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Drame familial à la touche poétique

Still Walking est un merveilleux exemple de ce que peut être un grand film japonais au XXIe siècle. On aborde des thématiques profondément intéressantes sous un angle pertinent, le tout accompagné d'une réalisation fine, soignée, et poétique dans la façon d'aborder les différents sujets qui vont se présenter sous nos yeux.


A partir des premières images du film, et surtout lorsque toute la famille se réunit chez les parents, on sent de suite l'inspiration monumentale de ce réalisateur envers Yasujiro Ozu, ça saute aux yeux. On a effectivement le droit à une manière de cadrer un environnement familial qui fait indéniablement penser à la patte de ce réalisateur (avec évidemment des touches personnelles propres à Kore-eda, il ne s'agit pas ici de dire qu'il ressasse complètement Ozu). Mais cette façon d'utiliser le plan fixe en le cadrant d'une certaine manière sans avoir recours à de nombreux panoramiques ou travellings est typique de l'œuvre de la maturité d'Ozu.


C'est donc à travers l'usage de nombreux plans fixes, mais incroyablement bien travaillés, que l'on rentre progressivement dans cet univers familial richement complexe avec les différents échanges qu'entretiennent tous les membres de cette famille. A mesure que le film avance, on comprend le tissu de problèmes dans lequel les uns et les autres s'entremêlent constamment, et le poids psychologique que certains endurent depuis des années.
On pense évidemment à la confrontation entre le père et le fils qui est très réussi, toute l'histoire autour du défunt fils, l'histoire de la femme de Ryota (ancienne veuve qui découvre une nouvelle famille), le fils de cette même femme qui n'est pas le fils de Ryota et la façon avec laquelle il sera perçu par cet environnement familial aux valeurs traditionnelles particulières (surtout le père, mais la mère n'échappe pas pour autant à la règle). On a aussi la petite histoire secondaire entre la sœur de Ryota et sa relation avec sa famille qui témoigne surtout d'un échange d'intérêts. Il y a également toutes les petites scènes entre les enfants qui se retrouvent que j'ai trouvé très réussies alors qu'elles sont pourtant très discrètes et nullement centrales dans le schéma narratif du film.


La confrontation entre les nouvelles valeurs, la nouvelle société qui se met en place contre les traditions ancestrales est très bien retranscrite sans tomber nécessairement dans une présentation totalement binaire de la réalité des choses. J'en prends pour exemple la place du propre fils de la femme de Ryota qui ne peut pas forcément être considéré comme un des membres de la famille dans le sens où ce dernier n'est pas le fils de Ryota. Il est vrai que les paroles de la mère de Ryota sont crues à l'égard de cette femme et de son enfant (on sent aussi une certaine maladresse et pas vraiment une volonté d'être méchante), et on perçoit à travers le regard de cette femme, toute la complexité de sa situation qui est loin d'être évidente et pleinement facile à résoudre. L'acceptation est difficile, et nous sommes face aussi face à des individus qui n'ont pas connu toutes ces choses et se trouvent bien souvent braqués sur des positions fermes. Comment leur jeter si facilement la pierre ?


D'ailleurs, le père de cette famille est un personnage qui m'a intrigué dès ses premières apparitions, je le trouve très bien écrit et profondément intéressant à suivre. La scène où il se rend bien compte qu'il ne peut plus être utile à la société comme il le fut par le passé à cause de ses problèmes de vue est d'une très grande force (on pense notamment à la scène du coup de fil de la voisine qui va partir en ambulance et son impuissance totale face à cette situation qui se présente devant lui). C'est un homme attaché aux traditions de la constance du travail et à l'héritage que l'on lègue à ses enfants, malheureusement, il se trompe en considérant que seule la reprise de son travail par son fils peut être souhaitable, lui qui aspire à une vie différente de celle de son père.


J'ai aussi beaucoup aimé l'idée que le film débouche sur une forme d'impasse dans la résolution des différents problèmes familiaux. Finalement, Ryota ne parvient pas à faire comprendre à ses parents la vie qu'il a choisi d'entreprendre, ces derniers semblent définitivement marqués au fer par la mort de leur fils aîné qui symbolisait tout ce qu'ils auraient aimé voir dans son autre fils, ce qui rend le personnage de Ryota profondément attachant d'ailleurs.


C'est ce qui me conduit à une petite retenue sur la dernière séquence du film. J'aurais bien plus apprécié que le film se termine sur les dernières paroles du fils en voix-off avec ses parents montant les marches (allégorie de la montée au ciel) en apprenant qu'ils sont morts trois ans après les évènements. Je trouvais l'image vraiment magnifique pour clôturer le film mais le réalisateur en a décidément autrement et nous impose la vision de la réussite de Ryota qui a désormais eu une fille et où l'on sent que tout semble bien se passer dans sa vie. Je pense que le film aurait gagné à laisser place à l'interprétation quant à l'avenir de Ryota après les différents évènements qui ont eu lieus sous nos yeux pendant moins de deux heures.


Il y a donc énormément de thématiques très intéressantes et très bien mises en scène dans ce film. Il regorge de qualités indéniables avec une certaine touche de poésie qui provient directement de la façon dont les personnages sont traités et la façon de cadrer les différentes scènes importantes du film. En somme, un moment d'une riche poésie et d'une belle profondeur, à ne pas louper si vous vous intéressez à ce type de cinéma.

Créée

le 21 sept. 2020

Critique lue 37 fois

Tystnaden

Écrit par

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