Superbe film, techniquement très classique mais qui puise sa substance dans l'ouvrage de l'estimable S. Tesson tout en étant porté par l'excellent J. Dujardin. A travers cette itinérance sur ces sentiers discrets et peu fréquentés, les fameux chemins noirs que l'on voit sur les cartes IGN, le film qui jongle entre temps présent et flashback développe à mon sens deux sujets majeurs:
- d'abord la reconstruction après un trauma, qu'il soit physique ou mental, question déjà largement traitée sur laquelle je ne m'attarderai pas ici même si le récit est touchant. La reconstruction du corps dans l'effort et celle de l'esprit grâce à la beauté de la nature ou une rencontre simple et sincère au détour d'un chemin sont à mon sens de puissants remèdes.
- Ensuite l'amour pour cette géographie française si unique et une de ses composante majeure qu'est la France rurale. Sur ce point que dire si ce n'est que j'ai adoré suivre ces paysages, dans ce pays si beau, forcément le plus beau lorsque l'on s'y sent chez soit, que l'on se retrouve lié de manière viscérale à ces paysages, à cette culture, à cette Histoire. Ce carrefour béni entre le monde méditerranéen et le monde de l'Atlantique Nord, entre les portes de la péninsule ibérique et les prémices de la Mer du Nord, parsemé de montagnes, de forêts, de plages et de marais, perclus de culture gréco-romaine, germano-celtique et judéo-chrétienne. Il suffit de faire 200km et l'on pourrait croire que l'on a changé de pays avec des paysages, une architecture et un accent métamorphosés. Ce qui nous relie reste notamment la langue française, la culture et une histoire commune, à laquelle Tesson ne manque pas de faire référence régulièrement.
Sur ces chemins noirs on croise ces figures campagnardes fugaces et authentiques, témoins d'une France en pleine mutation, oubliées, parfois dénigrées car hors d'un système ultra consumériste, hors des grands enjeux électoraux, ne posant pas de problèmes particuliers car travaillant et subissant avec une forme de résilience fataliste, parfois relativiste et qui, suprême déshonneur, ne méritent même plus la reconnaissance du ventre car beaucoup de déracinés consomment des produits importés de l'étranger à bas coût en dépit de tout bon sens social, écologique voire même culturel. Comment ne pas s'attacher à ce pays hors des grandes métropoles d'autant plus lorsque ces dernières, sous les feux des projecteurs de l'actualité, croulent sous les ordures et la violence partisane ou prédatrice. Cette France des campagnes et de la nature sauvage qui progresse moins vite que sa consœur urbaine, ce qui peut parfois être une bonne chose, mais qui malheureusement semble mourir à petit feu.
Est-ce qu'être nostalgique d'un pays moins frénétique, où les dissensions étaient moins exacerbées est forcément réac et ringard? C'est le genre de questions que l'on peut se poser en en regardant ce film ou mieux encore en parcourant les chemins noirs, bien que l'on puisse également cesser de se torturer l'esprit et simplement s'évader, loin du chaos et de l'incompréhension, en se contentant d'écouter, sentir, regarder... Bref apprécier la beauté de la France.