privée, qui fait écho à la destinée des enfants dont elle s’occupe au quotidien. Par le biais de ce personnage, Destin Cretton capte ainsi l’après-adolescence et les cicatrices qu’elle a laissées. Mais la dramatisation du film lui évite surtout de sombrer dans le didactisme, pour privilégier l’émotion. L’empathie créée par la proximité avec les personnages amplifie l’impact de la peinture réaliste de ces adolescents en déroute. La finesse de l’écriture, la sensibilité qui vient doubler le réalisme de la mise en scène (à travers certains choix de lumière, des plans rapprochés) et surtout la justesse des interprétations permettent ainsi de transcender à de nombreuses reprises la pureté des émotions (voir les scènes du rap, du conte, des portraits…). Pour autant cela ne veut pas dire que Destin Cretton sombre dans la surenchère et dans le pathos. Non, il se dégage de son film une subtilité rare, qui sait trouver la lumière qui se cache derrière chaque ombre.