Du gros tas de merde boosté à la propagande D.E.I. que constitue 90% du catalogue Netflix, il émerge parfois de bonnes choses. En témoigne les documentaires de la plateforme et quelques perles cinématographiques perdues dans cette immense immondice qui vous bouffe votre temps libre et vous grignote la cervelle tel le prion.
Super Bourrés fait partit de ces films passés au travers des mailles du filet de l’idéologie woke, si cher à Netflix et à une certaine « gauche », qui montre par la même occasion qu’il est encore possible de produire des films de qualité, sans prétention et avec subtilité.
La bande annonce, qui n’en est pas une parle à elle tout seule. Elle montre un simple extrait du film ou l’on découvre un dialogue savoureux entre un père qui a reniflé les futures conneries de sa fille et de son pote qui ont tous deux la lourde mission de trouver à boire pour la fête de fin d’année scolaire et l’arrivé des vacances d’été, entendons par là de l’alcool bien évidement.
Cette scène à elle toute seul annonce la couleur, ça ne sera pas une énième production formatée, standardisée sans caractère, sans vie et bourrée de clichés et stéréotypes avilissants et moralisateurs que l’on nous pond à tours de bras. Les décors sont naturels ainsi que l’accent du sud-ouest des protagonistes du film et cette campagne dans laquelle ils vivent paisiblement… mais pas pour longtemps.
La fougue des jeunes terminals du lycée de Codom trop pressés de terminer ce cycle en apothéose va quelque peu troubler le calme ambiant de cette campagne du Gers. Le moins que l’on puisse dire c’est que le film ne cherche pas à lisser son propos pour ratisser large bien au contraire. On va jouer avec les spécificités culturelles d’une partie de la France et cela sans filtre tout en faisant preuve de justesse et d'autodérision. C’est ce qui fait la force de Super Bourrés, sa pudeur, jamais le film ne tombera dans la grandiloquence, le sirupeux et les clichés de bas étage du cinéma de facilité, le réalisateur joue même avec. Super Bourrés fait autant preuve de respect envers son sujet que d'autodérision ce qui est une marque de bon gout selon moi.
Avant de rédiger cette critique j’en ai lu quelques-unes et étonnamment beaucoup lui reprochent un humour un peu lourd. Alors oui c’est potache et ça n’a pas d’autre prétention d’être ce que c’est : une comédie. Alors se pourrait-il que des autistes du 1er degré soient tombés malencontreusement sur ce film ? Qu’est-ce qui les dérange, le langage des ados qui font la fête et manquent un peu de subtilité (cf. la scène ou Sam découvre les tendances olé-olé d’une de ses amies) ? Les mœurs quelques peu débridées, brut de décoffrage ? Ce serait quand même dommage de bouder son plaisir, de se sentir sale, parce que le film joue intelligemment avec le folklore et la culture de cette région ! On dirait les mêmes qui se sont sentis souillés lorsqu’ils ont découvert avec dégout la scène de la mega teuf dans Matrix Reloaded !
Ce côté frais et potache très plaisant et subtilement amené via le contexte géographique et culturel permet de mettre en scène et de découvrir un petit bout de France très "western" et c’est assez chouette finalement parce que cela change des productions aux comportement lissés et stéréotypés. Ici, chaque personnage est adorable, rigolo, expressif et ne boude pas son plaisir de cabotiner un peu dans un film sans prétention mais qui, pourtant, regorge de qualités et de finesses, oui même Paulette l’âne est concerné.
Tout d’abord la presta de nos deux compères Nina Poletto (Sam) en tête qui porte le film par une présence à la fois rafraichissante, franche, naïve et qui fonce vers sa mission : trouver à boire si elle veux prendre part à cette soirée ! Son expressivité et son tempérament extraverti font justement tout son charme. En face Pierre Gommé (Janus) joue un personnage plus retenu, réfléchi mais aussi indécis et un peu moins courageux. Sam est un roc solide et qui tien bon, Janus est plus le cerveau mais qui se sent à l’étroit dans cette campagne qu’il perçoit comme trop étriquée pour lui mais sans pour autant juger ceux qui y vivent. Ce duo de potes fonctionne à merveille et ils sont l’un comme l’autre paumés dans une culture rurale qu’ils ne comprennent pas toujours mais qui fait partie de leur quotidien. Ce qui sera évidemment prétexte à des scènes bien senties dont la découverte de la fameuse « machine ».
