Je suis sorti du film très enthousiaste. Un très grand film pour le Danny Boyle. Ayant beaucoup apprécié Slumdog et 127 heures, j'attendais beaucoup le film (surtout après un jObs catastrophique) et je n'ai pas été déçu.
Le choix de faire un film en trois parties sur chaque grande présentation est super intelligent puisque Steve Jobs était un homme du "spectacle", ses présentations étaient toutes très réputées, événementielles et marquantes. Et pourtant, ici, le film fait le choix de n'en retranscrire aucune séquence. Uniquement les dessous de chaque grande conférence. Finalement, Jobs restera un personnage au charisme incomparable lors de ses présentations. Ce qui est assez génial en revanche, c'est que, malgré l'absence de ces présentations, le réalisateur nous montre bien toute l'attente suscitée par celles-ci grâce aux immenses foules présentes dans les salles de conférence. Il y a une scène particulièrement marquante où toute la salle frappe le sol à répétitions à l'attente de Jobs, à tel point qu'elle en fait trembler les sous-sols.
Ce qui intéresse dans ce film, c'est vraiment de comprendre le cynisme du personnage, son perfectionnisme, son côté autoritaire, prétentieux, arrogant, méprisable mais également parfois très touchant dont la vie fut mouvementée. La relation avec sa fille est aussi très juste et touchante. J'ai beaucoup aimé chaque "révélation" qu'il a à chaque époque avec sa fille, quand on voit qu'il s'y attache de plus en plus, qu'il réalise le "connard" qu'il a pu être par le passé avec elle (même si on continue de l'aimer pour son ambition et sa dévotion pour sa carrière). Chaque fois, ce n'est qu'un petit élément ou une petite action de sa fille et on voit qu'il évolue petit à petit. Éléments qui ont leur importance et qui reviennent justement à la fin du film.
On rajoute à ça une photographie du film qui évolue avec chaque grande phase et donc chaque époque : un grain dans le visuel de la première partie du film, un aspect plus lisse pour la deuxième (totalement justifié par la présentation du produit) et des couleurs plus prononcées pour la dernière (encore justifié). Certains choix sont assez surprenants : l'ajout de textes dans l'image ou de visuels projetés sur les murs (le décollage d'une fusée). Les deux n'étant pas réellement légitimes mais apportant leur petite touche à la mise en scène très précise du film et aidant clairement à visualiser ce dont parle le "chef d'orchestre" Steve Jobs, faisant un certain bien dans un film où le personnage ne s'arrête presque jamais de dialoguer.
Pour rester sur les dialogues justement, il y a le personnage de Winslet, totalement dévouée à son patron, pour qui elle travaillera pendant plus de 20 ans, qui n'arrête pas de bouger et de répondre aux demandes incessantes de Jobs. Encore mieux, elle aide elle aussi Jobs à réaliser ce qu'il devient ou ce qu'il est pour sa fille. C'est le seul personnage du film sous les ordres de Jobs qui lui tiendra tête et le fera réellement avancer. Et enfin, il y a le CEO d'Apple/Pepsi, qui interviendra juste avant chaque conférence du film, montrant à la fois la perte de confiance progressive de la marque envers son créateur et son nouveau gain total de respect pour le visionnaire qu'il est réellement. A chaque intervention, on reviendra un peu plus sur la personnalité et la vie de Steve Jobs, et on comprendra un peu mieux son comportement envers sa famille. Encore une fois, le film s'axe en partie sur sa relation avec sa fille mais ne va pas non plus dans la psychanalyse inutile ou le jugement du personnage.
Finalement, un grand film, imparfait, mais fourmillant de bonnes idées notamment dans la forme. Le fond du film n'est pas en reste puisqu'il arrive à dépeindre un personnage complexe et à être particulièrement touchant, sans tomber dans le pathos. Le film fait clairement partie de ce qu'a pu proposer de meilleur Danny Boyle, et surtout de plus intelligent.