Sous-estimé ? Sur-estimé ? La vérité est tout autre.

Le retour de Superman sur grand écran au bout de 20 ans aura déchaîné les passions. Il y a deux avis complètement opposés à son sujet, la première le traitant de véritable bouse, le second le défendant comme un film incompris. Impossible de se retrouver entre les deux tant c'est un matériel avec lequel il ne faut surtout pas plaisanter. Même si le film subit une légère réhabilitation depuis sa sortie, son statut fait toujours débat, un film objectivement bon ne devrait pas avoir fait taire les critiques avec le temps ?


On pourra dire ce que l'on veut de Superman Returns, Bryan Singer a bien tenté de faire revivre le mythe de l'Homme d'Acier, pas forcément au goût du jour puisque c'est très probablement ce qui lui a le plus porté préjudice.
Car oui, nous sommes toujours partis du principe que seul deux possibilités étaient envisageables quant à la qualité du film, les deux n'amenant inévitablement qu'à l'éternelle opposition qui ne se résoudra jamais. N'y en a t-il pas une troisième plus plausible ?


Pour se pencher sur la question et trouver les raisons d'un tel phénomène il faut tout d'abord chercher quelles sont les raisons qui ont amenés Bryan Singer à faire ce film.
Plusieurs cinéastes ont tentés de se frotter au défi de faire revenir Superman après les nanars qui ont mit fin à son exploitation filmique. Singer était le seul réalisateur à avoir eu la confiance des producteurs de la Warner pour ressusciter le héros suite au succès de la saga X-Men dont la richesse allait bien plus loin que le simple défouloir grâce à l'exploitation de thématiques fortes tout à fait compatibles avec Superman (et vu qu'il a renoncé à faire X-Men 3 pour faire ce film, on perd sur les deux tableaux).


Si le potentiel pour faire un grand film est présent, on va plutôt se concentrer sur les intentions de Singer sur son film puisque c'est dessus qu'il faut chercher les raisons qui font que Superman Returns ne fut pas le succès attendu.
Et c'est justement ça qui choque car la raison se trouve juste sous notre nez, elle nous est même montré en pleine face de la première à la dernière minute: La familiarité faite avec le film de Richard Donner.


Un choix artistique osé, surtout quand on connaît la réputation que cette saga a gagné au fil du temps (qui est quand même erroné pour ce qui est du premier film loin d'être aussi bêbête que ce l'on a retenu). Bien que n'étant pas réellement une suite de la saga en elle-même, il s'agit plus d'une "fausse suite" hommage au premier film qu'une oeuvre véritablement indépendante, en témoigne certains éléments parfois en contradiction avec le premier, il ne fait que reproduire la vieille recette aujourd'hui.
Si Bryan Singer veut déclarer sa flamme au Superman de Richard Donner, libre à lui. Mais c'est justement ce choix qui va handicaper toute les démarches artistiques de son film.


La première conséquence de cette fausse bonne idée étant que les acteurs ne peuvent jamais se détacher de leur modèle d'origine. Aussi talentueux soient Brandon Routh et Kate Bosworth, ils ne peuvent rien faire de plus que simplement le minimum demandé puisque leur seule directive n'est ni plus ni moins que de ressembler à Christopher Reeve et Margot Kidder.
Le seul à échapper à cette règle est, comme tout le monde l'aura salué, Kevin Spacey en Lex Luthor tout logiquement car sa prestation se détache de celle de Gene Hackman, y apportant plus de froideur et de calme en étant moins guignolesque que son prédécesseur bien qu'il lui arrive par moment de surjouer de la même manière. Le meilleur interprète que le génie du mal ait eu. Mais malheureusement, il est certes plus charismatique mais il n'est pas plus riche, sa personnalité et son plan étant pratiquement, à quelques exceptions près, les mêmes que dans le film de Donner, la cruauté et la vengeance en plus.