Ensuite le film distille une spontanéité qui fait plaisir à voir, c’est sans chichi tout en étant bien réalisé, fluide et sans aucune des lourdeurs ampoulées des films actuels. La lumière est belle, la campagne est joliment filmée (parfois un peu façon Grande Vadrouille) et vivant moi-même dans une région rurale je confirme que cadrages et repérage ont été fait avec gout. Vastes paysages baignés dans la lumière de l'été avec des plan fixes capturé comme un tableau ou une bande dessinée et même parfois de petits gags qui se déroulent en arrière plan.
Mais si le visuel a été peaufiné, à juste titre, ce qui fait les qualités de Super Bourrés au-delà de son humour potache, dont je suis ultra client, c’est sa justesse dans le propos. J’ai lu pas mal de critiques qui comparent ce film à ce que fait Bruno Dumont, mais cette comparaison est aux fraises, vraiment ! Elle est même plutôt condescendante envers les acteurs et le sujet du film en fait. Penser que ça ressemble à du Dumont parce qu’il y a des personnages atypiques ou même le contraire, trop typiques, et que certains des acteurs ne sont pas professionnels c’est plutôt insultant et révèle autant pour le film de Bastien Milheau que ceux de Dumont une certaine incompréhension de ce ces oeuvres.
Dumont filme effectivement les « trous paumés » et les mœurs qui vont avec, mais son humour (que j’adore dans son genre) tend vers la satire à l’image de l’émission Strip-Tease de Marco Lamensch et Jean Libon. Absolument rien à voir avec la drôlerie potache de Super Bourrés qui ne critique ni ne juge rien d’une part et qui d’autre part est l’exact inverse des « comédies glauques » à la belge telle que celles de Dumont, Felix Van Groeningen (La Merditude Des Choses) ou encore Kervern et Delépine (Groland, Avida, Le Grand Soir). Super Bourrés est l’exact contraire de cela, il n’y a pas de jugement sur l’alcool, pas de satire, pas de violence. C’est humain et très positif dans l’état d’esprit. Ce sont juste les péripéties de deux adolescents qui ont à leur échelle une mission « serious business » à accomplir (fallait pas paumer bêtement les sous pour acheter la bibine aussi hein !).
La grande force de Super Bourrés est sa justesse et sa retenue, notamment sur la fin qui est finement amenée en évitant tous les poncifs du genre. Une fin tout en mélancolie et en pudeur… mais avec une super blague potache finale qui donne tout son sens au titre. Cette fin est dantesque et quand j’ai vu le curé laver ses objets liturgiques… hallelujah ! Bref, on ne peut pas être humainement insensible à cet humour débile qui ne cherche qu’à faire rire sans autre arrière-pensée. Cette forme de comédie est un art et il serait erroné de penser que la démarche est à ras les pâquerettes. Dans cette prétendue « lourdeur » il y a plus de subtilités qu’on le croit et même un certain génie à prendre à contrepieds les clichés en dépassant les grosses ficelles des comédies françaises de bas étage si vous voyez ce que je veux dire... Mais malheureusement l’humour est l’une des choses les moins universelles que je connaisse, certains en ont beaucoup plus que d’autres et je suis même triste pour ceux qui en manquent (j’en ai à revendre si vous voulez).
Finalement ce qu'il y a de plus ironique dans ce film c'est qu'il coche toutes les cases de l'idéologie D.E.I Netflix et ça ne m'étonne pas qu'il est été produit par cette plateforme. Sauf qu'ici le film n'a pas été tourné avec une intention de propagande, mais simplement pour raconter une histoire rigolote ancré dans un petit bout de France.
Super Bourrés a été réalisé avec les meilleurs intentions, c’est un film généreux comme je les aime qui n’a fait aucun compromis dans son humour débile autant que dans la beauté des choses de tous les jours que ce soit la famille, les amis, la transmission des coutumes locales et les péripéties de la vie, surtout lorsque l’on est adolescent. D’ailleurs le film se clos sur le départ vers une « vie d’adulte » qui laisse entrevoir que toutes ces aventures d’adolescence qui pouvaient paraitre « graves » sur le moment deviendront en réalité de beaux souvenirs qui auront forgé une belle amitié par la suite. Il y a tous ça dans ce film que je recommande chaudement à quiconque sait ce qu’est la véritable générosité cinématographique.