La seconde conséquence est l'incompatibilité entre le film et son matériau.
Bryan Singer inculque à son film une ambiance sérieuse contrairement à la saga d'origine mais y reprend pourtant certains de ces codes propres. Le mélange est complètement hétérogène. A titre d'exemple, impossible de croire un seul instant que personne parmi l'entourage de Clark Kent ne sache faire la distinction entre lui et Superman tant le ton apporté se veut plus réaliste (encore moins Loïs Lane censée avoir eu une relation amoureuse avec lui), et se servir de cet élément comme d'une blague était loin d'être malin.
Ce qui faisait fonctionner le premier Superman était que l'ambiance enfantine et colorée permettait à ses choix d'écritures, aussi tirés par les cheveux soient-ils, d'êtres crédibles. Superman Returns est beaucoup trop sérieux pour les réemployer de la même manière et oser demander au spectateur d'y croire comme avant. Ce qui fait que plusieurs autres de ces reprises faites au nom de l'hommage alourdissent irrémédiablement la narration (Loïs qui se met en danger de manière irréfléchie, Lex Luthor unidimensionnel et pas moins manichéen qu'auparavant...).


Singer fait largement le travail pour donner quelque chose d'unique, mais son hésitation (voir son incapacité) à vouloir se détacher de son oeuvre mère l'oblige à employer des ficelles complètement datées. L'intelligence de son histoire s'en retrouve plafonné à ce que Richard Donner avait fait auparavant, ce qui amène la plus dommageable des conséquences: les éléments originaux qui auraient pu pousser Superman Returns plus loin ne sont pas exploités comme ils auraient dû l'êtres (l'enfant de Superman finalement très accessoire).


Tout ça fait que Superman Returns ne dépasse jamais son postulat de base. En laissant sa fan-attitude de la saga d'origine prendre le dessus, Singer ne pouvait de toutes façons pas faire quelque chose de supérieur même si le résultat et la tentative restent tout à fait honorables. Si il avait eu le cran de faire sa propre version de Superman en s'affranchissant de toute inspiration extérieure (comme Christopher Nolan l'a fait avec Batman un an plus tôt, à titre d'exemple), il aurait certainement pu faire un film de super-héros pleinement aboutit dans ses intentions et de bien meilleure qualité.


Quel est le bilan de tout ça au final ? Car pour l'instant je n'ai fait que donner un avis sur le film, je n'ai en rien expliqué les raisons de sa division auprès du public. Vous remarquerez cependant dans mon avis que je ne me place dans aucun des deux camps, je ne le considère ni comme un navet ni comme un chef-d'oeuvre, ma note n'est pas extrême, mon appréciation se place entre les deux bien que penchant légèrement vers le plus positif. J'ai jugé le film objectivement sans la moindre considération extérieure contrairement à beaucoup qui semblent laisser leur jugement du film se faire influencer en fonction de l'accueil globalement négatif qu'il a reçu à sa sortie. J'en suis finalement venue à une appréciation tempérée, l'une des rares, je n'irai pas jusqu'à dire que cela veut tout dire, mais je pense que cela veut néanmoins dire beaucoup.


Le fait est que le film est techniquement irréprochable, ce sont seulement ses choix qui sont douteux mais il n'y a rien de vraiment honteux dedans. Voilà donc mon hypothèse (et sans être présomptueux, je l'applique également aux films du DC Extented Universe qui souffrent d'une division similaire). La voici donc:
Superman est-il une icone tellement populaire qu'il est inconcevable pour le public d'accepter un film qui soit juste passable ? L'attente et l'héritage culturel qu'il suscite rendent-ils inconcevable la perspective de la neutralité ? Doit-on toujours se retrouver avec des polarisés dénués de reculs ou de justice ?


Dans ce cas-là il est bien dommage de voir des années de débats s'engendrer dessus. Car au final, Superman Returns n'est pas un mauvais film, c'est un film qui possède un héritage trop important pour se permettre la facilité et qui a finit par provoquer la colère de tout le monde en dévoilant des erreurs aussi facilement évitables.


La réponse à tout cela ? Jugez les films de manière réfléchie et surtout, objective. C'est aussi simple que ça, il n'y a pas de formule miracle.

Housecoat
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le 29 oct. 2017

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